Depuis juillet dernier, l’Aéroport International de Genève n’est plus client de la SGA. Cette perte, qui profite au concurrent Neo Advertising, a réduit le CA de la SGA d’environ CHF 5 millions en 2015. Cette régie spécialisée dans l’affichage a cependant réussi à améliorer le résultat du groupe pendant le même exercice.
Début 2015, SGA perdait un appel d’offres et s’est donc vu contrainte, au second semestre, d’abandonner la commercialisation de l’affichage de Genève Aéroport. Au premier coup d’œil, il semble que cette perte n’affecte pas le leader de la publicité extérieure : les résultats du groupe se chiffrent à CHF 313 millions pour 2015, soit 0,6% de plus qu’en 2014, les ventes nationales ayant même augmenté de CHF 1,3% à 302 millions. « Cette évolution est d’autant plus satisfaisante qu’au deuxième semestre, en comparaison avec la même période de l’exercice précédent, le chiffre d’affaires du contrat échu avec l’aéroport de Genève devait être compensé », est-il d’ailleurs précisé dans la Lettre aux actionnaires.
Mais ce succès n’en dissimule pas moins une certaine contrariété du CEO Markus Ehrle qui, au cours de la conférence de presse du 25 février 2016, a reconnu que, sans les pertes essuyées avec Genève Aéroport, le CA de la SGA aurait même pu augmenter de 3% sur le marché national.
Autrement dit, ce mandat aurait permis à SGA d’encaisser en 2015 une dizaine de millions de francs, dont la moitié s’est évaporée suite au changement de contrat effectif au 1er juillet 2015. Pour l’année en cours, la SGA devra également renoncer à l’autre moitié de cette somme. En outre, elle devra aussi se passer de la publicité électorale qui, l’automne dernier, lui aura apporté près de CHF 5 millions. Résultat : le chiffre d’affaires de la SGA (Suisse) devrait reculer en 2016 d’au moins 3%. De plus, comme nous l’avons précédemment évoqué dans le numéro 8/15, la SGA a aussi perdu les concessions de la ville de Lucerne (changement effectif dès le 1.7.2016) et de la société de transports zurichoise (au 1.1.2017 seulement), Clear Channel ayant décroché ces deux contrats. Même si la SGA a réussi l’an dernier à prolonger les accords passés avec plusieurs (petits) éditeurs ou à en prospecter de nouveaux, ces activités ne peuvent compenser les pertes. Et aucune décision n’a encore été prise concernant le contrat de la Ville de Lausanne : SGA a certes remporté l’appel d’offres mais Clear Channel a porté l’affaire devant le Tribunal fédéral.
Toutefois M. Ehrle considère l’année passée comme étant néanmoins « très appréciable », aussi en termes de résultat net : il a progressé de 3% à CHF 53 millions. M. Ehrle n’a toutefois pas voulu formuler de pronostics pour 2016. Il s’est montré très satisfait de la Serbie, qui est le seul marché étranger où la SGA déploie encore ses activités. Même si le CA a reculé de presque 16% en raison de la conjoncture et des cours monétaires, le pays demeure dans une certaine mesure profitable. D’ailleurs la SGA a engrangé de nouveaux contrats passés avec deux autres grandes villes, qui complètent le contrat de ville conclu avec Belgrade. Pas question de se séparer de ces activités, a ajouté M. Ehrle.
La politique de dividendes pratiquée par le leader du marché suisse illustre également sa bonne santé financière : lors de l’assemblée générale, il compte proposer l’augmentation du dividende (de 22 à 23 francs) afin de réduire les liquidités, qui se chiffrent actuellement à 139 millions de francs.
Les développements pour 2016
La SGA a lancé en 2015 le projet « eCommerce Platform ». Il s’agit d’une nouvelle mouture de l’outil de planification, d’achat et de gestion PosterDirect orientée vers le Programmatic Buying – ce canal a d’ailleurs déjà généré une augmentation des ventes de 63%.
L’offre numérique de la SGA a augmenté de 73 unités et regroupe désormais près de 270 espaces grand format ainsi que 24 colonnes pivotantes lumineuses. Sans oublier les 700 écrans publicitaires (Adscreens) équipant les véhicules de cinq sociétés de transport (dont 434 pour la seule ville de Lausanne). Le CA numérique a progressé de 19% à 25 millions de francs.
Au 24 février 2016, la SGA a repris l’intégralité de la société AlpenPlakat AG qui possède 550 emplacements individuels en Suisse centrale et dans le Mittelland. M. Ehrle a qualifié cette société de « joyau ». L’autorisation de la Commission de la concurrence n’est pas nécessaire en raison du volume peu conséquent. En comparaison, la SGA possède près de 50 000 emplacements dans toute la Suisse.
À partir du 1er juillet 2016, la SGA pourra exploiter en exclusivité les emplacements de distribution et de promotion des gares CFF. Elle en profite pour lancer dans ce contexte un « nouveau secteur d’activités prometteur » appelé APG|SGA Promotion. Suite à la progression des achats en ligne, de plus en plus de sociétés utilisent ce moyen pour établir un contact direct entre clientèle et (nouveaux) produits », a expliqué M. Ehrle.
L’épine du pied de l’année…
Le Tages-Anzeiger l’a annoncé le 26 février : une plainte a été déposée contre la SGA qui pourrait bien y perdre 1,6 million de francs. Madeleine Linter, l’ancienne responsable de la division Grèce, réclame des dommages-intérêts pour atteinte à sa réputation. La SGA avait porté plainte contre elle en raison de l’échec de l’expansion grecque, mais un tribunal genevois avait rejeté l’action. Après un second procès, la SGA a par ailleurs été condamnée à verser à Mme Linter 250.000 francs de salaire et à établir un certificat de travail positif. À ce jour, la SGA n’avait jamais évoqué ces actions en justice. M. Ehrle n’a pas voulu prendre position devant Cominmag, alors que Mme Linter a confirmé la teneur de l’article.
Interview de Markus Ehrle, le CEO de SGA
La fermeture de votre antenne genevoise est-elle consécutive à la perte de l’aéroport de Genève ?
Non, nous avons maintenu notre bureau de Meyrin. Par contre, il est vrai que nous avons procédé à la dissolution de Bercher SA, notre filiale (4 collaborateurs) chargée du secteur Aéroport. Les activités Aéroport restantes sont regroupées dans une division APG|SGA Airport. Ceci nous a amené à réduire nos effectifs, deux employés étant toutefois repris par APG|SGA. L’ancien patron de Bercher, Pierre-Alain Mettraux, est maintenant directeur commercial chez SGA Suisse romande.
Où êtes-vous implanté dans la région ?
Nous avons plusieurs points de vente (Genève, Lausanne, Fribourg, Sion, Neuchâtel et Bienne) proposant l’intégralité des prestations.
La place de Genève reste-t-elle importante pour vous ?
Grâce au contrat de ville conclu avec Genève et aux nombreux emplacements (classiques et numériques) que nous y possédons, nous sommes le leader incontesté du marché, en ville comme sur les axes desservant l’aéroport. Nous sommes uniquement absents du site de l’aéroport. Mais la plupart des clients présents à l’aéroport nous ont chargés de gérer d’autres campagnes relayant efficacement leur publicité vers ville et campagne. Cela étant, de façon générale, l’industrie des biens de luxe (horlogerie par ex.) fait actuellement preuve d’une certaine réserve en matière de publicité. Je ne suis donc pas sûr que Neo Advertising et l’aéroport de Genève puissent atteindre les ambitieux objectifs de CA qu’ils se sont fixés.
Il y a deux ans que l’on attend les données sur la mobilité inter-agglo fournies par l’étude SPR+ consacrée à l’affichage. Pourquoi ce blocage ?
Nous sommes peut-être en retard sur le calendrier mais un énorme travail de fond a été fait. Pour SPR+, SGA et Clear Channel, la stabilité et la plausibilité des données étaient deux points essentiels. Il y a quelques mois encore, les problèmes résultant des processus de calcul extrêmement complexes du modèle de recherche nous semblaient presque insolubles. Entre-temps, SPR+ en est pratiquement au stade final et procède aux validations. Les résultats et les enseignements devraient être présentés au Research Advisory Council (dont font partie annonceurs et agences) dans les semaines à venir. Une fois qu’il aura donné le feu vert, le déploiement suivra dans les prochains mois.
Comment la SGA voit-elle la coentreprise réunissant SSR, Swisscom et Ringier ?
De façon générale, nous n’avons absolument rien contre les coopérations. Mais nous analysons systématiquement la pertinence d’un partenariat. Dans la perspective actuelle, la coentreprise ne nous intéresse absolument pas mais nous observons son évolution et l’offre récurrente. Nous laissons toutefois la porte ouverte à toutes les négociations – avec une certaine nonchalance, car la publicité directement calquée sur le consommateur nous concerne peu. De plus, la coentreprise devra d’abord surmonter quelques obstacles – notamment en termes de politique médiatique – ce sera une tâche herculéenne que de concilier les intérêts de trois entreprises différentes ayant chacune une culture propre. De toute façon, la commercialisation tous médias n’a encore jamais fonctionné en raison du maintien de la séparation des responsabilités profits et pertes dans chaque entreprise média impliquée. PubliGroupe a déjà fait une tentative similaire et a complètement échoué.
Mais la SGA ne fait pas partie des opposants au projet ?
Non. Et ni la Commission de la concurrence, ni l’OFCOM ne nous ont contactés à ce sujet.
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