Plus qu’administrative, cette réunion donne à penser les relations entre les deux pratiques. Cela fait longtemps que de nombreux artistes se retrouvent dans le monde professionnel des arts appliqués et que des artistes avérés ont en fait bénéficié de l’apprentissage technique des arts appliqués. Cela fait longtemps aussi que de grands courants artistiques troublent les frontières, et en bousculent les douaniers, de l’Art Nouveau au Pop Art en passant par le Bauhaus. Aujourd’hui, des boutiques de mode exposent des artistes et vendent leurs multiples, des artistes signent des photos pour des magazines de modes, des architectes sont invités dans des biennales d’art…
Ce qui fait peut-être l’actualité de la question, c’est ce souci de contemporanéité, appuyé par les deux C du sigle choisi pour le programme de manifestations genevois. Il n’est aucun autre domaine aussi soucieux de préciser qu’il oeuvre aujourd’hui pour aujourd’hui. Un sociologue, un politicien, un sportif n’ont pas besoin de cet adjectif « contemporain » pour affirmer leur identité. Alors, pourquoi artistes (au sens large, la musique étant aussi contemporaine) et designers tiennent-ils donc à se démarquer ainsi? Au risque de créer des tensions dans leurs propres champs d’expérimentation, certains ne voulant ou ne pouvant pas être reconnus comme contemporains. Il est certain que, tant dans les masters class qui ont débuté depuis la rentrée à la HEAD que lors du colloque des 26 et 27 octobre et dans l’exposition au Centre d’art contemporain, cette définition de la contemporanéité sous-tendra les débats.
Etre inscrit dans son époque ne signifie pas obligatoirement être éphémère et pompier. D’une part, de simples travaux de commandes exécutés par les peintres d’antan, correspondant totalement à la mode de leur époque, restent aujourd’hui des chefs-d’oeuvre qui font vibrer des millions de visiteurs de musée. D’autre part, frapper fort les esprits de son temps et disparaître ensuite n’est pas forcément ignominieux. Contemporain ne signifie pas contant pour rien, n’en déplaise aux cyniques.
Surtout, il n’y a clairement pas une manière une et unique d’être contemporain dans un monde heureusement encore plus divers qu’on veut bien le dire. Et c’est bien le devoir des écoles d’art et de design de laisser à leurs élèves la liberté de trouver leur identité d’artistes et de designers du XXIe siècle.