Guide du Marketing : Interview de Fabio Mancone, Chief Branding Officer, Groupe Lombard Odier
Pour accompagner son positionnement en faveur de l’investissement soutenable, le Groupe Lombard Odier réinvente les codes de la banque privée avec une approche holistique de la clientèle. Une transformation stratégique qui se fait autant par le branding que par la construction d’un nouveau bâtiment.
Fabio Mancone, Lombard Odier a préféré créer le poste de Chief Branding Officer plutôt que celui de Chief Marketing Officer. Comment expliquez-vous cela ?
La multiplication des points de contacts oblige désormais les marques à appréhender leur univers de communication de manière holistique, à travers tous les touch points avec les clients. Parler de branding oblige à considérer l’expérience de marque de façon globale, à travers tout le marketing mix, tant physique que digital.
Vous venez de l’univers de la grande consommation (Unilever, Kraft Foods) et du luxe (Lancôme, Amani, Ralph Lauren, Giorgio Armani et SMCP), qu’apporte cette expérience au monde bancaire ?
La grande consommation comme la mode ont toujours été des secteurs orientés « clients ». Ces secteurs sont très réactifs en matière de marketing et de communication. Beaucoup d’importance est donnée respectivement aux études de marché et aux tendances, ce qui oblige les marques à se projeter toujours dans le futur et essayer de garder une marge d’avance. Les clients du secteur bancaire sont de plus en plus complexes et exigeants. Il était dès lors nécessaire de clarifier le positionnement de la Maison Lombard Odier autour d’un projet fédérateur qui permette à cette institution bicentenaire de proclamer son bien-fondé et de se projeter dans l’avenir, tout en créant une connexion empathique, émotionnelle avec les publics interne et externe, basée sur une perspective commune du monde, de ses enjeux et de ses opportunités.
Comment avez-vous appréhendé cette mission ?
On m’a laissé trois mois pour étudier la situation en profondeur. Revisiter le passé de Lombard Odier m’a permis de comprendre que l’ADN de cette banque pouvait avoir une résonnance forte dans le monde actuel. Tabler sur le concept « Rethink Everything » comme moteur fédérateur, légitime et authentique de la marque démontre l’audace des associés-gérants.
Qu’entendez-vous par là ?
Avec les campagnes Rethink Everything nous avons décidé de poser un regard nouveau, et franc, sur l’actualité et son impact sur la finance et l’économie. Avec cette dernière campagne « Rethink sustainability » nous sommes allez plus loin en reconnaissant qu’en ce début de XXIe siècle l’investissement doit être repensé. La transformation digitale, le changement climatique, la pression démographique notamment sur les ressources naturelles sont des défis qui impactent l’économie. En tant que groupe bancaire indépendant, nous nous devons de proposer une vision à long terme. À l’instar d’Alexandre Lombard qui, au XIXe siècle, avait prévenu ses clients contre tout investissement dans les Etats Confédérés dont les économies étaient basées sur l’esclavage. La Guerre de Sécession lui donna raison. Nous ne vendons pas des produits financiers, mais une expertise de conseillers indépendants, restant donc libres dans nos recommandations. La confiance est à ce prix.
Une liberté que l’on retrouve dans le ton de votre campagne image qui détonne par rapport aux visuels du monde bancaire notamment avec le visuel « Shareholders » qui représente quatre enfants au regard inquisiteur.
Avec les visuels Rethink Everything, en rupture avec nos précédentes communications et surtout celle de l’industrie bancaire, Lombard Odier fait la promesse de ne rien considérer comme acquis, de remettre en question sa place dans un environnement économique en mutation et de se réinventer au bénéfice de ses clients.
Le visuel Shareholders nous tient particulièrement à cœur, car il souligne toute notre responsabilité d’adultes et de gestionnaires d’un monde en péril face aux attentes de nos prochaines générations.
Comment en arrive-t-on à imposer une signature de marque aussi disruptive ?
Fidéliser sa clientèle tout en attirant un nouveau public est une nécessité pour toutes les marques. Comprendre son environnement ne signifie aucunement renoncer à ce que l’on est, mais rassurer sur la pertinence de son positionnement.
Et pour faire passer le message, vous avez lancé une importante campagne de communication…
La multiplication des points de contact nous oblige à être cohérent dans toutes nos communications: notre site, nos visuels, nos contenus, nos réseaux sociaux: tout doit concourir à créer du sens pour nos clients et à nous différencier. Toute la communication, à travers chaque canal, doit rester parfaitement cohérente.
Quels canaux avez-vous privilégié et pour quels résultats ?
Sur le web, la vidéo de la nouvelle campagne a comptabilisé presque 1,2 million de vues en deux mois, toutes plateformes confondues. D’un format d’une minute 30, elle a été déclinée aussi en une version de 45 secondes pour LinkedIn et de 30 secondes pour Instagram. Cela a eu une forte incidence sur les visites du nouveau site : plus de 400’000 visiteurs uniques incrémentaux sur l’entièreté de la campagne. Des « leads » à qui l’on va proposer notre newsletter personnalisable en fonction des intérêts des internautes.
Nous avons également acheté de l’espace dans la presse économique internationale et locale, papier et digitale. Mais nous avons aussi misé sur nos collaborateurs, que nous considérons à la fois comme audience et vecteur essentiel de communication.
L’immobilier fait également partie des points de contacts déterminants.
Absolument. Transcrire notre positionnement dans un bâtiment était nécessaire et s’est ainsi que fin 2017 nous avons complété la rénovation de notre magnifique siège historique rue de la Corraterie. Les associés-gérants ont souhaité donner à la nouvelle décoration d’intérieur une empreinte entre tradition et style contemporain, ce qui a beaucoup plu et s’adapte parfaitement au caractère de l’hôtel particulier.
Mais l’empreinte décisive en termes d’expérience client et de style de travail se réalisera avec la construction du nouveau siège de la Maison à Genève qui réunira pour la première fois tous les employés de la banque à Bellevue (ndlr : en face de La Réserve) courant 2022. Un projet signé par le bureau d’architectes bâlois de renom international Herzog et de Meuron, au nom de code « 1Roof ». Ce bâtiment symbolisera une unité de lieu pour les employés et un message de modernité adressé au marché et aux clients. Lombard Odier s’est bâti une riche histoire mais a surtout le regard tourné vers l’avenir.
Quid de la Fintech, y avez-vous un intérêt ?
La Suisse a une avance en matière de sécurité et de stabilité qui devrait pouvoir favoriser le développement des Fintechs. Le développement de solutions technologiques bancaires est un défi stratégique pour notre branche. Le groupe Lombard Odier s’est doté de longue date d’une plateforme de gestion de portefeuille à la pointe de la technologie. Son succès a été tel que nous avons entrepris de le développer également pour d’autres établissements bancaires.
Depuis deux ans, vous avez entamé une transformation profonde. Pourquoi une telle urgence ?
Dans un monde en transformation il est impossible de rester statique. Comme nous le clamons dans notre dernière campagne, nous vivons une révolution qui touche tous les secteurs, dans le monde entier. Nous nous devons donc de comprendre ces mutations fondamentales et leurs impacts sur l’économie et la finance, dans l’intérêt de nos clients. La pérennité est à ce prix. Lorsque l’on a 222 ans, on ne peut que faire sien les mots de l’auteur du Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa : il faut que tout change pour que rien ne change !
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