La plupart des titres imprimés ont un processus de production unilatéral : de la création à la diffusion jusqu’aux archives. Ce faisant, les éditeurs se privent de revenus complémentaires qui pourraient être générés par la revente des droits acquis pour eux-mêmes à d’autres médias.
Pour engager ce type de processus, il convient d’abord de revoir les contrats adéquats avec les journalistes et autres créatifs de la chaîne de production afin qu’ils autorisent une cession intégrale de leurs droits d’œuvres produites, qui comprendrait également la diffusion dans le média « employeur » et les droits de revente, d’adaptation et de traduction. Bien entendu, le contenu des agences ne peut être inclus dans ce lot, ni d’ailleurs les articles qui ne font que rajouter des « mais ou et donc or ni car » entre trois news fournies par les agences de presse.
Sur la base d’une propriété solide et extensive des droits, l’entreprise doit ensuite définir sa stratégie de distribution en trouvant l’équilibre entre la génération de nouvelles opportunités et le risque de cannibalisation de son territoire historique. Ce dernier peut être considéré comme la combinaison de la zone de diffusion physique du média, de la langue du contenu et des thèmes traités par la publication.
Le contenu dans une langue venant d’un éditeur limité à un seul territoire peut être monétisé dans d’autres langues, dans d’autres territoires non concurrents ou dans tous les autres types de supports de diffusion, tout en limitant au maximum les risques de faire baisser les revenus liés à la circulation de la publication originale (pubs et vente).
Cette stratégie peut contribuer à résoudre le cercle vicieux dont souffre la presse depuis plus d’une décennie. En effet, les médias ont, à la fois, moins de ressources pour payer leurs personnels tout en ayant plus de supports de diffusion à remplir : web, mobile, tablettes. Ce qui engendre une baisse de la qualité des services, donc moins de succès, donc moins de revenus et donc de ressources.
Dans ce contexte, créer de nouveaux revenus sans pour autant augmenter les coûts existants permet justement de sortir par le haut de ce cercle vicieux. Les royalties générées par les ventes des contenus permettraient d’augmenter la quantité et/ou la qualité des ressources de production, ce qui entraînerait une amélioration de la pertinence du contenu produit, donc de l’audience et des revenus. Ces ressources supplémentaires permettraient aussi de créer plus de contenus originaux, réellement en phase avec l’identité du média, et donc, des attentes de son public cible.
Les clients potentiels ne sont pas que les entreprises de médias. En plus de pouvoir être diffusés sur toutes les nouvelles plateformes digitales du moment (mobile, web, DOOH) ou à venir (kiosques interactifs, consoles de jeux, in-flight / in-car entertainment), les droits « distribués » pourront aussi être diffusés par des entreprises et des institutions, qui utilisent toujours plus le contenu pour créer de la valeur ajoutée pour leurs clients, dans leurs magazines internes, leurs newsletters ou leurs communications commerciales.
En bonus, par ce processus de distribution, le média donne à sa marque et à ses journalistes de nouvelles opportunités de visibilité internationale et ce dans divers supports. Au-delà des revenus, un peu de reconnaissance supplémentaire fait toujours plaisir.
Si l’on accepte l’idée que la presse suisse ne sera pas sauvée par la Confédération, la BNS ou par l’iPad, la presse devra se sauver elle-même, ce qui est à la fois plus excitant, plus honorable et plus poétique. Dans cette optique, la redistribution sera sûrement l’une des méthodes pour y arriver.
Clément Charles
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