Tendances

Des compétences des artistes, et de quelques autres

Compétences. Le mot n’a cessé de revenir depuis quelques mois dans les conversations culturelles. A propos des candidats à la succession de Pascal Couchepin par exemple. On a même entendu l’un d’eux proférer qu’il était trop occupé pour pratiquer la culture, la reléguant ainsi au rang de loisir superficiel pour oisif sans avenir.

On s’est aussi soucié, à tous les niveaux d’engagement, des compétences de politiciens pérorant sur des dossiers qu’ils semblaient ne pas avoir ouverts depuis vingt ans. Ou encore de la tendance à nommer à la tête d’institutions culturelles, théâtres ou musées, des animateurs ou des administrateurs plutôt que des spécialistes du domaine. Comme s’il était désormais plus important d’organiser la culture que de la stimuler, de la gérer plutôt que de la connaître. Il faut souligner que ces nominations sont dues en grande partie aux politiciens qu’on pensait justement en charge de ce cadre organisationnel.

La compétence de certains journalistes a également fait l’objet de quelques doutes, tant certains médias semblent avoir à coeur de confier des domaines culturels à des journalistes qui affichent pour ceux-ci une dose certaine de méfiance, voire de mépris, pensant que ceux-ci seront plus en phase avec le « grand public ». Personnellement, il me semble que c’est surtout ce « grand public » qu’on méprise ainsi
Mon humeur n’est donc pas au beau fixe. Mais il y a heureusement toujours des rencontres qui vous réconcilient avec le monde. Et je me suis souvenue de tous les artistes croisés ces derniers temps qui me parlaient avec la même passion de leur travail ou de ceux d’autres artistes. Une passion engagée et argumentée.

Des artistes qui pensent? Oui, voilà qui dérange peut-être quelques clichés: le propre de l’artiste n’est-il donc pas d’exprimer des émotions? C’est oublier que les Beaux-Arts sont des études supérieures où l’on ne se contente pas d’apprendre à mouler le plâtre, à mélanger les tubes de couleurs ou à brouiller les pixels. Qu’en arts visuels, tout autant que pour la musique, le théâtre ou le roman, il est des créateurs pour qui l’apprentissage de connaissances est lui-même source d’émotions. Tout comme l’engagement dans la société contemporaine.

Oui, beaucoup d’artistes, d’une façon ou d’une autre, se mêlent de politique. En Suisse, on en a vu de beaux exemples cet automne avec le festival Eternal Tour dans le canton de Neuchâtel, ou avec Utopics, 11e exposition suisse de sculptures à Bienne. A deux pas, la Biennale d’art de Lyon dirigée par Hou Hanru est totalement imbibée d’engagement.

On aurait donc des artistes qui s’engagent en politique alors même que les politiciens se couperaient de la culture? Pour, parfois, mieux couper dans la culture? Politique et culture, un couple maudit? Suite à quelques malheurs d’ordre privé, Pro Helvetia a choisi d’animer le débat avec une exposition itinérante aux allures de fête foraine. Helvetia Park est à visiter au Musée d’ethnographie de Neuchâtel.

elisabeth@cominmag.ch

Journaliste culturel, responsable de Sortir le guide culturel du Temps.

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