Cominmag.ch

Quand la pub s'invite dans la vie

J’ai beaucoup écrit ces derniers temps, à l’occasion de Visions du réel, festival international de cinéma de Nyon, sur le mélange entre fiction et documentaire. J’ai évoqué notamment les émotions qui peuvent surgir quand les personnes dont les cinéastes proposent le portrait sont présentes à la projection. Non pas les acteurs, mais les personnes de la vraie vie! Tout à coup le cinéma parvient à faire surgir ses héros en dehors de l’écran. Comme Woody Allen l’avait imaginé dans « La Rose pourpre du Caire ».

En même temps, j’avais inscrit dans un coin de carnet quelques idées pour cette chronique. J’avais ainsi noté qu’Opus One, organisateur de la venue de « Mamma Mia !» à l’Arena de Genève, avait lancé pas mal d’invitations aux premières représentations afin de susciter un bouche à oreille enthousiaste. De la publicité vivante, dont les acteurs sont tous ceux qui vont, à la pause café du lendemain, raconter à leurs collègues les couleurs, les rythmes, les chansons reprises en choeur… D’ailleurs, à Genève, le Grand Théâtre utilise une méthode similaire en proposant à des jeunes de 18 à 30 ans un accès privilégié à condition de devenir ses relais dans les universités et les hautes écoles. Tout cela est encore très gentil.

Sur mon carnet, j’ai aussi gardé quelques images de cette foule de téléphones portables qui photographiaient la descente en rappel d’une bande d’acrobates le long de la façade d’un grand magasin. De loin, j’ai crû un instant que les syndicats qui menaient campagne contre cette grande surface, l’accusant d’avoir sanctionné une employée pour son activisme, avaient pris d’assaut, plus ou moins symboliquement, le bâtiment. Mais j’ai compris bien vite que j’étais loin du compte quand j’ai découvert que les acrobates, habillés en employés modèles, dévoilaient au fur et à mesure de leur descente la photographie géante d’un nouveau modèle de machine à café.
Et nous étions tous là à envoyer de superbes publicités gratuites à nos connaissances avec nos téléphones portables!

Un collègue écrivant pour un gratuit romand hésitait à faire un petit reportage. Je lui ai rappelé qu’il vivait grâce à la publicité et que plus les marques trouveraient ainsi d’autres moyens pour faire parler d’elles que de payer des encarts dans la journaux, moins il aurait de chance de garder son emploi. Mais, trêve de réflexion, son journal a de toute façon mis sur son site une photo envoyée par un « reporter mobile ». Il incite en effet ses lecteurs à envoyer sms et mms lorsqu’ils sont témoins d’une actualité. Pour 50 ou 100 francs si les informations sont sélectionnées.

Voilà. Moi , je commence à avoir le cerveau bourdonnant de buzz et autres virus. Je crains une épidémie de rhume publicitaire. Une pandémie qui mettra en péril les cellules saines de l’information. Mais ce doit être la panique du H1N1.

Quitter la version mobile