Quelque 70 experts et expertes de plus de 20 pays viendront participer à des ateliers chez TX Group sur le thème «Computation et journalisme», le jeudi 22 juin à Zurich. S’en suivra la conférence internationale officielle «C+J DataJ», qui se déroulera sur deux jours à l’Ecole polytechnique de Zurich (EPFZ). Cet événement a été organisé par Fabio Zünd, Managing Director du Media Technology Center à l’EPFZ, et Titus Plattner, Innovation Project Manager chez Tamedia.
En tant que co-présidents de cette conférence, vous avez tous deux un rôle important à jouer dans la conception du programme et l’orientation de l’événement. Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que vous souhaitez réaliser avec la conférence de cette année ?
Fabio Zünd: Depuis sa création en 2008, c’est la première fois que le Computation + Journalism Symposium se déroule en dehors des Etats-Unis. Habituellement, il avait lieu dans les meilleures universités comme Columbia University, Stanford, Northwestern ou Georgia Tech. A Zurich, nous voulons mieux relier la communauté américaine, intéressée par l’interface entre la technologie et le journalisme, avec celle d’Europe et du monde entier. En même temps, nous organisons aussi la «European Data & Computational Journalism Conference», car les groupes cibles se recoupent en partie.
Titus Plattner: Cette année, la conférence réunit 170 participants et participantes de plus de 20 pays, dont l’Europe, les États-Unis, la Grande-Bretagne, mais aussi le Japon, Hong Kong ou la Corée du Sud. Parmi ces personnes se trouvent de nombreux professeurs et étudiants, mais aussi des cadres de l’industrie des médias, des journalistes et des personnes issues de l’industrie technologique. Cette rencontre entre l’académie, l’industrie des médias, le journalisme et la tech constitue le cœur de cette conférence.
De nombreuses présentations se concentrent sur le thème de l’intelligence artificielle (IA), mais pas toutes. Pourriez-vous nous donner un aperçu de la manière dont vous avez choisi ces thématiques ?
TP: Il va de soi que l’accent sera mis cette année sur l’influence de l’intelligence artificielle dans le domaine des médias, plus spécifiquement sur l’IA générative. Lors du Computation + Journalism Symposium à New York, l’année dernière, GPT3, le prédécesseur de ChatGPT, était déjà un grand sujet de discussion. Dans le milieu, on s’accorde désormais à dire que ces algorithmes auront un impact gigantesque sur l’industrie des médias. C’est pourquoi nous avons reçu une majorité de propositions de papiers scientifiques et de conférences tournant autour de l’influence de l’IA.
FZ: En réalité, Titus et moi ne sommes que partiellement responsables du programme! Une telle conférence est comme une auberge espagnole, elle vit de ce que les gens apportent. Au début de l’année, nous avons lancé ce que nous appelons un call for proposals. Nous avons sélectionné les meilleures propositions parmi près d’une centaine. Parmi les orateurs et oratrices, il y a aussi beaucoup de gens qui portent un regard critique sur l’évolution actuelle. Il y a beaucoup d’opportunités à saisir, mais aussi des risques. L’éthique et la responsabilité algorithmique sont, outre le journalisme de données et l’automatisation, des thématiques très importantes au sein des rédactions. L’ensemble du processus académique a d’ailleurs été dirigé par la Dr Bahareh Heravi, notre présidente de programme. Elle enseigne actuellement à l’Institute for People-Centred AI de l’Université de Surrey à Londres.
En quoi consiste la collaboration entre le Media Technology Center de l’EPFZ et le TX Group ?
TP: Le TX Group est cofondateur du Media Technology Center avec la SSR, Ringier et la «NZZ». Depuis 2019, nous menons des projets de recherche communs et sommes en contact permanent. Nous avons, par exemple, travaillé sur un système qui permet l’apprentissage automatique basé sur des données de différentes entreprises de médias tout en protégeant la vie privée des utilisateurs et utilisatrices. En 2020, j’avais prévu de me rendre au C+J de Boston avec le prédécesseur de Fabio Zünd. Nous avons dû annuler à cause de la pandémie. C’est de cette frustration qu’est née l’ambition de faire venir la conférence à Zurich. L’enthousiasme et le soutien de notre président du conseil d’administration, Pietro Supino, qui avait déjà assisté à une conférence C+J il y a quelques années, ont également été décisifs.
FZ: Pour le Media Technology Center, une telle conférence est une excellente occasion de se profiler au niveau international. La collaboration entre Bahareh, Titus et moi s’est répartie très naturellement. Chaque membre de l’équipe a apporté ses points forts et ses réseaux de contacts. J’imagine que de nombreux participants et participantes sont impatients d’assister aux ateliers de TX Group. Pour les personnes issues de l’académie, il n’est souvent pas évident de voir l’intérieur d’une grande maison d’édition. Le bâtiment de Shigeru Ban et l’aménagement du troisième étage sont très impressionnants.
Sur quoi se concentrent les thématiques des ateliers ?
FZ: Une section entière des ateliers est consacrée à l’intelligence artificielle. Il s’agit ici de mieux comprendre l’engouement pour l’IA, son application et son possible impact futur sur les médias. Nous discuterons également des aspects éthiques. Le programme comporte par ailleurs des thématiques plus traditionnelles et très spécifiques au domaine du journalisme de données, comme l’utilisation des ordinateurs portables Quarto ou la découverte et l’utilisation d’API non documentées.
Qui est invité à participer aux ateliers ?
TP: Tous les participants et participantes à la conférence pouvaient également s’inscrire aux ateliers – parmi ces gens figurent une demi-dizaine de collaborateurs et collaboratrices de TX Group. Pour moi, la diversité des perspectives dans ces groupes de discussion est d’une importance capitale. Il faut un bon mélange de personnes venant d’horizons différents – académie, journalisme, management, droit, technologie, etc. Le nombre de participants et participantes doit également être limité. Il n’est guère possible d’organiser un atelier de manière efficace avec des groupes de plus de 18 ou 25 personnes. Les inscriptions de dernière minute ne sont donc possibles que dans des cas exceptionnels.
FZ: Pour participer à la conférence du vendredi et du samedi, il est toujours possible de s’inscrire normalement sur notre site web ou de regarder le livestream sans s’inscrire.
A votre avis, de quelle manière la conférence contribue-t-elle au journalisme de demain ?
TP: Mesurer l’impact d’une telle conférence est toujours un défi. Bien sûr, nous allons nous pencher sur de nouvelles méthodes, discuter des meilleures pratiques à adopter et publier certains articles scientifiques. Je pense toutefois que la plus grande valeur ajoutée réside dans les échanges informels, les contacts, l’inspiration et les expériences. J’espère, par exemple, que de nombreux participants et participantes prendront conscience de l’importance centrale de la recherche et du journalisme dans le domaine de l’Algorithmic Accountability pour notre société. Cela implique également des ressources. C’est pourquoi je suis très heureux d’accueillir de nombreux managers des médias à la conférence.