Interviews

Du DOOH au Big Data

Interview de Christian Vaglio-Giors, CEO de Neo Advertising

Voici dix ans Christian Vaglio-Giors et Alexandre de Senger ont créé Neo Advertising, une régie publicitaire spécialisée en Digital Out Of Home (DOOH). Rien ne les prédestinait à ce métier puisque ces deux anciens camarades de classe avaient d’abord opté pour la carrière bancaire. C’est l’envie de créer leur propre entreprise et l’intérêt pour l’innovation qui va les amener à appréhender le web par le biais de l’affichage.
Un positionnement original qui s’avère gagnant aujourd’hui puisqu’ils devancent les géants de l’affichage papier qui commencent à s’intéresser à leur tour aux écrans publicitaires.
Et pour garder une longueur d’avance, ils projettent d’investir le marché du domaine public. Le vent de la concurrence souffle sur le média affichage !
L’occasion de consacrer cette grande interview à Neo Advertising et c’est Christian Vaglio-Giors, en tant que CEO et co-fondateur, qui répond à nos questions.

Il y a 10 ans, ce média n’existait pas. Qu’est-ce qui a bien pu vous pousser à vous y intéresser ?
Après nos études, nous avons débuté une carrière dans le domaine bancaire mais nous avions pour ambition de créer notre entreprise avant nos 30 ans. Nous étions à la recherche d’une idée qui justifierait que nous devenions indépendants. C’est au cours d’un voyage en Turquie que nous avons pensé tenir la bonne idée en observant les feux de la circulation.

Des affiches animées au début des années 2000, comment était-ce possible, à cette époque la technologie des écrans plasma était hors de prix !
Il ne s’agissait pas d’écrans. Ce qui a attiré notre attention c’était le compte à rebours qui était installé à chaque feu de signalisation. Immédiatement, nous avons pensé que ces minutes d’attente captive pourraient être mises à profit pour une application publicitaire. Nous ne savions pas comment mais nous étions sûrs que l’idée valait la peine d’être explorée. A notre retour, nous avons pris contact avec les autorités genevoises. Et quelle ne fut pas notre surprise lorsque l’Office de la circulation trouva notre idée intéressante.

Pourtant vous n’aviez aucune technologie à proposer…
Mais nous avions des connaissances à l’EPFL, qui disposaient des connaissance pour développer le prototype dont nous avions besoin. On pouvait dès lors imaginer qu’il se transforme en une affiche connectée à un réseau rythmé au signal de la circulation. Nous étions complètement emballé et quelques mois plus tard nous avons repris contact avec ces responsables cantonaux pour leur présenter notre prototype. Et là, tout notre rêve s’est écroulé. En effet, le nouveau système de régulation des feux de circulation installé à Genève n’est plus fixe mais dynamique. Le temps des feux variait désormais en fonction de la circulation.

Adieu veaux, vaches, cochons…. Comment se remet-on d’une telle désillusion ?
En persévérant ! Nous n’avions pas tout perdu, nous avions en mains une technologie qui fonctionnait et qui ne demandait qu’à être commercialisée. C’est ainsi que nous avons décidé de quitter nos emplois et de fonder Neo Advertising.

Quel a été votre premier client ?
Le centre commercial La Praille qui venait d’ouvrir à Genève et qui appartient au groupe Jelmoli. Nous y avons déployé les 32 premiers écrans de l’histoire de Neo Advertising.

Sur quelle solution technologique avez-vous misé ?
Le plasma commençant à être dépassé, nous avons opté pour le LCD. Et comme aucun annonceur ne possédait de contenu pour ce support, nous avons compris que son implantation dépendrait de notre capacité à proposer également de la création. C’est ainsi que nous avons dès le départ intégré un studio de création et production.

Après La Praille, comment s’est déployé votre réseau ?
En 2005, Palexpo nous a engagé pour installer 5 écrans géants dans le hall d’entrée. Puis ce sera le centre commercial Les Cygnes, le Vidéotron du GSHC et le Groupe GaleniCare pour la chaîne de pharmacies Amavita. En 2007, nous passons un accord national avec la Coop qui nous donne accès à l’ensemble de son immobilier. Nous avons commencé avec leurs centres commerciaux et y avons implanté une moyenne de 20 écrans. L’année suivante, c’est Carrefour. En 2010, nous arrivons à l’aéroport de Genève au moment de sa transformation.

Quel est votre modèle économique ?
Les écrans, la technologie et les serveurs de stockage nous appartiennent. En contrepartie les centres nous cèdent l’espace. Ce qui signifie que la mise à jour du parc d’écrans est à notre entière charge. Cela représente un investissement annuel de 10 à 20 % de notre chiffre d’affaires, soit de 600’000 à 1,2 million de francs par année. Nos revenus proviennent de la vente d’espace sur nos boucles.

En somme, un travail de régie classique…
Nous allons bien au-delà de la commercialisation de la vente d’espace. Cette activité représente 75 % de nos revenus publicitaires. Le solde provient de solutions que nous mettons en place afin de créer une dynamique permettant d’augmenter l’impact des publicités placées sur nos écrans. En effet, comprendre le comportement des clients d’un centre est essentiel.
Notre préoccupation est de créer une réelle dynamique entre les clients et les commerçants. Il est important qu’ils comprennent que notre métier est de leur amener de la clientèle et stimuler les ventes. Notre action passe autant par l’implantation d’écrans que par celle de périphériques permettant de comprendre le client, par son comportement dans un espace notamment avec l’intégration de solutions de reconnaissance GSM.

On passe d’une logique d’affiche animée à celle du Big Data ?
Absolument. Nous utilisons une technologie japonaise qui reconnaît le signal wifi. Nous n’allons pas jusqu’au nom d’une personne mais nous sommes capables de reconnaître la fréquence de visite, la relation entre la mise en contact d’un message et de l’acte d’achat. Des données qui sont importantes pour les commerçants.

Le centre commercial devient ainsi un champ vectorisé dont on peut tracer un mapping des clients ? Cela permet-il de combler le manque d’études sur le média DOOH ?
Bien que le DOOH ait connu ce premier trimestre une croissance très soutenue de 30% (MediaFocus), il reste le parent pauvre de l’affichage en termes d’études. Cela s’explique par le fait que le média affichage est peu cher et que la dispersion des annonces est intégrée au modèle de prix.
Par conséquent, nos données ont une très grande valeur car elles sont uniques pour les annonceurs commerçants. Et du même coup, elles nous différencient des autres acteurs de l’affichage.

Comme vos concurrents AGP|SGA et Clear Channel ?
Nous ne faisons pas exactement le même métier. Leur développement numérique se résume à l’installation d’écrans qu’ils exploitent et commercialisent comme des affiches papier. En nous spécialisant en tant que fournisseur de solution digitales, nous avons conquis une place d’outsider qui correspondait également aux attentes du marché qui souhaitait sortir de ce duopole.

Comment se présente l’année 2014 pour Neo Advertising ?
Si 2013 a été une année difficile, 2014 s’annonce sous d’excellents augures. Nous connaissons le meilleur remplissage de nos actifs depuis notre création. Incontestablement, nous avons franchi un cap. Les annonceurs comprennent ce média et la notoriété maintenant acquise par Neo fait le reste.

Quel est le bon format pour ce média ?
Comme on ne peut diffuser du son dans un espace public, le format créatif idéal reste l’affiche animée, un visuel dont les divers éléments sont mis en avant successivement.
En ce qui concerne les dimensions des écrans, force est de constater que nous sommes à la croisée des chemins. Le traditionnel 16/9, qui s’inspirait de la télévision, perd du terrain en faveur du 9/16 qui se rapproche de l’affiche traditionnelle. Ce changement d’axe permet aux annonceurs d’inclure plus facilement le DOOH dans leurs campagnes puisqu’un seul visuel peut servir d’annonce, d’affiche print et digitale. Un point important pour nos clients, dont 50% passent en direct, pour l’achat d’espace. Généralement, ils viennent avec leur campagne sous le bras.
Quant aux boucles, l’expérience nous a appris que la plage publicitaire idéale est celle de 100 secondes avec des spots de 20 secondes.

Vos boucles comprennent-elle toujours du contenu ?
Oui. Nous intégrons toujours de l’information servitielle à la boucle. Nous avons passé des accords avec des éditeurs qui nous fournissent des news. Par contre, nous achetons les infos météo.

Quid de la signalisation ?
Elle est réservée à d’autres écrans car les informations concernant la signalétique se doivent d’être permanentes. Il est donc difficile de conjuguer ces deux approches.

Comment va évoluer le DOOH ?
La technologie LED rend possible l’habillage de toute forme d’architecturale. On va sortir définitivement du format de la télévision. Les écrans vont prendre des formes inattendues. Ce sera la prime à l’impact. Toutefois bien que le m2 de LED soit moins cher que celui du LCD tous les annonceurs ne pourront s’offrir ces murs d’images.
La demande en interactivité va également croître. Là tout reste à inventer car les consommateurs n’aiment pas toucher les écrans publics. Il va falloir trouver des modes de connexion qui ne passeront pas par le toucher.
Et pour ce qui est des messages, nous comptons sur la réalité augmentée. A la fin de l’année, nous projetterons un spot où le consommateur sera l’acteur de la campagne. On n’a encore rien vu !

Dans ce contexte de constante évolution technologique et créative, comment préparez-vous l’avenir de Neo Advertising ?
Nous avons entamé un important programme de réinvestissement de notre parc d’écrans. Totems (9/16) et murs d’écrans sont au programme. Nous allons également travailler à l’interactivité en proposant des écrans qui diffuseront, lorsqu’ils sont en veille, une boucle publicitaire et dès qu’ils sont activés un menu informatif.
Pour ce qui est de notre activité conseil, nous allons continuer à aider nos clients à digitaliser leurs points de vente tout en adaptant leurs besoins aux dernières technologies. Ainsi pour le réseau des pharmacies Amavita nous avons amélioré la visibilité des écrans afin qu’ils adaptent leur luminosité au soleil, ce qui permet une exposition en vitrine.

Après le privé, vous intéressez-vous au domaine public. Comment est-ce possible ?
2014 est une année charnière pour Neo Advertising. Nous sommes en contact avec des municipalités qui souhaitent installer des affiches digitales dans la rue. L’application de la Loi fédérale sur la circulation routière étant laissée à l’appréciation des communes, un important marché s’ouvre à nous. Et les premières tentatives d’affichage digital, notamment à Zurich, ont été des succès. Une porte s’ouvre.

Vous entrez pour la première fois en concurrence directe avec la SGA.
Oui et nous sommes prêts ! La demande pour de l’affichage digital ne cesse de croître. Etant à la direction de l’association faitière IG DOOH, je suis de près l’évolution de ce média notamment en Europe.
En Suisse, l’affichage public représente une manne de 450 millions, nous avons bien l’intention d’en prendre une part importante et comptons d’ici à trois ans passer de 6 millions de francs de chiffre d’affaires à 20 millions.

 

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