Que penser de la première étape de la campagne orchestrée par l’agence Creatives pour relever l’image de la ville de La Chaux-de-Fonds ? A en juger par les réactions des médias et des réseaux sociaux, l’objectif premier – remettre cette ville sur la carte de la Suisse – a été pleinement atteint. Le nombre vues sur le site et les réseaux sociaux a connu une croissance à deux chiffres. De quoi réjouir l’équipe municipale qui n’avait déjà pas hésité à donner de sa personne au travers d’un reportage pour Infrarouge sur la gestion de la ville. Dans un monde où chacun devient son propre média, on ne peut que saluer l’ouverture d’esprit de cette équipe qui, après les caméras de télévision, s’essaie aux réseaux sociaux.
Peut-on soigner le mal par le mal ?
Là est toute la question ! Le documentaire en deux volets de la RTS racontait les difficultés financières auxquelles cette ville doit faire face notamment en raison de la diminution de sa population. Moins de contribuables c’est moins de revenus. Cette fois-ci la campagne de buzz camouflée en « hacking » voulait casser cette mauvaise image en se jouant des clichés négatifs.
Il s’agit d’une stratégie de communication souvent utilisée quand l’image est par trop négative. Par exemple, la marque Opel a essayé cette même tactique. Loin des Mercedes, Audi ou BMV, Opel a toujours cherché à viser le moyen de gamme. Mais voiture-allemande-moyen-de-gamme est une combinaison qui ne fonctionne pas. Sur ce terrain ce sont les voitures nippones et françaises qui raflent la mise en Allemagne en jouant sur les codes du modernisme et de la différence. Donc tout l’enjeu pour ce constructeur réside à faire savoir que ses produits sont compétitifs aussi sur le marché domestique. Raison pour laquelle, voici quelques années, une campagne sur les préjugés a également été mise en avant à gros renfort de moyens. Cela n’y a rien changé car essayer de justifier un préjuger ne fait que le conforter. « Donc, je ne suis donc pas le seul à le penser…. » Au final, la seule bonne stratégie pour Opel a été de proposer des « tests drive » : la confirmation par la preuve.
On peut craindre alors que la campagne à la Chaux-de-Fonds connaisse le même sort. S’il restait encore des personnes qui ne connaissaient pas les « moins » de cette cité horlogère, ils ne manqueront pas de rejoindre les rangs de ceux qui pensent que La Tchaux rime avec impôts, problèmes sociaux et isolement…
Fake news
Et cela n’a rien à voir avec le ton de la campagne qui est somme toute très ludique. La confusion provient du choix des supports de publication. En principe, les opérations de buzz bénéficient d’un site dédié pour ne pas tromper le public. On lance un message et il faut trouver la marque. Ici, c’est directement sur le site et sur la page Facebook et le compte Instagram de la Ville que les messages ont été postés. Résultat, les médias ont cru que ces supports avaient été hackés. A l’ère des Fake News, certains journalistes n’ont pas manqué de crier au scandale lors de la révélation de l’opération.
Du côté de l’agence, on assure que tel n’était pas le but. Gilles Dumont, Creative Strategist chez Creatives : « Nous avons prévu une opération en deux temps : un buzz et une 2e vague permettant de casser ces clichés. Alors que les réseaux sociaux sont souvent le lieu de toutes les critiques, force est de constater qu’ il y a plus de remarques positives que négatives, c’est dire ! Nous allons prochainement publier des vidéos qui montreront les atouts de la ville. Des messages rassembleurs qui vont donner envie de découvrir cet endroit. »
Défendre son agence ?
Dans une des interviews sur Canal Alpha, Silvia Morel, conseillère municipale responsable des finances, expliquait que cette opération ne coûtait que CHF 90’000.- là où d’autres agences en demandaient plus d’un million de francs pour des publications dans des journaux et en affichage. Etrange démarche que celle-ci. On ne choisit pas une agence par ce qu’elle est la plus bon marché mais parce qu’elle apporte la meilleure des solutions. Par ailleurs, le coût de l’achat d’espace doit être dissocié de l’apport créatif.
Une campagne qui démarre par un buzz ce n’est pas le carnaval, c’est du tactique. Il faut avoir du sang-froid et garder une ligne professionnelle. Le problème c’est qu’ici trop de personnes ont donné leur avis. Et lorsque l’on entend qu’un like peut se transformer en un futur habitant, on a de quoi s’interroger. Combien de marques on fait cette confusion. Non, un pousse levé ce n’est pas l’assurance d’une vente ! Les réactions tout azimut de ces derniers jours nous ramènent à la question du quart d’heure de gloire que tout le monde veut vivre aujourd’hui. Si on choisit de travailler avec une agence, laissons-lui gérer toute la communication. Sinon au vue de tout ce « bad buzz », je crains qu’à l’avenir plus aucune agence ne souhaite travailler sur ce mandat !