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ESH Médias Open Source : Les médias doivent clarifier leurs contenus pour être mieux compris

Dans un paysage médiatique devenu une sorte de fourre-tout, les différents registres journalistiques entre articles et opinions doivent être clairement identifiés pour remplir pleinement leur mission d’information, surtout sur les plateformes numériques. Cette clarification est essentielle à la compréhension du travail des médias.

Le constat n’est pas nouveau mais il aurait tendance à prendre du relief, comme on a pu s’en rendre compte avec la récente votation sur la loi d’aide aux médias. Il existe une certaine incompréhension – d’aucuns diront une certaine méfiance – par rapport au travail journalistique. Sur des sujets aussi clivants que l’intervention potentielle de l’Etat dans les affaires des éditeurs, la controverse s’est ainsi envenimée avec, comme corolaire, son lot d’invectives faites aux professionnels de l’information à qui l’on reproche tout et son contraire. Trop mous et asservis au pouvoir, ils feraient dans le même temps preuve d’une agressivité gratuite dans un manque total d’objectivité. Inutile de prolonger la liste des griefs, mieux vaut tenter d’y trouver la cause et comment y remédier.

Clarification des contenus
Au-delà de la notion d’objectivité, vaste sujet qui demanderait un développement en soi, force est de constater qu’une part de cette incompréhension vis-à-vis des médias vient de la difficulté à identifier les différents registres journalistiques, notamment sur les plateformes numériques. Là où les journaux papier offrent une distinction relativement claire entre les pages d’opinions et celles dédiées aux articles de la rédaction sur des sujets de fond ou d’actualité, le journal en ligne peine davantage à les différencier. Les espaces structurés et graphiquement distincts d’un côté cèdent la place à des pages de flux que l’on déroule sans qu’une vision d’ensemble de la production éditoriale s’impose d’emblée. Ce phénomène inhérent à la publication de contenus numériques est encore amplifié par les réseaux sociaux où les contenus, généralement partagés et détachés de leur contexte, perdent leur identification.

C’est certainement là que doivent porter les efforts des éditeurs dans un souci de clarification des contenus sur les supports numériques. Il s’agit en effet de distinguer le travail éditorial classique, qui se traduit par les articles qui « tiennent » un journal, des prises de paroles en tant qu’opinions et des contributions externes de la part d’experts invités. Chacune de ces catégories de contenu répond à une logique propre et offre un regard différent sur les sujets d’actualité qu’il s’agit d’identifier comme tel. Faute de « baliser » ces différentes approches, il en résulte un amalgame préjudiciable au travail d’information qui contribue à représenter les médias comme des fourre-tout en manque d’objectivité. C’est par exemple en « contextualisant » un article qu’il pourra être mieux compris. Ces « clés de lecture » expliciteront les raisons de l’enquête menée, le choix des personnes interrogées, le temps consacré à la recherche d’informations… Dans le même ordre d’idée, les invités seront présentés de manière à ce que leur éclairage sur un sujet donné puisse être jugé pertinent. Ces éléments, accompagnés d’une charte graphique distincte, doivent ainsi permettre d’identifier individuellement chaque contenu dans sa catégorie, identification qui ressortira également une fois l’article partagé sur les réseaux sociaux.

Un « pacte de lecture »
Ce travail servant à distinguer les contenus les uns des autres est essentiel lorsqu’il s’agit de faire comprendre la tâche du journaliste consistant à relater des faits. On pourra toujours rétorquer que toute information est biaisée du fait même qu’elle passe par le prisme d’un individu et donc de sa subjectivité. Sans entrer dans ce débat sur l’objectivité « illusoire » du journaliste, je préfère parler ici de son honnêteté intellectuelle, de l’équilibre à respecter entre les points de vue, de principes éthiques dans la retranscription des éléments d’enquête. Comme le rappelle Maxime Loisel sur son site hypernews.co, qui explore les innovations et les bonnes pratiques des médias en ligne, le chercheur Arnaud Mercier parle dans ce contexte d’un « pacte de lecture » que nouent les médias avec leurs publics. Et de préciser : « Le cœur du sujet n’est pas tant de défendre une prétendue neutralité mais de clarifier les subtilités méthodologiques et éthiques et de ménager les attentes des internautes ».

Le véritable enjeu, pour comprendre notre travail et ainsi nouer ce « pacte de lecture » avec nos audiences, passe par une clarification entre articles et opinions, entre articles et avis d’experts, entre articles et éditoriaux. Et si ce besoin se fait sentir, c’est que jusqu’ici, nous n’y avons pas accordé suffisamment d’importance. Tous les principaux médias ont érigé une véritable muraille de Chine entre publicités et contenus rédactionnels afin d’éviter tout amalgame préjudiciable à l’indépendance du titre. Pourquoi en serait-il autrement entre les avis d’experts assortis de prises de positions externes et les articles de fond des journalistes parfois accompagnés d’opinions intégrant intrinsèquement une prise de position ? Les uns et les autres forgent certes l’âme d’une publication mais à des niveaux divers qui, faute d’être compris, alimentent cette incompréhension face au travail d’information. L’importance pour des titres comme « Le Nouvelliste », « ArcInfo » et « La Côte » est d’être perçu avec justesse. Il nous revient ainsi d’être aussi scrupuleux dans la présentation de nos contenus que rigoureux dans les contenus eux-mêmes. Il s’agit là d’une démarche essentielle si nous voulons que nos médias se forgent une image correspondant au travail de fond réalisé en amont par des rédactions au plus proche de l’actualité et rompues aux diverses manières de l’appréhender.

Par Jacques Matthey

Victoria Marchand

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