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Etat des lieux du marché publicitaire suisse 

Illustration of a street in New York city

Une forte concurrence n’est guère caractéristique du marché publicitaire suisse. Même si les acteurs du marché tirent sur tout ce qui bouge, chacun défend d’abord son bifteck ! L’arrivée d’Admeira sur le marché ne change pas grand-chose.

Ces dernières années, de puissants prestataires sont apparus ou ont été systématiquement mis en place dans presque tous les médias, un phénomène auquel les annonceurs ont bien été obligés de s’habituer. La seule liberté publicitaire qui leur reste est de choisir les catégories de médias dans lesquels ils comptent investir des budgets publicitaires plus ou moins conséquents. Bien souvent, ils n’ont plus le choix qu’entre un ou deux prestataires dans chaque catégorie. Petit état des lieux de la distribution publicitaire suisse en 2016.

Presse : le marché national est un oligopole
Depuis quelques années, la baisse des recettes générées par les annonces a considérablement modifié le secteur journaux/magazines, marqué par diverses fusions, coopérations, reprises et cessations d’activité. Résultat : le marché de la presse nationale est aujourd’hui dominé par une poignée de grands groupes médias tels que Tamedia, Ringier, NZZ, AZ Medien ou Somedia qui ont réussi à instaurer partiellement des monopoles régionaux (titres de presse et offres TV, radio et Internet). Aujourd’hui encore, l’offre est à la fois importante et diversifiée dans le secteur des journaux locaux et de la presse professionnelle et spécialisée. Publicitas y maintient ses activités de distribution et d’intermédiaire tout en ayant cédé beaucoup de terrain. Ces dernières années, de nombreux titres de presse ont oublié d’adapter leurs tarifs officiels aux prestations proposées.

Télévision : un duopole incontestable
Le secteur télévisé est investi par un nombre croissant de chaînes détenant de petites parts de marché, l’offre publicitaire proposée aux annonceurs étant donc très large. Mais, côté distributeurs, le lancement d’Admeira n’a fait qu’accentuer la situation de duopole des deux géants. Constituant à eux deux l’AGFS (Communauté de travail pour la planification de la publicité en Suisse), Goldbach Media et Admeira se partagent désormais les activités télévisées depuis que Ringier a abandonné ses activités de distribution TV. Les chaînes de télévision locale commercialisées par les groupes médias régionaux (AZ Medien par exemple) ne peuvent rien changer à cette situation de duopole, car l’audience des télévisions locales est trop peu significative pour la publicité nationale ! Après la controverse créée par le lancement d’Admeira, le moment serait venu, dans l’intérêt des distributeurs et des annonceurs, de poursuivre le développement du marché de la télévision : télévision interactive, télévision en fonction des publics cibles, données de mesure plus précises sur l’utilisation et un critère d’évaluation commun pour les vidéos sur tous les écrans !

Publicité extérieure : du duopole au monopole
Le marché de l’affichage est de fait dominé par deux grands prestataires, l’APG|SGA ayant encore consolidé son positionnement, déjà très stable, en rachetant récemment Alpenplakat AG. Dans certaines catégories (affichage CFF par exemple), l’APG|SGA a déjà le monopole – une situation pouvant s’avérer désavantageuse pour les clients, notamment en matière de politique des prix ou des remises. Même si Clear Channel reprend du terrain dans certaines villes (Lucerne, Zurich) pour les nouveaux appels d’offres d’affichage, elle n’en demeure pas moins incontestablement le numéro 2 du marché. Les activités des autres prestataires se limitent au marché régional ou à diverses niches – Neo Advertising par exemple (distribution des espaces publicitaires de l’aéroport de Genève et dans de nombreux centres commerciaux). Pour les annonceurs, la domination du marché par deux grands prestataires présente un double inconvénient : il y a longtemps que les données de recherche n’ont plus été actualisées et ils n’ont guère le choix s’ils veulent s’adresser à d’autres prestataires, que ce soit pour une offre numérique ou analogique.

Cinéma : un monopole pur et simple
Publicitas ayant abandonné le cinéma, Werbeweischer a pu s’assurer les contrats de l’ex-Cinecom : depuis le début de l’année elle en a le monopole pur et simple, alors que cette société allemande est arrivée il y a seulement quelques années sur le marché suisse du cinéma. Exception faite d’une poignée de projections en plein air, il est donc devenu impossible de diffuser de la publicité au cinéma sans passer par ce distributeur. Pour le petit marché national qu’est le cinéma, cette situation ne présente pas que des inconvénients. Il est désormais possible à un seul et unique interlocuteur de commercialiser toutes les salles et de développer l’offre sur la base de prestations simples et transparentes !

Radio : duopole ou oligopole ?
Même si presque toutes les stations de radio privées vendent directement des espaces publicitaires, deux entreprises jouent un rôle dans la distribution nationale : Swiss Radioworld (filiale du groupe Goldbach) et Cover Media, le distributeur Spot-Promotion arrivant en troisième position. De plus, Admeira vend depuis longtemps les offres nationales de sponsoring sur les stations SSR. Une incertitude demeure quant à l’ampleur du futur engagement d’Admeira sur le marché de la radio. Les trois stations NRJ de Ringier à Bâle, Berne et Zurich ne sont pas (encore) dans le portefeuille d’Admeira. Faute de possibilités publicitaires sur les stations SSR, le marché suisse de la radio n’a toujours pas réussi à évoluer de façon satisfaisante.

Numérique : prestataires suisses en concurrence et duopole des acteurs mondiaux
Commençons par la mauvaise nouvelle : les acteurs mondiaux que sont Google et Facebook sont incontournables ! Google est le numéro un incontesté des moteurs de recherche (fonction Adwords ou écrans), l’offre publicitaire de vidéos diffusées sur Youtube étant elle aussi presque sans concurrence. Dans les médias sociaux, Facebook est tout aussi bien placé. Une situation privilégiée pour ces deux groupes américains pouvant déployer leurs activités sans trop se soucier d’une quelconque réglementation ou de la politique suisse. Les concurrents locaux en sont pour leurs frais : tout autant que les annonceurs, les publicitaires suisses doivent se contenter des supports disponibles (écrans, vidéos, Native Advertising et marchés de rubriques). Du coup la concurrence entre les prestataires est très dynamique. Les principaux distributeurs et intermédiaires sont : Goldbach Audience, Serranetga, Adwebster, Staliamedia, Publicitas, Tamedia, NZZ et de nombreux autres groupes médias et spécialistes du web. Admeira a clairement communiqué qu’elle comptait bien être de la partie et tenir tête à Google et Facebook, le volume d’espaces publicitaires gérés par Ringier, Swisscom et la SSR étant considérable. L’interdiction de publicité en ligne n’en est pas moins toujours valable pour les sites de la SSR. Une telle multitude d’acteurs nationaux comme internationaux a ses inconvénients : absence de standards applicables sur le marché, manque de transparence des prix et prestations, peu d’initiatives communes de marché. Il n’existe par exemple toujours pas d’étude de l’audience en ligne, telle qu’elle est pratiquée de longue date pour d’autres genres de médias, et encore moins de chiffres exacts sur les recettes publicitaires ! Ce qui s’explique peut-être par le fait que depuis des années, bon nombre d’acteurs du marché en ligne rechignent à dévoiler ces chiffres… s’arrangent-ils très bien de ce manque de transparence ?

Admeira doit tenir ses promesses envers le marché publicitaire !
Dans quelle mesure l’arrivée d’Admeira va-t-elle modifier le marché publicitaire ? L’impact sera d’abord modéré. Il faut que les trois entreprises et leur personnel trouvent une identité culturelle commune pendant la première année. Le déménagement dans les nouveaux locaux et l’harmonisation du portefeuille sont également au programme. Toujours est-il que l’on peut donc escompter de premières offres cross-médias. Mais les annonceurs sont actuellement contactés par une flopée de commerciaux Admeira chargés des divers secteurs (presse, TV, radio et Internet). Des mesures de coordination s’imposent donc – notamment pour les grands comptes qui souhaitent pouvoir s’adresser à un seul et unique interlocuteur pour les informations et les offres. L’équipe dirigeante et les collaborateurs du nouveau prestataire ont donc du pain sur la planche et devront répondre aux attentes du marché ! Il faudra attendre un ou deux ans avant de savoir si Admeira ouvre de nouvelles perspectives sur le marché publicitaire, comme elle le promet dans son slogan.

[ASIDE]

L’ASA lutte pour des conditions-cadres compétitives sur le marché publicitaire

 
Depuis 1950, l’ASA s’engage pour des conditions-cadres compétitives sur le marché publicitaire. Son bureau et les nombreux représentants appartenant aux organisations du marché publicitaire suisse défendent en première ligne les intérêts des adhérents, avec un grand nombre d’initiatives et de revendications adressées aux acteurs du marché. Exemples actuels : la revendication d’une publicité basée sur les publics cibles sur toutes les chaînes télévisées, ou d’une nouvelle tarification en fonction des prestations pour l’ensemble des offres Out of Home. Pour en savoir plus : www.swa-asa.ch
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