Etude JAMES : la GenZ se divertit de plus en plus et s’informe de moins en moins…
L’étude JAMES dresse un tableau de l’usage des médias chez les jeunes en Suisse. JAMES, acronyme de «jeunesse, activités, médias – enquête suisse» a lieu tous les deux ans. Dans le cadre de cette étude représentative, la ZHAW (Haute école zurichoise des sciences appliquées) interroge depuis 2010, sur mandat de Swisscom, plus de 1000 jeunes de 12 à 19 ans dans les trois grandes régions linguistiques de Suisse sur leur comportement en matière de médias et de loisirs.
Ce que nous révèle les données 2024 c’est que les outils d’IA s’immiscent dans le quotidien des jeunes à une vitesse record. Environ 71% d’entre eux ont déjà testé ChatGPT et autres outils du genre. Un tiers des jeunes utilisent d’ores et déjà des outils d’IA au moins une fois par semaine, alors que le grand public n’a découvert cette technologie qu’à la fin de l’année 2022. C’est ce que révèle la dernière étude JAMES, qui interroge tous les deux ans environ 1000 jeunes de 12 à 19 ans. «Jamais une technologie ne s’est imposée dans notre quotidien aussi rapidement que les outils d’IA. Par conséquent, l’analyse critique de l’information gagnera encore en importance à l’avenir», déclare Gregor Waller, chercheur à la ZHAW et co-responsable de l’étude. D’où la nécessité absolue de sensibiliser les jeunes à cette thématique et de leur apprendre à vérifier les informations.
Les GenZ utilisent 4 réseaux sociaux
Instagram, TikTok, WhatsApp et Snapchat restent les réseaux sociaux et programmes de messagerie les plus populaires auprès des jeunes en Suisse. Ce «Big Four» de la communication numérique fait partie intégrante de leur quotidien, et ce, indépendamment de l’âge, du sexe et des caractéristiques sociodémographiques. Les jeunes consomment majoritairement des contenus sur les réseaux sociaux sans les commenter, les partager ou même créer leurs propres posts. En parallèle d’autres réseaux sociaux, programmes de messagerie et portails vidéo, le «Big Four» est régulièrement utilisé pour s’informer mais aussi et surtout pour se divertir.
Une tendance à la saturation est perceptible dans la consommation de médias chez les jeunes. Bon nombre d’activités médiatiques comme la navigation sur les réseaux sociaux ainsi que la musique et les vidéos en streaming sont tellement ancrées dans le quotidien dorénavant qu’une hausse de ces usages ne paraît plus guère possible. Un plafond naturel semble avoir été atteint au regard du temps consacré à l’école, à l’apprentissage, aux activités de loisirs non médiatiques ou aux activités sociales. «La stabilité des résultats pourrait indiquer que les routines et habitudes numériques des jeunes au quotidien se sont consolidées», explique Céline Külling-Knecht, chercheuse à la ZHAW et co-auteure.
Les médias classiques enregistrent une baisse d’utilisation
Alors que 25% des jeunes interrogés s’informaient encore régulièrement sur les portails de magazines et de journaux en 2018, ils ne sont plus que 10% aujourd’hui. Dans le même temps, plus de la moitié (57%) des sondés utilisent les réseaux sociaux comme source d’information. Même si les médias traditionnels sont également présents sur les réseaux sociaux, tout le monde a la possibilité de diffuser des informations sur ces plateformes, sans aucun filtre. Avec à la clé un risque accru de fake news et des jeunes potentiellement plus exposés à la manipulation et la désinformation.
Les risques cachés du gaming: entre divertissement et pièges
80% des jeunes jouent au moins occasionnellement. Le gaming est de loin le loisir préféré des garçons, qui sont environ deux fois plus nombreux que les filles à jouer régulièrement. Les jeux en free-to-play comme «Brawl Stars» sur mobile sont particulièrement appréciés, suivis de «Fortnite» et «Minecraft». Si ces jeux fascinent autant, c’est que les «dark patterns», à savoir ces interfaces conçues volontairement pour influencer le comportement des joueurs, n’y sont pas pour rien. Parmi celles-ci figurent par exemple les loot boxes (récompenses aléatoires incitant à jouer et à acheter toujours plus) ou des monnaies complexes propres à un jeu (qui rendent l’appréciation du coût réel plus difficile). Les récompenses limitées dans le temps, qui créent une forme d’anxiété poussant à avoir peur de rater quelque chose («Fear of Missing Out» ou «FOMO» en abrégé), les obligations sociales du jeu (ces deux éléments obligent à jouer régulièrement) et l’aversion à la perte (mécanismes par lesquels les joueurs peuvent perdre ce qu’ils ont acquis) en font
également partie.
Ces jeux sont monétisés par le biais de microtransactions (modèle permettant aux utilisateurs d’acheter des objets virtuels dans le jeu). Environ la moitié des jeunes interrogés a déjà réalisé une transaction de ce type. «Face à ces mécanismes, il est du devoir des parents de se pencher sur ces différents jeux et de faire preuve d’écoute quant au comportement de leurs enfants en matière de jeux vidéo», déclare Michael In Albon, chargé de la protection de la jeunesse face aux médias chez Swisscom. Par ailleurs, il incombe aux autorités de suivre l’évolution de ces dark patterns et de légiférer pour les réguler au besoin, comme cela a déjà été fait dans certains pays comme les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne.
Prévention contre l’utilisation problématique des médias
36% des jeunes interrogés indiquent avoir été questionnés au cours des deux dernières années au moins une fois sur leur physique et ils sont environ un tiers à avoir été abordés par des inconnus voulant parler de sexe ou leur soumettre des propositions à caractère sexuel non souhaitées. En la matière, on constate d’importantes différences entre les garçons et les filles: ces dernières ont subi beaucoup plus souvent différentes formes de harcèlement sexuel. Près d’une adolescente sur deux a déjà reçu une sollicitation à visée sexuelle sur Internet, sous une forme ou une autre. La fréquence de ce genre d’expériences augmente nettement avec l’âge. «Il est intolérable que des enfants soient harcelés de la sorte; les plateformes comme Instagram ou TikTok doivent être davantage mises face à leurs responsabilités afin de mieux protéger les jeunes», déclare Michael In Albon pour expliquer sa position à ce sujet.
Garçons et filles ne sont pas égaux non plus face au cyberharcèlement: avec 28%, les garçons sont presque deux fois plus nombreux que les filles à déclarer qu’ils ont déjà été invectivés ou insultés au moins une fois sur Internet. Dans le même temps, beaucoup plus de garçons se livrent activement au harcèlement. Toutefois, les actes de cyberharcèlement actif et le fait d’en être victime se produisent à des fréquences très similaires. D’où la possibilité que bon nombre de jeunes pratiquent activement le harcèlement et en soient eux-mêmes victimes. «Compte tenu de la hausse marginale du cyberharcèlement avec l’âge, il est judicieux de commencer la prévention sur cette thématique dès le degré primaire», explique Céline Külling-Knecht, chercheuse à la ZHAW et co-auteure.
Le sport: loisir toujours prédominant
Dans leur temps libre en solo, les jeunes préfèrent largement les activités sportives, les médias audiovisuels et la musique. Par rapport à l’étude JAMES 2022, le sport a tout particulièrement gagné en importance et devient le loisir préféré. Alors que les jeux vidéo et les activités sportives prédominent clairement chez les garçons, ce sont d’autres activités culturelles (lecture et musique) et créatives (pâtisserie et dessin) qui intéressent davantage les filles. Comme en 2022, les jeunes indiquent que les loisirs auxquels ils s’adonnent le plus souvent avec leurs amis sont le sport, les sorties en plein air et les activités collectives. Pour eux, les discussions entre amis occupent également une place très importante.
Depuis de nombreuses années, l’intérêt des jeunes pour la lecture est une constante en matière de consommation de médias. De plus, les différentes plateformes telles que TikTok, Instagram et YouTube proposent de plus en plus de contenus liés aux livres. Ces contenus sont si répandus que ces sous-communautés disposent de leur propre nom, à savoir «BookTok», «Bookstagram» et «BookTube». Par conséquent, les jeunes ont été interrogés sur leurs livres préférés, ce qui n’avait plus été fait depuis 2016. La saga Harry Potter, en tête du classement depuis 2012, arrive une fois de plus à la première place. Le Journal d’un dégonflé, die Drei ??? (en allemand) et One Piece sont également populaires en 2024. Depuis 2012, les livres adaptés au cinéma sont systématiquement les plus appréciés. S’agissant des habitudes de lecture, il existe des différences particulièrement frappantes entre les deux sexes. Les filles lisent davantage que les garçons et citent la lecture comme l’un de leurs loisirs préférés.