Au Brésil, certaines villes infligent des amendes aux entreprises coupables de fautes d’orthographe et de grammaire dans leur matériel publicitaire. Faudrait-il aussi instaurer une chasse aux pourfendeurs de la syntaxe en Suisse et dresser des PV pour chaque boulette?
Dans tous les pays, il existe des lois aberrantes. Certaines hérissent les poils, d’autres font plutôt sourire. La loi du grammaticalement correct, que je viens de découvrir au Brésil, appartient à la seconde catégorie.
De nombreuses municipalités et quelques métropoles – telles que São Paulo ou Rio de Janeiro, tout de même – s’amusent, en effet, à traquer les bourdes, gaffes et autres bévues dans le matériel publicitaire des entreprises : les coupables sont punis d’une amende.
100 CHF la boulette
Les tarifs ? Une centaine de francs par boulette, un peu plus si le matériel incriminé n’est pas retiré rapidement et les corrections apportées dans un délai raisonnable.
Quelques communes encouragent la population à dénoncer les abus. D’autres législatifs, préfèrent instaurer une commission de vérification avant affichage.
Si cette loi me fait sourire, c’est que dans la patrie du football, l’éducation est davantage réputée pour produire des analphabètes que des prix Nobel. Se soucier du grammaticalement correct à ce stade, alors que le niveau de l’école publique est l’un des plus faibles au monde, relève de l’ironie.
Des élus zélés
D’autant plus que, dans la plus grande nation de l’Amérique du Sud, la corruption gangrène les plus hautes sphères du monde politique et pullule au sein de la société, le système de santé publique se trouve au bord de l’abysse, la violence et les braquages terrifient quotidiennement la population, le taux de chômage ne cesse de progresser, les inégalités sociales continuent de se creuser et l’économie n’en finit pas de tousser.
La liste des problèmes endémiques du Brésil peut s’allonger sur dix-huit pages. Autant dire que les élus zélés devraient avoir des choses plus urgentes et importantes à faire qu’à taxer les entreprises en bisbille avec l’orthographe.
Une bonne idée pour la Suisse ?
Par contre, en Suisse, avec son système scolaire parmi les plus performants de la planète, où un retard d’un train de plus de deux minutes et un bouchon de plus de 200 mètres sont parfois considérés comme des problèmes d’envergure nationale, une telle loi aurait peut-être sa raison d’être.
De Burger King à La Poste
Alors, quelles marques devraient passer à la caisse si nos politiciens s’amusaient à jouer aux Ayatollahs de la syntaxe ?
L’amende pourrait être salée pour Burger King et son « Au sommet du saveur ! », par exemple. Une campagne d’affichage placardée en 2015 et vite enlevée des rues romandes.
Une suggestion : pourquoi ne pas quadrupler le montant du PV quand on torture le passant avec une traduction en « petit nègre » réalisée à Zurich ou en Allemagne ?
Tiens, pendant que j’y suis, je propose que les autorités du bon langage multiplient par cent la pénalité pour chaque pub mal doublée que les gros annonceurs d’outre Sarine nous servent sans vergogne sur la RTS.
Autre candidat à la contravention salée : Swiss, qui oublie un accent aigu dans une annonce presse, en 2014. Un petit accent aigu, c’est si grave ? Pas vraiment, mais quand la compagnie aérienne se gausse d’avoir « l’œil pour les details » (sans accent, donc !) dans son accroche, ça fait un peu tache !
Et que dire du slogan des camions de la Poste, épinglé en 2013 : « Jour aprés jours ». Deux fautes en trois mots, ça rapporterait combien dans la besace de l’État?
Une nouvelle source de revenus
Bref, amender les entreprises qui massacrent le français dans leur matériel publicitaire, sur leurs vitrines ou sur leur site internet, pourrait constituer une belle source de revenus.
Et je vois déjà les assureurs s’engouffrer dans la brèche en offrant une RC orthographe. Avec protection pour faute grave, naturellement !