Comme toute marque qui connaît un certain succès, Joe La Pompe cherche de nouveaux marchés. Il lorgnait jusqu’à présent sur les zones périphériques de l’Hexagone, celles où l’on parle français avec un petit accent et des mots parfois un peu bizarres. Mais là, on change de braquet (connaissant la passion de Joe pour le tennis, je devrais dire de tension de cordage) avec un livre parfaitement bilingue. Comme pour ma part je ne destine cette chronique qu’à la Suisse romande, je continuerai mon article en français.
Copy Paste se situe dans la même veine que Nouveau ? (épuisé, mais facilement disponible sur Priceminister) et propose une nouvelle compilation de cas de plagiats plus ou moins flagrants. D’ailleurs, Joe pose la question : s’agit-il de triche éhontée ou d’une simple coïncidence ? Et il propose de voter sur son site.
Pour ma part j’ai tendance à penser que les coïncidences se réduisent comme peau de chagrin. Il fut un temps (que les jeunes de vingt ans ne peuvent pas conn…) où la connaissance des pubs du reste du monde passait par l’achat de clubs des directeurs artistiques volumineux et onéreux. Il n’y en avait pas dans toutes les agences et on pouvait encore imaginer en toute bonne foi une campagne qui avait déjà été publiée quelques années auparavant dans un autre pays (essentiellement les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, les autres pays n’ayant pas encore fait leur révolution créative et proposant des campagnes qu’on ne risquait pas de copier).
La diffusion rapide des campagnes sur les sites d’actualité, l’archivage des campagnes sur Internet et le travail patient et méthodique de Joe font que le hasard n’a plus vraiment sa place dans notre métier. Nul n’est censé ignorer tout ce qui a été fait en publicité dans le passé. C’est injuste mais c’est comme ça. Pas de présomption d’innocence chez les créatifs. J’en ai moi même fait la douloureuse expérience dans le passé, mais j’ai accepté la sentence. Et la campagne en question n’a jamais gagné de prix.
Pour en revenir à Copy Paste, quelques remarques s’imposent : le plagiat touche tous les pays, même les plus développés, les plus respectés en matière de publicité. Il touche aussi les meilleures agences, les plus créatives (non, pas de noms ici, lisez le livre et vous verrez). La mémoire publicitaire étant aussi courte que celle des hommes et des femmes qui pratiquent ce beau métier, il est bien rare qu’on attende 10 ans pour refaire à l’identique une campagne. Il arrive même parfois que des concepts similaires sortent la même année. Dans ce cas un peu extrême (et seulement dans celui-ci), on peut douter du plagiat et se dire que c’est l’air du temps qui a inspiré les créatifs (comme 2014 qui a vu la sortie de deux biopics consacrés au couturier Yves Saint-Laurent).
Autre constat frappant : la direction artistique toujours de belle facture, avec une mise en page spéciale concours (tout petit packshot, toute petite accroche et visuel qui claque) ce qui explique que des pays comme le Maghreb soient sous-représentés dans le bouquin. Ces pays, qui pratiquent allègrement le plagiat au quotidien, préfèrent envoyer aux concours internationaux des campagnes d’activation qui leur donnent de réelles chances de victoire (cf. les Lions de la Tunisie entre 2010 et 2014). Et c’est sur ces nouveaux territoires d’expression – qu’on regroupe souvent sous l’appellation générique d’activation et qui font appel à des moyens aussi variés que le design, le mobile, le digital ou encore le street marketing – que se joue le gros de la bataille des idées dans les prix internationaux et de l’image créative des agences et des réseaux. Il y a donc fort à parier que le prochain livre de Joe La Pompe ne prendra pas la forme d’un livre.
Copy Paste – How advertising recycles ideas, de Joe la Pompe, est publié chez Maison Moderne
[ASIDE] Ancien concepteur-rédacteur devenu chroniqueur dans la presse spécialisée, Joe La Pompe traque la paresse des créatifs et les idées qui ne sont pas originales depuis maintenant une vingtaine d’années. Toujours affublé d’une cagoule qui rappelle les indépendantistes corses des années 70, lui tient chaud en hiver et lui a garanti une certaine tranquillité à l’époque où il était salarié en agence, il tient un blog qui fait référence auprès de la communauté créative, donne des conférences dans des écoles de pub de France et de Navarre et apporte son expertise à des prix créatifs comme les EPICA. Avec cet ouvrage bilingue, Joe se lance vaillamment à la conquête du monde anglo-saxon – qui représente quand même plus de la moitié de la pub dans le monde.Joe la Pompe est également un contributeur régulier à Cominmag où il nous fait découvrir les tendances publicitaires.
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