Une vieille affaire revient sur le devant de la scène et inquiète la presse helvétique. En décembre 2014, lors d’une fête qui a suivi l’élection du président du gouvernement zougois en 2014, Jolanda Spiess-Hegglin a eu des démêlés un autre politicien, Markus Hürlimann. L’affaire avait été très médiatisée car Jolanda Spiess-Hegglin affirmait avoir été victime d’agression sexuelle.
Le journal Blick avait alors largement couvert cet événement. Jolanda Spiess-Hegglin avait été exposée à une immense pression médiatique et publique, ce qui a profondément affecté sa vie personnelle et professionnelle. Résultat, elle a estimé que Blick a violé sa sphère privée. En 2020, le journal avait été condamné à verser 20’000 pour atteinte à la personnalité et des excuses avaient été présentées.
Quel est le prix d’un article ?
Dans un jugement de 57 pages publié lundi, et dont Keystone-ATS a obtenu une copie, le tribunal cantonal de Zoug condamne le groupe Ringier, éditeur du Blick, à verser encore 309’531 francs plus cinq pour cent d’intérêts (soit 431 000 francs) à Jolanda Spiess-Hegglin estimant que le Blick aurait retiré de la publication de ces articles un revenu de 431’000 francs.
Du côté de l’éditeur, bien que l’on reconnaisse que des erreurs ont été commises par le Blick – selon les propos de Ladina Heimgartner, CEO de Ringier Suisse, on estime que les conclusions de la Cour du canton de Zoug portent « un coup fatal au journalisme libre » de ce pays.
Un point de vue que partage l’association des éditeurs Schweizer Medien qui estime que la somme fixée de plus de 300’000 francs est mal fondée et contredit tous les fondements économiques de l’édition et des médias.
« Il est impossible de réaliser un tel bénéfice avec des articles isolés. Le jugement est également dangereux pour la liberté des médias, car il sera plus facile à l’avenir d’intimider les éditeurs en les menaçant de poursuites judiciaires et de les empêcher de faire des recherches. Ce danger devrait devenir considérable, surtout pour les petites maisons d’édition disposant de moins de ressources financières. »
Quid de la liberté d’expression ?
Aux Etats-Unis où la question de la liberté d’expression semble acquise pour les réseaux sociaux, le président Trump a bien l’intention de s’acharner sur les médias traditionnels.
Ainsi la chaîne ABC News a accepté de verser 15 millions de dollars (soit environ 14,4 millions d’euros), plus les frais de justice, pour clore un procès en diffamation intenté par Donald Trump sur la base de commentaires du présentateur d’ABC George Stephanopoulos,selon lesquels Donald Trump aurait été jugé “responsable de viol” en mars 2024.
Nous entrons dans un terrain miné. Pour rappel, les réseaux sociaux n’ont pas le statut de média et n’ont pas la responsabilité de ce qui est publiés dans leurs flux vu qu’ils se « limitent » à proposer gratuitement un support de diffusion. Il en va différemment pour les éditeurs qui eux, sont responsables du contenu. On pensait que ce serait le manque de publicité qui allait tuer les médias traditionnels… in fine, ce sera plutôt les tribunaux !