Par sa décision, la CSSS-E s’oppose à la liberté économique garantie par la Constitution mais également à la décision de rejet du premier projet de loi sur les produits du tabac prise par le Parlement en 2016. A cette époque, il ne faisait aucun doute que la majorité du corps législatif ne souhaitait plus de restrictions supplémentaires en matière de publicité. Lors de la consultation sur le deuxième projet de loi sur les produits du tabac, KS/CS Communication Suisse avait protesté contre deux restrictions supplémentaires et demandé la suppression des articles suivants:
Art. 20 de la LPTab: les cantons peuvent imposer des règles plus strictes que la Confédération
Octroyer aux cantons la compétence générale et illimitée d’édicter des prescriptions publicitaires plus strictes que la Confédération est une mesure qui contredit tous les principes propres à l’Etat de droit, à savoir la sécurité du droit, l’uniformité du droit et l’égalité de traitement. De par sa nature même, la communication commerciale n’est pas limitée par les frontières cantonales.
Art. 19 al. 1 et 2 de la LPTab: les mises en garde sont déjà réglementées par l’autorégulation
Dans le cadre des dispositions d’autorégulation propres à la branche (art. 1.3 de l’Accord entre Swiss Cigarette et la Commission Suisse pour la Loyauté), les mises en
garde dans la publicité et sur les emballages sont déjà réglementées de manière détaillée et exhaustive. Dans la pratique, ces dispositions d’autorégulation se sont si
fortement imposées que d’aucuns pensent qu’elles ont été exigées par la loi.
La CSSS-E n’a malheureusement pas suivi ces dispositions et demande, au contraire, encore une interdiction de publicité supplémentaire, et ce malgré la décision de rejet du premier projet de loi sur les produits du tabac prise par le Parlement en 2016. Une fois de plus, la communication commerciale est un bouc émissaire. À tort, selon nous. Et il y a plusieurs bonnes raisons à cela:
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- Les interdictions de publicité ne résolvent pas les problèmes sociaux: des études sur le long terme comme celle d’Addiction Suisse démontrent que les enfants et les adolescents fument de moins en moins depuis 2010, sans que la réglementation soit pour autant devenue plus stricte.
- L’autorégulation au lieu de l’interdiction de publicité: le Conseil fédéral, l’UE et l’OCDE soutiennent également le règlement extrajudiciaire des différends
(Alternative Dispute Resolution, ADR). - L’interdiction de publicité n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan: Pro Juventute elle-même indique que l’éducation et l’information dans les écoles est bien plus importante.
- Les interdictions totales de publicité sont anticonstitutionnelles: les interdictions de publicité ne sont ni proportionnées ni conformes à la liberté économique.
- Les interdictions de publicité restreignent les droits civils: de plus en plus de nouvelles interdictions de publicité attaquent directement l’économie de marché et
les droits civils.
Vous trouverez ci-dessous les arguments détaillés contre d’autres interdictions de publicité:
L’autorégulation au lieu de l’interdiction de la publicité
L’auto réglementation existante s’oppose aux interdictions de publicité. Le Conseil fédéral déclare: «Là où une autorégulation a déjà fait ses preuves, il n’y a aucune
raison d’introduire une réglementation». Cela correspond également au point de vue de l’UE et de l’OCDE qui préconisent le règlement extrajudiciaire des différends
(Alternative Dispute Resolution (ADR)) afin de décharger les tribunaux. Depuis 2005, l’industrie du tabac s’est engagée à faire de la publicité exclusivement auprès des
adultes. Les avertissements sur les paquets de cigarettes sont également dus à cette autorégulation et ne sont actuellement pas exigés par la loi. L’industrie a également
signé volontairement un code l’an dernier qui interdit à ses membres de vendre des cigarettes électroniques aux mineurs.
Les adolescents fument de moins en moins
Les interdictions de publicité précédentes sont suffisantes. C’est ce que confirme, entre autres, la fondation Addiction Suisse. Selon son étude de longue durée «Consommation hebdomadaire de tabac des adolescent(e)s (1968-2018)», les filles et les garçons âgés de 13 à 15 ans fument de moins en moins depuis 2010. Le «Rapport
sur la santé des jeunes 2019» du canton de Bâle-Ville va dans le même sens. Cette étude de longue durée montre que la consommation de cigarettes, de cannabis et
d’alcool chez les élèves de dernière année d’école obligatoire a considérablement diminué. Aujourd’hui, seuls 3% fument régulièrement. Comment expliquer cette baisse
massive si la publicité n’a pas été restreinte davantage au cours de la même période?
L’interdiction de publicité n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan
Malheureusement, il est devenu de plus en plus courant que les politiques blâment la communication commerciale pour les problèmes de société latents. Fin 2013, Pro Juventute a même reconnu que cette pratique allait trop loin au regard de la consultation sur la loi sur le crédit à la consommation (LCC): «Une interdiction de la publicité pour les petits crédits passe à côté du vrai problème. De nos jours, les jeunes sont constamment exposés à des possibilités de consommation. Une interdiction de la
publicité pour les petits crédits n’est donc ici qu’une goutte d’eau dans l’océan». Les «possibilités de consommation» n’ont pas changé depuis lors. L’environnement social,
le cercle des proches ainsi que l’éducation et le modèle des parents, sont les principaux déterminants du devenir des enfants et des adolescents.
Les interdictions totales de publicité sont anticonstitutionnelles
Une interdiction totale de publicité et de commercialisation n’est ni proportionnée ni conforme à la Constitution. Une interdiction totale constituerait une atteinte inadmissible à la liberté économique de l’industrie du tabac. En outre, leur liberté d’expression, la liberté d’information des consommateurs ainsi que la liberté de la branche de la communication dans les médias seraient limitées. D’ailleurs, cela contredirait les directives de l’OMS, qui n’envisagent pas d’interdire totalement la publicité avec la ratification de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT).
Les interdictions de publicité restreignent les droits civils
Nous soutenons des restrictions en matière de publicité sur les produits du tabac et les boissons alcoolisées dans le cadre de la protection des enfants et des adolescents. En
revanche, de telles restrictions appliquées à des produits comme les aliments contenant du sucre, du sel ou des matières grasses, iraient bien trop loin. Non seulement
l’économie de marché et les droits civils seraient gravement compromis, mais également la souveraineté de l’autorité parentale. Les comparaisons avec des pays
comme la France, où la publicité sur le tabac est interdite depuis des années mais où le taux de tabagisme est supérieur à celui de la Suisse, démontre que le pouvoir guérisseur des interdictions de publicité est une utopie.