Invité à la conférence sur « l’avenir des médias en Suisse » organisée par Communication Suisse, Jean-Claude Métille, CEO et fondateur de la régie Publi-Annonces, a défendu un média qu’il connaît bien : la presse magazine.
Comment expliquez-vous que le secteur des magazines ait été moins frappé par le développement du web ?
Parce que cette presse n’est pas généraliste. Par conséquent, elle est moins en compétition avec d’autres titres nationaux ou internationaux en ligne. Par ailleurs, comme elle s’est toujours intéressée à des sujets qui concernent des communautés très bien définies, son cercle de lecteurs est très homogène. Les réseaux sociaux lui ont offert une nouvelle plate-forme qui a renforcé le sentiment d’appartenance sans cannibaliser les titres. Enfin, ce segment a gardé son support papier, ce qui valorise également le lien entre l’éditeur et son public.
Vous éditez également « Les Nouvelles » ; ces journaux de quartier ont-ils souffert de la baisse de la publicité comme la presse quotidienne ?
Ces gratuits, déclinés en dix éditions, sont distribués dans toutes les boîtes aux lettres du canton de Genève. Il s’agit d’un support qui intéresse principalement des micro-annonceurs locaux. C’est un marché que la presse cantonale et régionale n’ont jamais réussi à fidéliser, notamment en raison de leurs coûts d’insertion trop élevés.
Côté contenu, nous avons misé sur cette proximité, de même que pour nos événements qui sont très géolocalisés, à l’instar de notre opération de toboggan géant qui nous a permis d’animer plusieurs quartiers et ainsi de nous rapprocher de notre lectorat.
Parmi vos magazines, certains (RoadBook, Sur-La-Terre), concernent le monde du luxe, composé de marques qui affrontent également la crise économique et la transformation du mode de consommation. Comment résistent-ils ?
Les marques de luxe sont toujours à la recherche d’environnements thématiques cohérents et de qualité. En tant qu’éditeurs, nous devons constamment innover en vue de proposer de nouveaux espaces publicitaires qualitatifs. La vidéo ou la réalité augmentée sont des outils intéressants que nous avons testés pour ces titres. Les annonceurs s’y intéressent, pour autant que les coûts de production des campagnes restent relativement maîtrisés. La visibilité n’est pas qu’une question de prix mais elle a un coût. A nous de trouver la bonne équation.
Vous venez d’intégrer le jeune magazine Sept.Info dans votre portefeuille de titres. La preuve que l’on peut encore lancer des titres de presse ?
Sept.Info est le parfait exemple de la complémentarité du web et du papier. Ce titre est d’abord né online. Aujourd’hui ce magazine – qui traite de culture, de politique, de voyages et qui propose des enquêtes exigeantes – est également vendu en librairie. La preuve que les modes de consommation sont de plus en plus divers. Le public comprend et attend une diversification des canaux de distribution.
Vous allez relancer le titre Domaine public rebaptisé Synergie Magazine. Pourquoi ?
Parce que le secteur de l’administration et de l’économie publique est une niche intéressante. Nous éditons également le magazine Chantiers & Rénovation. Ces supports peuvent compter sur un public fidèle et des annonceurs B2B qui n’ont pas beaucoup de supports où communiquer.
En dix ans, comment votre métier d’éditeur a-t-il évolué ?
Le contexte est plus difficile mais également plus motivant. Nous n’attendons plus sagement que la publicité arrive. Un éditeur comme une régie publicitaire se doivent aujourd’hui d’être proactifs. Les équipes rédactionnelles travaillent également différemment. Les marques le comprennent parfaitement. Lorsqu’elles créent leurs propres magazines, elles respectent les règles journalistiques car elles ont compris que rien ne vaut un bon contenu.
Conférence « Quel avenir pour les médias suisses ? »
< Organisée par Communication Suisse, ce débat a permis de rappeler le brusque changement de modèle d’affaires qu’ont subi les médias. La presse, la télévision et la radio doivent de surcroît faire face à de nouvelles habitudes de consommation qui les obligent à se déployer sur différents supports et plateformes numériques. Cette dispersion génère un sentiment de satiété auprès du public, dont le budget-temps alloué aux médias ne cesse d’augmenter. Une augmentation de l’offre qui certes est bénéfique aux annonceurs qui voient, pour le plus grand malheur des médias, fondre le prix des CPM. Que faire pour maintenir l’édifice ? La question de l’aide directe ou indirecte à la presse a été soulevée durant cette soirée. Si les grands éditeurs ne veulent pas d’une aide étatique, les chaînes de télévision et de radio cantonales, qui reçoivent déjà une part de la redevance, y voient le seul moyen de survivre dans un marché si étroit. Reste encore la question de l’évolution de la publicité, qui reste cruciale pour les médias. Le développement du Content Marketing, des systèmes programmatiques et des modèles prédictifs vont peu à peu transformer les messages commerciaux en informations servicielles. Une évolution également à mettre en relation avec la généralisation des AdBlockers. Peu à peu, l’intrusif sera de moins en moins toléré et seuls les messages contextualisés seront acceptés. La révolution médiatique ne fait que commencer…[/ASIDE]