10 ans représentent toujours une étape importante dans la vie d’une agence. Mais lorsque le cœur du métier est le web, on peut même parler de prouesse. Une prouesse que vient d’accomplir l’agence Liip. Entre des débuts sur les chapeaux de roues, un management centré sur l’humain et une croissance économique fulgurante, retour sur le parcours d’une entreprise qui ne voulait pas vraiment grandir.
« Quand nous avons commencé, nous étions vus comme des nerds… Nous n’étions pas vraiment pris au sérieux, tout comme le web d’ailleurs. » C’est avec un large sourire que Gerhard Andrey, co-fondateur et partenaire de l’agence Liip, nous raconte ses débuts dans le développement, alors qu’Internet était encore considéré comme une technologie sans avenir. Nous sommes au début des années 2000 et Liip n’existe pas encore. Elle naîtra en 2007 de la fusion de Mediagonal SA, la fribourgeoise, et Bitflux GMBH, la zurichoise. Les deux sociétés ayant une base commune dans le monde de l’Open Source, leur rencontre s’est faite naturellement. « Le plaisir du web nous a unis. Pour nous, 1+1 valait davantage que deux ».
Décollage immédiat
Deux mois après sa création en 2007, Liip remporte un premier prix Master au Best of Swiss Web, la plus haute consécration suisse. « Cela nous a tout de suite donnés une immense visibilité », souligne le co-fondateur. « Tout le monde nous connaissait déjà alors que nous venions de commencer ». Liip voit dès lors sa croissance monter en flèche. Fribourg et Zurich, sièges principaux de l’agence, auxquels s’ajoute une succursale à Berne dans les locaux d’un partenaire, ne suffisent rapidement plus. « A Fribourg, nous restions orientés vers le marché suisse allemand. Du coup, nous avons fait le saut vers Lausanne en 2011. Aujourd’hui, l’un de nos meilleurs atouts est d’être une agence entièrement bilingue. »
Une cinquième succursale à Saint-Gall s’est ensuite ajoutée, afin d’être au plus proche de la banque Raiffeisen, l’un de leurs principaux clients. Si les fondateurs trouvent du plaisir à développer leurs activités dans de nouveaux lieux, ces succursales permettent surtout la réalisation de méthodes de travail itératives et agiles. « Nous avons besoin de cette proximité avec nos clients, aussi grands soient-ils », explique Gerhard Andrey. Outre la banque saint-galloise, on trouve dans le portefeuille de Liip la Migros, pour qui elle a réalisé la plateforme migipedia notamment, la Confédération Suisse, l’UEFA ou les CFF, par exemple.
Un management qui prend le dessus
Avec des nouvelles succursales et un marché prenant de l’ampleur, la gouvernance de l’entreprise n’est plus adaptée. La décision est alors prise d’élargir la direction, sans toutefois inclure de middle management. Puis, vers 2012, de petites cellules interdisciplinaires autonomes sont créées. Les séances de direction disparaissent progressivement. « Nous n’avons jamais voulu dépasser les 50 employés au total » confie Gerhard Andrey, « mais en 2015, la croissance de notre succursale à Zurich était de 42%. Sans l’avoir vraiment cherchée, cette énorme croissance nous a permis de répondre aux demandes du marché. Nous sommes aujourd’hui 152 personnes, réparties dans cinq lieux. Il fallait alors adapter notre fonctionnement. Holacracy est tombé du ciel à ce moment » (ndlr : l’holacratie est un système de gouvernance basée sur l’intelligence collective. Dans ce système, la prise de décision est disséminée à tous les niveaux de l’entreprise). Ces choix managériaux ont mené l’entreprise à remporter de multiples prix, à figurer régulièrement dans la liste des plus grosses agences de Suisse, et même à être sacrée en 2016 meilleur employeur romand dans la catégorie PME par le magazine Bilan.
Avec une telle croissance, des groupes désireux de racheter l’entreprise ont montré de l’intérêt, mais ce n’est pas du goût du fondateur : « Bien sûr que nous aurions pu vendre, mais qu’est-ce que cela apporte ? Pour moi, la réussite n’est pas financière. Je préfère pouvoir continuer à défendre nos valeurs à travers notre entreprise. » Surtout qu’entrer dans un groupe n’aurait pas ouvert les portes à de nouvelles réalisations pour l’agence. Prônant la formation continue et le partage des connaissances en interne, Liip a su s’adapter à la constante évolution du web. Elle gère aujourd’hui des mandats tant en début qu’en fin de chaîne de production, de la technique pure de développement à l’UX et aux analytics. Qui plus est, en travaillant 100% en Suisse. « La Suisse, par son niveau de vie, est très attractive. Avec notre réseau construit dans la communauté Open Source, nous avons toujours pu recruter des pointures, comme à l’époque Penny Leach, lauréate du prix O’Reilly Open Source de Google », nous explique Gerhard Andrey.
Que donc souhaiter à Liip pour les 10 années à venir ? « Nous ne sommes pas en train de nous projeter. Surtout, nous ne nous fixons pas d’objectifs à long terme. Cela met une pression qui n’est pas nécessaire» réagit le fondateur. « Nous préférons fixer nos valeurs, c’est plus sain. Les choses se feront naturellement. » On est tout de même tenté de leur souhaiter de futures années à l’image des premières : riches d’idées innovantes saupoudrées d’un brin de chance – ce que ne renie pas Gerhard Andrey.
Christophe Robert-Nicoud