Sans un budget pharaonique, une PME a désormais autant de chances de croître avec le content marketing qu’un montagnard de gravir l’Everest muni d’une paire de schlaps. L’ère du contenu tout-puissant touche déjà à sa fin.
À moins d’avoir passé les dernières années à méditer dans un monastère tibétain, vous avez certainement dû lire à maintes reprises que le content marketing représente la panacée pour la croissance d’une entreprise. Tous les gourous de la comm digitale l’affirment, à grand renfort de statistiques mirobolantes et de retours sur investissements à faire saliver n’importe quel trader malhonnête : produire du contenu coûte moins cher que la publicité traditionnelle et rapporte beaucoup plus à long terme.
Ce n’est pas faux. Mais ce n’est plus vrai non plus !
Bienvenue dans le monde des Bisounours
Je m’explique. Côté jardin, le marketing de contenu ressemble au monde des Bisounours : les patrons sont en extase, car les visiteurs affluent, la notoriété de la marque augmente, les prospects se convertissent en clients et les revenus augmentent. En même temps, les internautes jubilent parce qu’ils peuvent se gaver de contenus jusqu’à satiété. Côté cour, la réalité est loin d’être aussi florissante. En effet, aujourd’hui, une stratégie de marketing de contenu performante exige, en plus d’une planification rigoureuse, d’importants moyens financiers et humains, ainsi que des compétences en communication assez pointues. Quel montant une entreprise doit-elle investir pour faire rimer visibilité et retombées, notoriété et qualité, envolées et deniers ? En gros, une dizaine de milliers de francs suisses par mois. Ou, au minimum, un poste à mi-temps, en interne.
Les PME manquent de ressources
Or, les indépendants, TPE ou PME capables de dégager de telles ressources ou disposant de l’indispensable savoir-faire communicationnel – du moins de ce côté-ci du Röstigraben – sont aussi nombreux que les dictateurs soutenant inconditionnellement la démocratie sur la planète. Certes, nombreux sont capables de pondre une poignée de textes sur son blog, balancer deux ou trois visuels sur Instagram, partager un article hebdomadaire sur LinkedIn, tweeter quelques phrases et poster une vidéo sur YouTube.
Une tâche herculéenne
En revanche, maintenir à la fois le rythme (idéalement une fois par semaine, et sur toutes les plateformes) et la substance s’avère une tâche herculéenne que peu parviennent à accomplir. Les véritables retombées du content marketing, en tant que stratégie de communication, se constatent souvent après de longs mois d’efforts constants et soutenus.
À ce stade, permettez-moi de faire un petit aparté : la publication de contenu à haute valeur ajoutée, même sporadiquement et sans réelle vision d’ensemble, portera toujours ses fruits : une meilleure visibilité sur la toile, davantage de notoriété et, éventuellement, quelques clients supplémentaires. C’est toujours ça de pris sur la concurrence qui reste, elle, les doigts croisés!
Moins de partages sur les réseaux
Le problème, c’est qu’aujourd’hui, une production régulière ne suffit plus pour séparer la voix de votre entreprise du brouhaha ininterrompu et franchement irritant de la toile. Pour deux raisons : premièrement, la publication de contenu augmente chaque année de façon exponentielle ; deuxièmement, les partages sur les réseaux sociaux diminuent de façon inquiétante, si l’on en croit l’étude récente de TrackMaven (https://trackmaven.com/blog/blogging-for-business/).
Autrement dit, le contenu – même de qualité – ne garantit plus à lui seul une visibilité suffisante, une renommée durable et l’afflux massif de chalands sur votre site, comme il n’y a pas si longtemps.
Un roi sans pouvoir
Pendant longtemps, le contenu était roi. À l’ère de la saturation d’informations, Sa Majesté compte, certes, encore quelques joyaux sur sa couronne, mais son pouvoir s’est considérablement érodé et la fin de règne semble s’approcher inexorablement. Le roi est (presque) mort, vive le désarroi ! En réponse à ces faits nouveaux, de nombreuses marques, y compris des acteurs de renommée mondiale, cassent leur tirelire pour se faire lire, en sponsorisant leurs contenus ou en rémunérant des influenceurs (bloggers ou youtubers) pour en parler.
Par conséquent, en plus du coût de production s’ajoutent désormais des frais, souvent plus importants, de diffusion. La note devient vite salée et hors de portée des budgets plus modestes, ceux-là mêmes qui pouvaient, autrefois, rivaliser presque à armes égales avec les géants de la comm d’un simple coup de plume.
Une utopie pour les PME ?
Aussi, une question polémique mérite d’être posée : le content marketing, comme levier de croissance, est-il devenu totalement utopique pour une PME romande, voire suisse ? Soulever une telle interrogation revient probablement à scier la branche – et même le tronc – sur laquelle les rédacteurs et les agences de comm digitale sont assis. Je l’avoue sans honte : pendant des années, j’ai vivement encouragé les entreprises à faire leur credo du marketing de contenu. Je n’ai pas retourné ma veste, tant s’en faut, mais simplement changé mon fusil d’épaule. Il est vrai que, dans la communication digitale, les dogmes évoluent beaucoup plus vite qu’ailleurs… Bref, il est grand temps de mettre des bémols dans le discours des marketers. Le marketing de contenu, oui, mais à condition d’y mettre les moyens !
Le temps des bémols
Alors, que faire, me demanderez-vous, pour faire décoller le business de sa PME sans casser sa tirelire ? Sans vouloir m’aventurer trop loin de mes plates-bandes, il me semble primordial de bichonner votre site internet, qui reste le pilier le plus important de votre communication. Ensuite, choyer vos clients et prospects existants. Enfin, partir en quête de nouveaux contrats selon les méthodes classiques de prospection et de networking. Rien ne vous empêche, bien entendu, de produire du contenu. Mais n’attendez plus de miracles en retour. Car pour les miracles, il faut désormais se saigner.