C’est à l’occasion des « Master of Marketing », colloque organisé aux Etats-Unis par l’Association of National Advertising, que le président du groupe Pepsi, Brad Jakmann, n’a pas craint de s’en prendre aux publicitaires. « En tant que client, je n’en peux plus de passer des heures en meeting avec des responsables d’agences, tous mâles, qui m’expliquent comment nous allons vendre nos produits à un public constitué à 85% de femmes. » Et de poursuivre : « Il n’y a pas de digital marketing. Il y a LE marketing et le digital est l’un des canaux par lesquels nous pouvons toucher nos clients. Or, nous en sommes encore et toujours à nous focaliser sur le prochain spot de télévision. » Et de lancer un appel : « Quand est-ce que nos marques réussiront une transformation aussi remarquable que celle de Caitlyn Jenner* ? »
De l’aveu même du plus haut responsable de Pepsi, on doit comprendre que cette entreprise n’a pas encore réussi sa mutation digitale. Et pour montrer sa volonté de changer de cap, l’agence Omnicom, avec qui le groupe entretenait une longue relation, a été remerciée pour la partie créative. Désormais, la communication a été confiée à deux agences de New York (Llody&Co et Moondog). Le résultat ne s’est pas fait attendre : quatre nouveaux spots ont été produits !
Cet exemple illustre ô combien il est difficile de changer ses habitudes. L’effet Caitlyn Jenner ne consiste pas uniquement à se limiter à la cosmétique, ou en l’occurrence à publier sur les réseaux sociaux et à se lancer dans la vente en ligne. Le changement de sexe est une opération radicale qui ne laisse pas de voie de retour. Et c’est précisément cela que sous-entend une transformation digitale. Or, les entreprises rechignent à franchir ce pas tant elles sont tiraillées entre un ancien modèle qui génère encore des revenus et un nouveau dont les promesses sont à venir.
Par prudence, elles préfèrent opter pour une cohabitation entre deux logiques antagonistes. Alors on essaie de tout combiner : de la communication classique et digitale, des ventes off et online, on change de site, on lance des applications, etc. Au final, une montagne de chiffres dont on n’arrive pas à interpréter le sens, une kyrielle de prestataires qui ne font qu’accroître leurs dépenses en communication et en marketing. Le tout générant un surcroît de travail pour toutes les équipes.
Bruce Jenner était aussi tiraillé entre deux logiques opposées. Il a fini par trancher dans le vif. Une décision difficile, douloureuse et dangereuse, mais la seule lui permettant de lui offrir une nouvelle vie. L’effet Jenner est à ce prix…
*Bruce Jenner a changé de sexe cette année. Il était le mari de Kris Kardashian Jenner