C’est décidé, je pars à Paris pour l’Ascension. Zut, je ne peux pas prendre mon TGV avant d’avoir rendu ma chronique! Et j’erre de ci de là, entre une pile de magazines sur les expositions parisiennes et la feuille blanche. Et voilà que j’assiste à un étrange phénomène de vases communiquants. Comme si chaque exposition était aussi un sujet idéal pour ma chronique. Ainsi, «L’expérience de l’Inde» confronte des regards d’artistes indiens et français sur ce pays d’où, comme beaucoup d’autres avant moi, je ne suis pas tout à fait revenue, depuis mon séjour l’été dernier. J’irais bien voir cette exposition. Où est-ce? A l’espace Louis Vuitton, sur les Champs-Elysées! Le bagagiste a bien sûr tout intérêt à donner envie de voyages. Il est d’ailleurs précisé dans l’article qu’il fournissait des maharadjas dans les années 1920. Sans doute ce projet d’art contemporain s’inscrit-il dans la tradition du maletier en Inde. Mais il correspond surtout à la passion du grand patron de LVMH, Bernard Arnault, pour l’art contemporain. C’est un des terrains où il guerroie avec son célèbre rival, François Pinault. L’ouverture d’un centre d’art au 7e étage a par ailleurs permis au magasin des Champs-Elysées d’ouvrir le dimanche. D’ailleurs, la liaison avec le magasin se fait dans un ascenseur plongé dans le noir par l’artiste danois Olafur Eliasson. Une pièce bleutée de l’illusionniste de la lumière James Turrel surplombe les rayonnages, baptisés l’hiver dernier par Vanessa Beecroft et ses mannequins décalés, jeunes femmes déshabillées au milieu des valises. L’artiste a même écrit le monogramme LV avec leurs corps, soulevant ainsi toutes les questions possibles et éternelles sur le travail de commande.
Bon, je continue à feuilleter mes magazines. Voilà une interview de Cindy Sherman à propos de sa grande rétrospective au Jeu de Paume. Depuis les années 70, l’Américaine se met en scène pour des photographies. Avec en jeu toute une critique sociale, une réflexion sur le narcissisme, sur le voyeurisme, sur les stéréotypes. Cindy Sherman a travaillé avec la mode et avec les marques. Elle a posé dans des attitudes et dans des décors qui sapaient la mise en valeur des vêtements de stylistes. Elle a poussé l’exercice à l’extrême pour des photos réalisées pour Vogue et Dorothée Bis où elle apparaît aussi ravagée psychologiquement que physiologiquement. A chaque fois ce genre de commandes par des magasines de mode a été un échec éditorial. Mais une réussite artistique.
Je ne trouverai apparemment pas ce genre de travaux sans concessions dans l’exposition «Ultra peau», au Palais de Tokyo, qui n’est pas seulement sponsorisée, mais initiée par Nivéa. Non pas que les oeuvres paraissent inintéressantes. Mais trop lisses. Osant à peine aborder quelques questions politiques liées à la couleur de la peau. Sans doute l’intérêt de la collaboration entre le Palais de Tokyo et la marque tient-elle plus dans le sponsoring d’autres expositions. Et aussi dans les résidences d’artistes dans l’entreprise. Une autre histoire, pour une autre chronique. Vite, mon TGV va partir!