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L’Opéra de Lausanne fait renaître la presse papier de ses cendres

La campagne de la saison 2019-20 de l’Opéra de Lausanne puise son inspiration dans la mise en scène d’un scandale dans la presse avec des acteurs locaux. A couper le souffle !

Début avril, la campagne envahit la ville. Ambiance hitchockienne, visages familiers, chacun plongé avec stupeur dans le journal fictif de l’institution : l’opération est une réussite, savamment orchestrée avec les ingrédients qui font le buzz. « Tu as vu Pascale sur l’affiche de l’Opéra ? », figure locale sans qui Lausanne n’aurait pas tout-à-fait le même piment, la styliste à la chevelure rose passe de l’autre côté de l’objectif en prenant la pose. Aussitôt placardées, tout le monde parle des affiches. Shootées dans quelques lieux emblématiques de la ville, elles soulignent l’attachement du public lausannois à son opéra. Conçue sous la direction artistique du studio de création Less basé à Vevey, la campagne photographiée par le très talentueux photographe Sébastien Agnetti a ce petit supplément d’âme qui se démarque du matraquage d’images auquel nous faisons face quotidiennement, essentiellement de façon digitale sur nos écrans. C’est là que prend racine la pertinence du propos, furieusement à contrecourant.

Quête de sensations fortes
A l’heure où l’on assiste au grounding des médias imprimés, où la Suisse romande a vu disparaitre Edelweiss, L’Hebdo et Le Matin, trois de ses publications phare en moins de cinq ans, l’Opéra de Lausanne fait renaitre la presse papier de ses cendres, où en tout cas son souvenir. Et d’un coup, tout revient : la saveur quasi cinématographique de conjuguer le café du matin avec la lecture d’un journal grand format, la découverte d’un scoop où d’une enquête à feuilletons, qui deviennent les sujets de conversation de la journée avec les collègues. Comme les bobos et leurs amis redécouvrent le plaisir d’écouter la musique sur vinyle, le rituel de la pochette, le grésillement lorsque l’aiguille s’enfonce dans le sillon, l’écoute attentionnée de la face A et de la face B, la sensualité des gestes en manipulant l’objet. Pourtant, au même titre que le disque vinyle n’empêche pas Spotify, le papier n’empêche pas le digital et la sensualité n’empêche pas l’excitation de l’instantané. En commun, la presse et l’opéra partagent la même quête de sensations fortes. « Éric Vigié, le directeur de l’Opéra souhaitait communiquer sur l’idée du scandale et le parallèle avec la presse nous semblait pertinent, explique Marlise Zimmermann du studio Less. C’était aussi pour nous une façon de valoriser la presse imprimée, qui donne un côté plus vrai à côté du numérique, très éphémère. La campagne fait aussi évidemment un clin d’œil à la disparition de la presse écrite, qui nous attriste tous ».

Un aspect mystérieux et vintage
A l’opéra comme dans les médias, le scandale est vendeur. Sur ce principe, mettre en avant le slogan pour faire plus de bruit était la démarche principale. D’un point de vue visuel, la campagne a cet aspect mystérieux, chaleureux et vintage avec des photos travaillées de façon argentique. « Le mouvement et la lumière étaient importants, précise la directrice artistique. Nous avons pris les photos tôt le matin ou à l’heure du coucher du soleil pour avoir ces jeux d’ombres. Pour nous, le médium photo est précieux, car il exprime le mieux l’univers de l’opéra et le travail sur le décor, les costumes, les lumières et la mise en scène ». Pour cette campagne comme pour chacune des précédentes réalisée par l’agence depuis quinze ans, l’objectif principal est de valoriser le travail de l’opéra. Les expressions médusées des protagonistes plongés dans leur journal ne sont pas sans rappeler celles du public face à un spectacle : « Nous tenions à retranscrire cette passion commune du lecteur pour son journal et celle du spectateur à l’opéra, il y a cette similitude d’attachement et d’immersion que nous trouvons très forte », conclut Marlise Zimmermann.

Chronique écrite par Alexandre Lanz

 

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