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Monsieur Debray, Prenez du recul, pas du retard.

Voilà quelques temps, Régis Debray est passé à Genève pour donner une conférence. Il répondait au Forum Meyrin aux questions du directeur des lieux, Mathieu Menghini, sur cette colère qui l’avait pris au Festival d’Avignon 2005 et qui lui avait fait signer un petit livre pamphlétaire chez Flammarion: « Sur le Pont d’Avignon ». Et bien Régis Debray est toujours en colère.

Ce dont se plaint l’intellectuel français, ancien conseiller de François Mitterrand, c’est de ne pas retrouver, cinquante ans après sa première descente en Avignon, le théâtre d’alors. Empesé de nostalgie le monsieur. Moi qui avais depuis longtemps envie de vous parler du site des médiologues, dont il un des pères fondateurs.  La médiologie, selon leur propre définition, « s’efforce de comprendre comment une rupture dans nos méthodes de transmission et de transport suscite une mutation dans les mentalités et les comportements et, à l’inverse, comment une tradition culturelle suscite, assimile ou modifie une innovation technique ». Bon, je vous le donne tout de même ce site. Si vous voulez vous faire une idée moins caricaturale de celui qui avait suivi le Che et était revenu en France comme un mystérieux héros à mes yeux d’enfants en 1973 des géoles boliviennes, c’est sur www.mediologie.org qu’il vous faut naviguer. Sans doute les textes y sont-ils plus analytiques et donnent-ils plus à penser et moins à s’énerver…

Je reviens donc à mon énervement. En 2005, tout en regrettant que le théâtre ait échoué à parler au peuple, Régis Debray a trouvé qu’il y avait trop de monde à Avignon. Mais surtout, il a gonflé sa colère des humeurs, du sang et des urines déversées dans les spectacles, en particulier ceux de l’artiste flamand Jan Fabre, invité principal de cette édition hors normes.. Des mots et des symboles, s’il vous plaît, mendie-t-il.

Régis Debray. RD, comme rendez-vous. Et bien ce rendez-vous avec son temps, RD l’a manqué semble-t-il. Certes on peut se fatiguer et même se fâcher de l’exploitation leste et fadasse de quelques procédés scéniques aisés pour tenter de remplir le vide du  langage chez certains théâtreux de peu. Mais en choisissant Jan Fabre comme cible emblématique, l’intellectuel français a visé faux. D’abord parce que Jan Fabre n’est pas un provocateur coupé de l’Histoire. Les liquides qu’il déverse sur scène coulent depuis la médecine des humeurs, c’est-à-dire depuis un temps des symboles encore bien plus ancien que Régis Debray et Jean Vilar. Et le plasticien ¬- car c’est de là sans doute que vient le malentendu, Jan Fabre n’est pas vraiment un homme de mots, il est un plasticien qui monte des spectacles, entre danse et théâtre ¬-, le platicien n’a qu’un souhait, dépoussiérer notre regard pour que nous réapprenions les symboles. Régis Debray, Jan Fabre, même combat contre la misère symbolique de notre époque? Les deux hommes auront une occasion inouïe d’en discuter l’an prochain, dans les salles du Louvre que le Flamand investira de ses oeuvres. Il a été invité à dialoguer avec les oeuvres des maîtres. Peut-être pourrait-il aussi parler symboles avec Régis Debray?

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