Y a-t-il un humour romand ? La dernière campagne de l’agence Numéro 10 semble le confirmer. Les ingrédients sont de la dérision, de l’humour et de la décontraction. Mais est-ce si différent de la publicité alémanique ?
Le secteur de la téléphonie mobile, notamment celui des opérateurs Triple Play, est très compétitif dans notre pays. On se bat sur ce marché à coup de prix cassés et de campagnes de communication agressives. Difficile pour un outsider comme Net+, regroupant onze opérateurs régionaux dans les cantons de Vaud, Valais et Fribourg, de s’assurer une visibilité à large échelle face à autant de concurrents qui bénéficient d’une assise nationale.
C’est pourquoi, à l’occasion du lancement d’une nouvelle gamme de produits, cette marque romande a cherché une agence pour l’aider à trouver le nom qui conviendrait le mieux à sa nouvelle offre sur-mesure et à se charger de sa communication. Quatre agences ont été invitées à participer au pitch lancé l’automne dernier. Reposant sur le principe de l’onomatopée, c’est le concept de Numéro 10 qui a été retenu.
« Bli pour l’internet, Blo pour la télévision et Bla pour la téléphonie, nous avons choisi de prendre la technologie à contre pied, explique Gilles Aeby, fondateur de cette agence bernoise, et de nous placer du côté de l’utilisateur et non de l’opérateur. C’est ainsi que nous avons imaginé deux personnages « Jeanne» et « Hubert », un couple dans la trentaine symbolisant le consommateur romand. Surfant sur la vague des formats courts comiques, les créatifs de l’agence ont écrit trois scénettes où la langue de communication est le Bli-Bla-Blo. « Les situations sont suffisamment claires pour que l’on comprenne le message, que l’on peut résumer ainsi : à chacun sa consommation média. »
Décodage d’une campagne
Changer les codes de communication d’une industrie est une prise de risque. A être trop disruptif, on peut passer à côté des attentes de la cible. C’est pourquoi l’agence a fait un important travail de planning stratégique avant d’opter pour l’univers de la bande dessinée, qui transforme l’affiche en planche. « Nous avons isolé quatre valeurs pour cette marque : l’unicité, la popularité, le challenge et la modernité ». Petit parmi les grands opérateurs, Net+ peut, en tant qu’outsider, se battre avec des armes différentes. En optant pour un mode d’expression moderne, qui ne segmente pas, cette marque peut oser l’humour pour atteindre la popularité. » Il en résulte une proximité avec le public qui pourra générer de la reconnaissance de marque et de la sympathie.
Ce qui explique pourquoi 70% du plan média est offline (TV, cinéma, affichage, presse) et que seulement 30% du budget a été mis sur le web (display). « Même si la campagne porte sur le lancement d’un produit, nous sommes également dans une logique de branding. Raison pour laquelle il nous fallait nous différencier afin de toucher le public le plus large possible. » En raison des zones de diffusion de Net+, seule une partie de la Suisse romande verra cette campagne, mais le relais des vidéos sur les réseaux sociaux va permettre d’augmenter la notoriété.
L’humour romand vs. l’humour alémanique
Cette campagne aurait-elle fonctionné en Suisse alémanique ? Gilles Aeby, dont l’agence est basée à Berne et qui connaît bien les deux cultures, ne le pense pas. « Le public alémanique trouverait ces visuels trop colorés et ce ton un brin « potache » ne passerait pas. Si les publicitaires zurichois préfèrent les univers structurés, les ambiances gris-bleu, le graphisme très esthétique et les messages courts, c’est que tel est leur univers visuel et leurs publicités leur ressemblent. La campagne Net + est justement tout l’inverse : trop libre, trop colorée et surtout trop remplie. Les Romands n’aiment pas le blanc sur une affiche, raison pour laquelle les slogans sont si longs. »