A-t-on encore besoin de présenter Ariane Dayer, rédactrice en chef de L’Hebdo, puis du Matin Dimanche, et depuis le début de cette année à la tête de la rédaction Tamedia en Suisse romande ?
Son parcours exemplaire raconte l’histoire récente de la presse écrite en Suisse romande. Le journal La Suisse, où elle a débuté sa carrière journalistique, et le magazine L’Hebdo n’existent plus. La rédaction du Matin Dimanche est désormais alimentée en contenus par la rédaction Tamedia, comme c’est le cas pour les autres titres régionaux romands du groupe.
Entre plans d’économies et redéploiements de rédactions, Ariane Dayer reste plus que jamais une passionnée de journalisme. Elle défend ses équipes et croit en la force de l’écrit, comme le prouve son engagement dans la nouvelle formule du Matin Dimanche lancée le 18 mars dernier. C’est une bonne occasion pour faire le point avec elle.
La dernière formule du Matin Dimanche remonte à septembre 2014. En quatre ans, la place de la presse a énormément changé. Quelles ont été les priorités pour cette nouvelle version du seul dominical romand ?
Au-delà de la mise à jour du design de la maquette, notre objectif était de monter en gamme et en élégance. Nous avons également souhaité condenser notre offre car, bien que le lecteur du dimanche ait plus de temps à consacrer à la lecture de son journal, son attention n’est plus infinie. Nous avons par conséquent imaginé une version plus dynamique qui offre un plus grand confort de lecture tant dans la version papier que numérique.
Quels sont les principaux changements ?
Nous sommes passés de quatre à cinq cahiers et trois à deux magazines encartés Femina et encore!.
Les grilles des programmes de télévision que proposait Télé Top Matin ont ainsi été intégrées dans notre nouveau cahier « Cultura » en format tabloïd.
Autre nouveauté, le cahier « Bien Vivre », où nous expérimentons notamment de nouvelles formes journalistiques nous permettant d’interagir avec nos lecteurs via les réseaux sociaux.
Notre 1er cahier reste concentré sur l’actualité Suisse, Monde et Économie. Le 2e, « Acteurs », développe portraits, chroniques et opinions, ainsi qu’une nouvelle formule de feuilleton journalistique en immersion dans un milieu proche de nous. Le 3e, consacré aux « Sports », est enrichi, notamment avec une page de conseils pour la pratique du sport intitulée « Le Sport et vous ».
Ce souci de concision est-il également lié à une nécessité de réduire les coûts de production ?
Il y avait en effet un souci d’économie, mais nous étions également conscients que les nouvelles habitudes de lecture ne favorisent plus des paginations excessives. Il fallait trouver le bon équilibre entre nos ressources et les attentes des lecteurs. Cette nouvelle formule en est, je pense, la meilleure des illustrations.
L’érosion de votre audience, constatée par les dernières vagues de l’étude Mach Basic, a-t-elle eu une incidence sur la structure d’âge de votre audience ?
Seul journal dominical sur le marché romand, nous touchons un lectorat très large, ce qui nous oblige à faire un grand écart entre les âges, les sexes, les catégories sociales et les publics. Les études lecteurs, réalisées dans le cadre de cette nouvelle formule, nous ont toutes démontré que cette diversité de profil n’a pas changé.
Ce qui s’est par contre modifié, ce sont les attentes des lecteurs envers les médias et particulièrement Le Matin Dimanche. Comme pour tous les titres de presse, nous devons faire face à une érosion de notre audience. Le message que notre lectorat nous a fait passer est qu’il souhaite que nous gardions notre niveau d’excellence tout en apportant une plus grande note de plaisir dans nos pages.
Et que vous leur offriez également une diversité de modes de diffusion…
Absolument. Bien que le Matin Dimanche ne dispose pas d’un site propre, notre édition est disponible en version numérique et nous diffusons désormais une newsletter le samedi.
Par ailleurs, notre nouvelle organisation de travail nous permet de proposer une suite à nos enquêtes, que nous menons en commun avec la
SonntagsZeitung tout au long de la semaine sur les sites des titres régionaux. Les abonnés de 24Heures et de la Tribune de Genève peuvent par conséquent rester en contact avec nous durant la semaine.
Depuis le début de l’année, les rubriques Suisse, Monde, Eco et Sports des rédactions du Matin Dimanche, de 24Heures et de la Tribune de Genève ont été réunies. Avez-vous réussi en trois mois à créer une dynamique commune ?
Une fusion ne va jamais de soi. Dans toute organisation, le changement est d’abord perçu comme une menace. Alors, lorsqu’on décide de regrouper quatre rubriques afin qu’elles travaillent indifféremment pour trois journaux, c’est autant une évolution qu’une révolution.
Bien que les journalistes écrivent d’abord pour une rubrique, ils l’adaptent à l’ADN de leur journal. Il leur a fallu faire ce deuil. Cette horizontalité est une nouveauté dans notre métier.
Concrètement, comment la « sauce » a-t-elle pris ?
Les équipes des quatre rubriques ont été regroupées dans les locaux de la rédaction de 24Heures. Les journalistes de la Tribune de Genève nous y retrouvent ponctuellement. Partager un même espace est essentiel, cela nous a permis de nous connaître et de mieux exploiter nos compétences internes. Au début, chaque rédaction avait des préjugés sur les autres titres. Peu à peu ces barrières tombent. Mais, je dois reconnaître que début janvier, personne ne savait comment cette nouvelle organisation allait fonctionner. Il a fallu inventer une nouvelle méthode de travail.
Aviez-vous des craintes ?
Surtout le premier jour, car il y avait eu des bruits sur un éventuel boycott. Le 3 janvier, je ne savais pas si tout le monde serait au rendez-vous. Par chance, ils sont tous venus et il a été immédiatement clair qu’une collaboration allait être possible. Trois mois plus tard, cette nouvelle organisation fonctionne. Les retours des lecteurs sont très positifs et nous avons pu réaliser de bons coups journalistiques.
Concrètement, quelle est la fonction d’une directrice de rédaction ?
C’est essentiellement une fonction d’aiguillage. Chaque matin, la séance des chefs de rubriques permet de définir les choix stratégiques et l’emplacement des principaux articles par cahier, puis au fil de la journée, le chemin de fer se concrétise. Le mardi, nous commençons à élaborer le sommaire du Matin Dimanche.
Trois titres : n’est-ce pas harassant ?
C’est un challenge passionnant : l’aspect créatif et exigeant de cette réorganisation nous permet d’agir, ce qui est mieux que de subir des coupes. Et le dynamisme de cette rédaction me fait oublier les heures de travail.
Qu’en disent les annonceurs ?
Ils ont bien accueilli cette nouvelle formule. Autant les marques que les agences nous confirment qu’ils vont conserver la presse dans leur plan média. J’ai l’impression qu’il y a un regain d’intérêt pour le support papier.
Par ailleurs, nos tests lecteurs ont démontrés que la publicité est vue dans notre journal. Si par le passé, son volume était jugé comme un élément gênant, le ratio actuel est très bien accepté.
Pensez-vous développer de nouveaux formats, par exemple la vidéo ?
Nous ne nous interdisons rien. Certains journalistes commencent à se former à la vidéo. Nous pourrions également imaginer de sponsoriser des rubriques, et d’autres idées sont possibles. La réorganisation et le lancement de la nouvelle formule nous ont tenus occupés ces trois derniers mois, mais une nouvelle étape s’ouvre désormais. Notre mot d’ordre est « souplesse ».