Le Festival international de la créativité Cannes Lions ne cesse de se réinventer. Après avoir récemment lancé une compétition parallèle – Lions Health –, les organisateurs ont franchi une nouvelle étape en créant Lions Innovation. Deux jours de conférences et d’expériences où l’on a parlé d’internet des objets, de neuroscience, de big data, de drones, de robots et de voyages dans l’espace. Passionnant !
Depuis 62 ans, Cannes Lions est la vitrine des réseaux publicitaires et chaque édition est l’occasion de prendre le pouls de l’industrie publicitaire et de mesurer la vitalité des marques globales. Après des années d’inquiétudes et de doutes, la sérénité est enfin de retour. Certes, la crise économique reste une réalité à l’échelle mondiale et la baisse des budgets médias se ressent, notamment par le manque de panache des campagnes en compétition, mais la menace que représentait le web semble désormais faire partie du passé. L’intégration du digital n’est plus un sujet et l’on ne saurait dire qui de la publicité ou du web a absorbé l’autre. Pour preuve, sur la Croisette ce sont désormais les géants du web qui occupent les plages des grands hôtels : Facebook devant le Majestic Barrière, YouTube au Gray d’Albion Beach et au Royal Beach, Microsoft sur la place du Festival. Et contrairement aux publicitaires qui aimaient faire la fête au vu et au su de tous, ces nouveaux maîtres sont des obsédés de la sécurité et de la discrétion. La transparence, ils la préconisent en ligne, mais sur le sable doré, on ne montre rien. Autres temps, autres mœurs…
Et le changement ne s’applique pas qu’à la fête mais également au contenu. Un nouveau festival de deux jours dédié à l’innovation a été aménagé dans un nouvel espace hi-tech, situé derrière le palais des Festival. On se croirait à SXSW ! Quel contraste avec les conférences de Cannes Lions où des VIP de tous horizons tiennent plus que jamais le haut du pavé. A l’instar des deux stars de cette année : Kim Kardashian et Monica Lewinsky. Heureusement que la compétition pour l’obtention des Lions dans 16 catégories reste encore le cœur de cet événement…
Un nouveau souffle
On l’a compris, l’esprit de Cannes souffle désormais du côté de l’Innovation où, entre les startups, les conférences et la présentation des nouveaux outils technologiques, on n’a que l’embarras du choix. Comme l’a résumé Rei Inamoto, Chief Creative Officer de AKQA : « Quand Cannes Lions a été créé, le mot innovation n’était jamais employé avec celui de créativité. Aujourd’hui, ces deux termes sont les faces d’une même monnaie. Ce nouveau colloque nous ouvre de nouvelles perspectives. » C’est ainsi que l’on a pu notamment découvrir les derniers projets d’Audi en train d’équiper, avec Google, un engin lunaire de la technologie Quattro, ou de Tom Tom qui est venu présenter sa nouvelle caméra Go Pro (Tom Tom Bandit). Deux cas de diversification qui prouvent que le web n’était qu’une première étape. « Nous allons devoir changer notre manière de travailler, a commenté Luca de Meo, membre du Board Management, Sales et Marketing Audi. De la même manière que nous avons externalisé puis internalisé le design, nous allons devoir faire de même avec le marketing et la communication. Nous ne sommes plus seulement des fabricants de produits, mais également de projets. Et il va falloir raconter notre passion d’une autre manière. »
Le 3e âge du marketing
Pour Andy Hobsbawm, co-fondateur et Chief Marketing Officer de Everything, c’est le grand défi qui attend les marques. « Nous sommes passés de l’ADN des marques au pouvoir des consommateurs et nous entrons désormais dans le monde des produits. L’internet des objets va donner aux biens, de par leur pouvoir de connexion, une nouvelle autonomie. Les avantages d’un frigo, d’une voiture ou d’une alarme vont dépasser leur seule fonctionnalité. Leur valeur va dépendre des services annexes. Un challenge pour les marques qui doivent impérativement changer de paradigme. Plus que jamais, les maîtres du jeu seront les innovateurs qui sauront créer des écosystèmes cohérents. »
Et tout reposera sur le Big Data. Grâce à la technologie programmatique, proposer à la bonne personne le bon produit au bon moment va devenir la règle. Si le développement technologique le permet, les freins sont encore du côté des utilisateurs. Car pour que les possesseurs de téléphones mobiles acceptent de partager leurs données de géolocalisation et qu’ils activent leur bluetooth, les marques vont devoir les convaincre. L’enjeu est de taille car, grâce à la réalité augmentée, l’intelligence artificielle, la robotique et les drones, le commerce va vivre une extraordinaire mutation.
Incontestablement, le mariage de la technologie et des neuroscience nous fait entrer dans un nouveau monde. Tant et si bien qu’Alexandre Naressi, Managing Director d’Accenture Interactive, avance que les marques ne tarderont pas en investir dans ces nouvelles technologies. « Par exemple, la livraison par drones va se généraliser. L’espace entre nos têtes et le toit des immeubles va être exploité à cette fin. A la manière d’un Netflix permettant d’accéder à un catalogue, le consommateur aura le choix entre différents prestataires de biens et de services qui, sur la base d’une analyse en temps réel de sa consommation, pourront estimer et anticiper ses besoins. Le ciel, les objets, les surfaces de tout genre vont devenir, notamment grâce aux lunettes connectées, de nouveaux supports publicitaires. » De même que le monde est devenu un village, les objets ne seront plus des îles. Et à en juger par la plupart des Grands Prix de cette année, les réseaux ont compris que la créativité sans la technologie n’a plus d’avenir.