Pour la première fois, le rendez-vous Mediavision de publisuisse (régie publicitaire de la RTS), qui aura lieu le 5 novembre 2012, se tiendra également en Suisse romande. L’occasion d’aborder avec le directeur de publisuisse le marché télévisé romand, les tentatives de la RTS sur la télévision hybride, la planification basée sur les données PIN et enfin le nouvel outil Mediacompass proposé aux annonceurs.
Pourquoi avez-vous attendu 2012 pour organiser Mediavision en Suisse romande ?
-En Suisse alémanique, il existe deux rendez-vous télévisés : le Screen-up des distributeurs TV qui, tous les automnes, présente les nouveautés de chaque chaîne, et Mediavision, au printemps, où l’on aborde des thèmes plus diversifiés. Mais dans les deux cas, ils attirent surtout un public alémanique. Nous avons pensé qu’il fallait aussi proposer nos contenus aux Romands car publisuisse se positionne comme un distributeur national.
Le concept de la version genevoise de Mediavision est-il le même qu’à Zurich ?
– Non, le public y sera plus cosmopolite parce que le secteur concerné est plus restreint. Il s’agira d’un mélange entre Screen-Up et Mediavision.
Vous concentrez-vous plus fortement sur le marché romand en raison de la concurrence croissante que représentent les fenêtres publicitaires télévisées ?
– La concurrence accrue nous pousse en effet à être encore plus présents. L’idée d’un Mediavision romand est loin d’être nouvelle mais jusqu’à présent nous n’avions ni les ressources financières, ni le personnel nécessaire. Et nous n’oublions pas non plus la Suisse italienne, pour laquelle un projet est à l’étude.
Quelle est l’importance du marché télévisé romand pour publisuisse ?
– Il est capital. L’an dernier, le chiffre d’affaires réalisé avec RTS1et 2 a atteint CHF 110 millions. En comparaison, il était de CHF 190 millions en Suisse alémanique. Le pourcentage réalisé en Suisse romande est donc supérieur à la moyenne – depuis longtemps d’ailleurs, et les recettes en Suisse alémanique varient plus fortement que dans la partie francophone.
Comment expliquez-vous que la part romande soit si élevée ?
– Parce que dans cette région, la situation concurrentielle est moins marquée. En Suisse alémanique nous avons onze fenêtres publicitaires contre quatre en suisse romande. Ce qui signifie également que nos concurrents pratiquent une prospection du marché moins intensive. De plus, la part de marché cumulée des deux chaînes RTS est un peu plus élevée que celle de SF.
TF1 est arrivée sur le marché romand il y a un an environ. Quels ont été les autres changements survenus ces dernières années ?
– TF1 a entraîné dans son sillage Ringier, nouveau distributeur TV. Contrairement à la Suisse alémanique, les concurrents TF1 et M6 sont plus proches de notre chaîne principale RTS1, en termes de parts de marché, qu’en Suisse alémanique où l’écart qui sépare RTL (le prochain concurrent) et SF est plus grand que celui séparant TF1/M6 et RTS1.
Est-ce que les blocs publicitaires RTS « font le plein » ?
– Nos carnets de commande sont encore très bien remplis, ce qui a aussi une incidence sur la capitalisation. Seul souci, les annonceurs publicitaires passent leurs commandes toujours à plus court terme, obligeant les agences à réserver des espaces publicitaires à l’avance. Cela entraîne un grand nombre d’annulations à court terme et nous empêche souvent de vendre des plages devenues libres. Cette situation est désormais un problème plus aigu en Suisse romande qu’en Suisse alémanique où la demande est plus forte.
Une concurrence accrue et des blocs publicitaires bloqués – je suppose que cette combinaison a fait dégringoler les prix sur la RTS ?
– Non. Le niveau officiel des prix a même augmenté d’environ 20% au cours des dernières années. Les conditions nettes ont été améliorées, ainsi le marché propose plus de rabais et d’espace libre – aussi en partie chez nous. Autrement dit, aujourd’hui l’annonceur en a plus pour son argent. Il suffit de comparer les indices bruts de MediaFocus à ceux publiés dans la statistique publicitaire des prix nets : l’écart entre tarifs bruts et nets ne cesse de grandir.
RTS est en train de tester la télévision hybride (HbbTV), les informations étant déjà diffusées avec des applications sur second écran. Que signifie cette évolution pour publisuisse ?
– Il s’agit à l’heure actuelle d’un essai pilote effectué par RTS avec Swiss TXT. En soi, ce n’est pas vraiment une innovation puisque jusqu’à présent il y avait déjà la possibilité d’un « second écran » fourni par le site rts.ch qui propose une diffusion en flux.
Ce qui est nouveau, c’est qu’on peut désormais proposer, pour les tablettes comme pour les smartphones, en utilisant le canal du télétexte, des liens, graphiques, biographies ou illustrations supplémentaires qui s’affichent en même temps que les informations. Mais pour l’instant, il s’agit surtout de contenus journalistiques, l’offre commerciale suivra dès que l’on maîtrisera les produits effectivement proposés, leur mode d’utilisation ainsi que la structure des conditions-cadres juridiques.
Donc publisuisse ne propose aucune publicité dans ces essais pilotes ?
– Non. À l’heure actuelle on ne sait pas encore si la HbbTV sera considéré comme une offre en ligne ou relevant du télétexte. Dans le premier cas, nous aurions un problème en raison de l’interdiction de publicité en ligne frappant la SSR, dans le second, nous aurions une plus grande marge de manœuvre.
Autrement dit, vous devez attendre…
– Oui. Bien entendu, nous suivons les essais pilotes en ce qui concerne l’aspect commercial pour tester l’opportunité de diffuser un spot sur le canal radio linéaire en envoyant simultanément des informations de fond sur un microsite.
Est-ce que vous vous occupez aussi des tarifs ?
– Dans la mesure où nous tenterions de reporter notre niveau de prix dans le secteur en ligne ou mobile. Mon principe est le suivant : si un téléspectateur consulte en ligne les informations diffusées en flux, il doit être aussi cher que celui qui les regarde à la télévision. Il n’y a aucune raison justifiant un prix inférieur puisqu’il visualise les informations et que le message publicitaire a bien été en contact avec ce consommateur.
Vous partez donc du principe que la publicité télévisée peut migrer vers le secteur en ligne et mobile de façon plus lucrative que dans la publicité imprimée ?
– C’est bien le cas pour le streaming, autrement dit la visualisation linéaire. Mais comme la majorité des internautes ne regardent pas de façon linéaire le programme TV diffusé en flux, mais sélectionnent plutôt telle ou telle contribution, nous disposons dans ce cas d’un inventaire publicitaire réduit : je ne peux pas placer un bloc publicitaire de trois minutes juste avant une contribution de 90 secondes – à la rigueur en pre-roll de 20 secondes, voire en mid-roll ou post-roll. Il en résulte ainsi une perte d’inventaire. Dans le domaine en ligne ou mobile, notre facteur de recapitalisation devrait donc baisser – non pas parce que le prix est plus bas, mais parce que l’inventaire s’en trouve réduit.
Est-ce que publisuisse et Swiss TXT coopéreraient dans le cadre d’une commercialisation éventuelle ?
– Oui, il existe déjà des projets concrets.
Une fusion des sociétés est-elle envisagée ?
– Non, nous pensons plutôt à un partage des tâches – publisuisse serait sur le marché et Swiss TXT s’occuperait des processus.
A partir de 2013, le marché télévisé aura non seulement un nouveau système de mesure mais aussi un nouvel outil de planification – MediaWizard – permettant d’analyser également les données PIN (données individuelles d’utilisation). Cet outil a été évalué par publisuisse et Goldbach. Ce projet va-t-il réellement aboutir ?
– Oui, nous démarrons le 1er janvier 2013, en même temps que le nouveau système de mesure. Et pratiquement toutes les agences médias seront de la partie puisqu’elles étaient impliquées dans l’évaluation. MediaWizard sera donc un outil professionnel. Mais il sera mis en place de façon échelonnée : les agences recevront en novembre et décembre une formation sur la première fonctionnalité de MediaWizard, le reporting (analyse des données mesurées). Le second volet (planification, pronostics, interfaces avec les programmes de réservation des distributeurs) suivra ensuite dès la phase de réservation en 2014.
Avez-vous choisi cet échelonnement pour éviter que les agences ne soient débordées ?
– Oui, mais aussi pour que le marché ne soit pas perturbé, le nouveau système de mesure TV étant lui aussi lancé en 2013 et apportant son lot d’informations supplémentaires. Les données ne sont donc plus comparables avec les données actuelles. Nous devons néanmoins établir les pronostics de planification pour 2013 avec les données de l’ancien système de mesure, or leur contrôle se fera avec les données effectives du nouveau système. Une tâche laborieuse pour tous les acteurs.
Au printemps, publisuisse a publié une nouvelle étude (« Mediacompass ») pour la planification média stratégique (voir p. 28) – un produit en concurrence avec la MA Strategy de la REMP. Pourquoi ?
– Il existe bien sûr quelques interférences, mais de là à parler d’outil concurrent… Les différences sont évidentes : une autre approche, le choix délibéré d’un autre élément de mesure et d’autres possibilités d’évaluation. Nous voulions fournir aux planificateurs, dans un contexte toujours dominé par le cross-media, un outil leur permettant de consulter non seulement divers médias mais aussi l’interaction des médias dans le comportement de consommation médiatique, ainsi que d’autres facteurs tels que les intentions d’achat.