Sans collaboration, pas d’innovation ! Ou si peu qu’il serait très difficile d’en faire l’un des moteurs de nos sociétés. Dans un monde où le particularisme, voire l’individualisme, représentent des vertus, rappelons-nous, pour paraphraser Aristote, que la somme des parties donne beaucoup plus qu’un tout.
L’innovation est un terme qui, de nos jours, revêt pratiquement une notion de survie. A quoi peuvent bien servir nos chères universités et autres centres de recherche si ce n’est à former des cerveaux qui feront avancer les arts et les sciences ? Pourquoi s’extasier devant le terreau fertile formé par les jeunes entreprises qui défrichent de nouveaux territoires technologiques si ce n’est parce qu’elles véhiculent une notion d’avenir ? Dans une économie comme la nôtre, matière grise et matière première se confondent, généralement considérées comme le meilleur gage de notre prospérité future car vecteurs d’innovation. Et la Suisse n’est évidemment pas un cas particulier tant la croissance des sociétés dites « modernes » est intimement liée à leurs capacités à se renouveler et à repousser sans cesse les limites du savoir. Dans ce contexte, il n’est peut-être pas vain de vouloir remonter aux sources de l’innovation, d’adopter une approche « déconstructiviste » consistant non pas seulement à défaire pour comprendre mais également à proposer une sorte de rupture par rapport aux dogmes en vigueur.
De l’obligation d’innover ?
Ce « déconstructivisme » cher aux architectes des années 1990 renvoie inexorablement au monde de l’écrit, et notamment au philosophe Jacques Derrida qui en fut le penseur, mais plus généralement à celui des arts, selon la nomenclature de l’Esthétique d’Hegel qui fait cohabiter architecture et poésie. Ce léger détour par le monde des muses n’a rien de fortuit, lorsqu’il s’agit de parler de genèse et d’inspiration. Comme le disait si bien André Gide, « l’art naît des contraintes, vit des luttes et meurt dans la liberté ». Magnifique apologie qui trouve un écho extrêmement porteur dans le monde de l’innovation. N’y a-t-il pas dans toute innovation une forme de nécessité ? Une force presque palpable qui pousse l’individu hors de sa zone de confort et l’incite à trouver de nouveaux moyens d’expression, de nouvelles solutions. Les exemples d’innovations nées par obligation sont légion, à commencer par la mise au point « forcée » de vaccins susceptibles de vaincre une pandémie mondiale ayant confiné l’ensemble de la planète et menacé les fondements de son économie. Autre exemple plus proche des réalités quotidiennes d’un groupe de presse locale comme ESH Médias : l’urgente nécessité de repenser son modèle d’affaires en composant avec, d’une part, l’instantanéité et l’accessibilité qu’offre le numérique et d’autre part, le passage imposé par des canaux de distribution contrôlés par les fameux GAFA.
La collaboration, principal levier de l’innovation
Il serait toutefois extrêmement réducteur de vouloir considérer l’innovation comme le seul fruit de la contrainte, bien que l’acte de créer et d’explorer les chemins de traverse se fasse généralement au prix de maints efforts. La question revient donc à se demander quels sont les leviers que peut bien actionner la contrainte pour donner naissance à l’innovation. Personnellement, je suis intimement persuadé que la réponse tient principalement en un mot : la collaboration, de la mise en commun d’une diversité. Une contrainte forte crée une collaboration franche et débarrassée de ses doutes car orientée vers un objectif suffisamment porteur pour transcender l’individu. Mais la contrainte est-elle bien un préalable nécessaire ? En d’autres termes, peut-on créer des collaborations transcendantes sans « obligation » ? Le monde de l’open-source offre un bon exemple de telles collaborations où chacun participe à l’effort commun dans une sorte d’humilité collective et dans le but d’atteindre un objectif qui dépasse la sphère des individus.
Le système fédéral suisse comme modèle collaboratif
Mais ce qui semble relativement évident dans le monde associatif ou universitaire, l’est nettement moins lorsque l’on aborde l’univers des entreprises à but lucratif, tout du moins celui des PME, colonne vertébrale de nos économies. C’est pourquoi, chez ESH, nous croyons intimement à l’innovation régionale dans un pays qui se positionne systématique en tête des classements répertoriant les économies les plus compétitives et où la démocratie directe, de type « rousseauiste », repose précisément sur un système fédéral collaboratif. Quitte à passer pour des idéalistes, nous sommes en effet persuadés du potentiel inexploité que représente le maillage entre habitants, commerçants, entreprises, communes. Nous croyons aux bienfaits des collaborations gagnants-gagnants.
Dépendance, indépendance, interdépendance
Créons de la valeur, du lien, du business … ensemble. Le but poursuivi n’est évidemment pas dépourvu d’intérêts pécuniers mais l’innovation durable et responsable, basée sur la collaboration, est le meilleur moyen non seulement d’assurer la pérennité du modèle mais également la qualité des services sur lequel il repose. C’est en retissant le lien social, en faisant renaître l’agora des anciens que l’on pourra précisément cultiver l’échange et valoriser les rapports humains indispensables à la poursuite d’objectifs communs. Le fameux triptyque « dépendance – indépendance – interdépendance » que l’on utilise souvent pour qualifier notre rapport aux autres en tant qu’individu ou plus généralement notre rapport au monde n’est pas dénué de pertinence lorsqu’appliqué au monde des entreprises. Si l’indépendance est souvent acquise de haute lutte, l’interdépendance est un stade collaboratif ultérieur, porteur de solutions d’avenir.
Prenons le risque d’oser l’innovation responsable pour agir, ensemble, dans nos régions !
Par Thomas Deillon
P.S.: à disposition pour en discuter ensemble – thomas.deillon@eshmedias.ch