Il y a la manière et et il y a les faits.
En ce qui concerne la manière dont TX Group à annoncé sa dernière restructuration, elle ne peut que choquer en Suisse romande. C’est du pur style Zurichois, tout dans la brutalité. Ainsi dans un même communiqué de presse, on annonce la fermeture d’une imprimerie, des licenciements dans les rédactions, une nouvelle hiérarchie entre les titres… sans indiquer quels postes seront éliminés, quels titres seront vraiment sauvés et en privant l’antenne romande de toute direction propre. Cela ne passe pas en Suisse romande ! Les rédactions et les autorités politiques sont vent debout et c’est normal. Un plan social ne pourra tout régler face à cette casse sociale.
Et puis il y a les faits. Et là, les professionnels que nous sommes doivent reconnaître que depuis des années TX Group essaie de trouver la bonne formule. Le fait que le groupe puisse encore absorber les pertes de Tamedia (les titres de presse) n’est pas une bonne nouvelle. Sauver la presse est en 2024 une mission quasi impossible, même les gourous de la tech qui ont acheté des journaux arrivent tous à la même constatation d’échec. Les raisons sont simples, les GAFAM ont aspiré la moitié de la publicité mondiale (lire article) et le public croule sous tant d’offres médias/divertissements que les audiences ne cessent de se fractaliser. Et moins de lecteurs, cela signifie moins d’abonnements et in fine moins de revenus publicitaires.
Qu’aurait-il fallu faire ? La transformation numérique a été un très long processus. Les éditeurs n’y ont pas cru voici vingt ans, ils ont trop tardé à basculer. Résultat, une majorité de leurs revenus proviennent encore du print et non des abonnements en ligne. Autre souci pour TX Group, le gratuit 20 Minutes, sensé toucher les jeunes au moment de son lancement, a vieilli avec son public. La courbe de la démographie pourra encore sauver le papier mais pour combien de temps ? Et que dire des paywalls des versions numériques qui permettent de lire les titres sans avoir à payer pour l’intégralité de l’article.
C’est la quadrature du cercle pour les éditeurs. Comment sortir de cette impasse ? TX Group a choisi aujourd’hui de concentrer ses forces en misant sur quatre marques fortes. Quid de la Tribune de Genève, du Matin ? De ne garder qu’un centre d’impression à Berne : en février dernier, le groupe annonçait déjà vouloir transformer ces sites en opérations immobilières. La messe était déjà dite !
Reste à savoir s’il n’aurait pas fallu aller plus loin pour sauver Tamedia où s’agit-il d’une dernière tentative avant de vendre le tout à un éditeur étranger qui y trouverait un inventaire de datas intéressant. En fin de compte, la Suisse est un marché de 9 millions d’habitants au fort pouvoir d’achat. Cela à une valeur. Nous ne tarderons pas à le savoir.
Mais quel que soit l’avenir de TX Group et de Tamedia, tout ceci est catastrophe pour notre société démocratique. Ces rédactions ne sont pas qu’un bien meuble que l’on peut déplacer et vendre à l’envie. On ne peut laisser le pouvoir de l’information aux seuls réseaux sociaux gérés par des algorithmes qui amplifient les fake news pour pouvoir monétiser l’attention des internautes.
Tout ne peut devenir communication, l’information est un bien commun et nous devons nous battre pour qu’elle le reste !