Guide du Marketing : Philippe Durr, Membre de l’Executive Board, CEO Romande Energie Commerce
Alors que le secteur de l’énergie est toujours dans l’attente d’une libéralisation, les producteurs et les distributeurs doivent anticiper la prochaine révolution qui fera de leurs clients de possibles producteurs. Quelle sera la place des acteurs historique ? Quel rôle jouera le digital dans cette transformation ? Philippe Durr, membre de l’Executive Board, du Groupe, nous décrit comment son métier va évoluer.
Romande Energie a 130 ans. Qu’a pu apporter le numérique à une entreprise comme la vôtre ?
Dans chacun de nos quatre métiers de base que sont la production, la distribution, la commercialisation d’énergie et les services énergétiques, le numérique nous permet de mieux gérer, de prévoir et de valoriser la production et la consommation d’énergie. A l’instar de notre outil Déclics.ch qui offre la possibilité à nos 20’000 membres inscrits de consommer à leur rythme et de simuler leurs besoins afin d’avoir un meilleur contrôle sur leurs factures.
Un facilitateur qui a tout d’une opération marketing ?
Dans ce cas, on devrait le qualifier de marketing contre intuitif puisque nous aidons ces clients à moins consommer.
Doit-on comprendre que ce type d’initiative s’inscrit- dans un cadre plus vaste notamment celui de la préparation à la libéralisation du marché de l’énergie ?
Nous n’y sommes pas encore. La situation de monopole dont nous jouissons actuellement nous oblige vis-à-vis de nos clients. Notre responsabilité n’est pas de leur vendre plus d’énergie mais de contribuer à ce qu’ils consomment uniquement ce dont ils ont réellement besoin, ceci dans un souci d’économie tant personnelle que planétaire. C’est dans cette optique que nous avons conçu des communautés de consommation.
De quoi s’agit-il ?
Depuis le 1er janvier 2018, les propriétaires d’installations de production d’énergie solaire peuvent se réunir en communautés d’auto-consommateurs (CA). Le gestionnaire de la CA vend la part auto produite aux membres de la communauté et leur établit des décomptes. L’énergie excédentaire (énergie produite injectée sur le réseau) est reprise alors par le distributeur local, par un tiers ou par un organe tel que Swissgrid (RPC fédérale) ou Pool Energie Suisse (RPC vaudoise).
Nous nous transformons en auxiliaire de production en leur pourvoyant une note de crédit correspondant à l’énergie excédentaire et à leurs besoins propres. Chaque membre de la communauté garde un compteur nominatif et reçoit des factures de notre part, notamment pour les frais liés aux abonnements et pour la part d’électricité soutirée au réseau. Un document où il retrouve à titre d’information le total des kilowattheures consommés.
Cela signifie-t-il que vous êtes en train de changer de métier ?
De producteurs nous devenons en effet des facilitateurs. Hier le digital nous servaient principalement à communiquer avec nos clients, aujourd’hui l’internet des objets nous permet également de générer des transactions entre nos clients.
Ambitionnez-vous de devenir un acteur de la smart city ?
Absolument. L’habitat connecté nous permet de passer du métier d’énergéticien à celui d’entreprise spécialisée dans la data énergétique. Nous travaillons de concert avec les milieux de l’immobilier car nous nous intéressons également à la maison connectée au travers de la domotique (automatisation), du smart home (programmation) qu’au smart living » (plan habitat, sécurité, gestion de quartier, contrôle thermique).
Soutenez-vous des startups dans ce domaine ?
Nous sommes présents dans le Parc Innovation de l’EPFL pour être au plus près de cet écosystème. Nous avons huit collaborateurs qui s’intéressent aux nouveaux usages de l’habitat et qui réfléchissent aux futurs développements commerciaux qui en découleront.
Cela nous amène à l’inévitable question autour du respect des données. Que faites-vous de toutes ces informations qui, puisqu’elles concernent notre quotidien, sont au final très sensibles ?
Nous avons déjà des informations sur nos clients. Mais il est clair que les nouveaux outils nous amèneront à collecter d’autres données. Nous allons continuer à les traiter pour le bien de tous. Ce qui change c’est que l’utilisateur peut et veut également avoir le contrôle en tout temps sur ses données. La relation de confiance avec une marque doit désormais fonctionner dans ces deux sens.
A l’avenir produirez-vous plus d’énergie ou de données ?
On doit s’imaginer que la production de l’énergie va se démocratiser. Des immeubles, des communautés de riverains, des villages vont se transformer en producteurs. Notre prochain rôle va consister à devenir des assureurs énergétiques, c’est à dire que nous serons le chaînon indispensable pour que les usagers puissent toujours disposer de courant.
Cela change complètement le paradigme sur lequel vous avez fondé vos offres et votre argumentaire marketing.
En effet, puisque le citoyen va jouer un rôle déterminant dans la production d’énergie, nous devons passer d’un marketing de l’offre à celui de l’usage.
Le client 100 %digital sera-t-il équivalent au client d’aujourd’hui ?
La question de savoir ce qu’est un client digital n’est nullement anodine. Actuellement, nous définissons ce profil comme une personne qui s’est connectée au moins une fois à son espace privatif en ligne et avec laquelle, nous communiquons que de manière dématérialisée. Cette relation est-elle plus forte que celle que nous avons avec nos clients via l’envoi de quatre factures papier par an ? Certainement pas ! Nous devons tisser des liens qui passeront pas la communication et le service. Le digital n’est qu’un outil de notre nouvelle relation-client.
Une nouvelle manière de penser et de travailler pour vos équipes. Comment les préparez-vous à cette transformation ?
Cela passe essentiellement par la formation interne. Mais pas uniquement. L’environnement de travail est également important, c’est pourquoi nous avons intégré le mode « agile », indispensable à un profond changement de management, dans les plans de notre nouveau bâtiment.
Nos équipes peuvent également intégrer ponctuellement notre Smartlab afin qu’elles puissent être aidée dans la mise en place de nouveaux concepts.
Tout le monde est en ordre de marche ?
On ne peut imposer un changement. On doit le suggérer d’où l’importance de respecter le rythme de chacun. Mais il est important d’être clair dans la direction que l’on veut atteindre. Notre but : être un acteur et un facilitateur de la révolution énergétique en Suisse.
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