En 2014, les termes de recherche les plus fréquemment tapés sur Google, en Suisse, étaient « WM 2014 », « iPhone 6 » et « Michael Schumacher ». Votre moteur de recherche Swisscows a démarré en juillet, en pleine coupe du monde – quel est le palmarès des recherches sur Swisscows ?
WM 2014, iPhone 6, Conchita Wurst.
Sur le site, vous précisez que Swisscows.ch n’est pas seulement un moteur de recherche mais aussi le premier moteur de réponse intelligent. Pouvez-vous nous l’expliquer ?
Dans les moteurs de recherche tels que Google ou Yahoo, le terme de recherche saisi est cherché dans l’index du moteur et renvoyé sans tenir compte du contexte. On obtient ainsi plusieurs milliers de documents. Mais ce système n’est pas viable étant donné le volume croissant d’informations. Pour Swisscows, nous avons donc opté pour la recherche sémantique : chaque terme est pour ainsi dire rattaché à un gros classeur contenant une multitude de mots-clés associés au terme recherché. À « WM » correspond WM 2014, Brésil, Messi, Blatter, mais aussi WM 2010, championnat du monde d’athlétisme ou Wachtmeister/WM (sergent). Swisscows les analyse, les regroupe et les affiche sous forme de pavés.
Je dispose donc non seulement de plusieurs pages de résultats mais aussi d’une représentation graphique illustrant les contextes possibles et permettant de limiter la recherche d’un seul clic ?
Exactement. En fin de compte, on parvient ainsi plus rapidement aux informations souhaitées. C’est pour cela que nous parlons d’un moteur de réponse.
Le lancement de la recherche sur le web a été suivi par d’autres fonctions additionnelles.
Nous avons lancé en second la rubrique « Annonce » pour les annonceurs, autrement dit la place où les sociétés peuvent commander des publicités. Le fonctionnement rappelle celui d’Adwords (Google) mais nous l’avons conçue nous-mêmes. Ont suivi la recherche d’images, celle de vidéos en novembre et de musique en décembre.
Avez-vous d’autres projets ?
Nous allons bientôt proposer un service de traduction puis un outil permettant de rechercher son et texte dans les vidéos. Troisième étape : un service permettant de résumer des textes, voire des livres entiers, en fixant soi-même une longueur définie.
Sur le site Internet, il est mentionné que Swisscows ne sauvegarde pas les données des utilisateurs : ni les adresses IP, ni les cookies de traçage, ni les termes de recherche. Absolument rien. Pourquoi ?
Cela fait 14 ans que je mets les gens en garde contre la surveillance. Ces données ne nous intéressent pas et nous ne voulons les partager avec personne. Même si notre département marketing a objecté que cette démarche nous faisait perdre des recettes immédiates, nous avons opté pour la sécurité des utilisateurs.
Qui me garantit que vous ne sauvegardez vraiment aucune donnée ?
À l’heure actuelle, il faut se contenter de la parole que je peux donner en tant que fondateur de Swisscows. Mais nous sommes en train de mettre en place, dans le domaine de la sécurité, un comité composé de personnes compétentes et dignes de confiance pouvant confirmer notre démarche.
Ce qui est d’autant plus nécessaire que les services secrets d’un pays européen vous ont acheté dans le passé une licence pour un logiciel de gestion de documents.
Oui, c’était en 2002 mais il s’agissait d’une autre de mes sociétés. Hulbee AG ne le fait pas.
Ce qui vous rapproche néanmoins des services secrets et de l’armée. L’on comprend que des doutes puissent apparaître quant à l’honnêteté – la vôtre et celle de Hulbee AG.
Il faut voir les choses autrement : c’est bien parce qu’à cette époque, j’ai vu ce qui se passait avec les services secrets que j’en ai conclu qu’il fallait absolument protéger l’utilisateur. Edward Snowden a lui aussi travaillé dans le système NSA et décidé un jour d’en sortir. Mon parcours a été similaire, même si je n’ai jamais été impliqué de la même manière.
Swisscows se targue de cumuler chaque mois 3,5 millions de pages vues (PI) et près de 800 000 visiteurs uniques (UU). Mais Swisscows n’est pas référencé dans NET-Metrix.
Parce que cela supposerait de placer des cookies et donc d’enregistrer une partie des informations de l’utilisateur.
Comment en arrivez-vous à ces chiffres ?
Notre serveur nous indique le nombre de requêtes effectuées et les termes de recherche saisis. Nous en sommes actuellement à 3,5 millions de demandes par mois et en déduisons qu’entre quatre et cinq sites sont consultés pour chaque recherche – comme sur Google. Il en résulte le nombre approximatif d’UU. Mais nous ne connaissons pas leurs adresses IP et ne savons ni d’où elles viennent, ni où elles vont.
Vous comptez donc les requêtes de recherche sans pouvoir faire certifier vos chiffres.
C’est cela. Et le nombre d’UU n’est qu’une estimation.
800 000 UU sont à peu près l’équivalent de l’audience de Bluewin ou Blick Online. Et les 3,5 millions de PI correspondent environ au nombre de pages consultées sur Ticketcorner.
Nous sommes très satisfaits de voir qu’en seulement six mois, Swisscows connaît un tel succès.
Parlez-nous de votre modèle commercial…
Il comprend l’option « Annonce » qui se trouve en bas sur le site. Une annonce placée ici coûte au moins CHF 150.- et fonctionne comme sur Google : si quelqu’un clique dessus, un franc est prélevé sur l’avoir.
Et vos recettes publicitaires ?
Elles augmentent lentement, et de grandes entreprises sont en train de nous tester. Cette phase d’essai devrait se terminer au second semestre. Comme Google, nous facturerons alors des prix variant en fonction du terme de recherche. L’emplacement de l’annonce dans le contexte « iPhone » coûtera alors plus cher que si elle est associée par exemple à une « pâquerette ». Mais en termes de prix, nous serons plus intéressants que Google.
Quand comptez-vous atteindre l’équilibre ?
C’est prévu pour la fin 2015. Et nous avons également, sur la page d’accueil, un pavé bannière réservé au branding et donc plus cher qu’une simple « annonce ».
Quel est le montant des investissements dans Swisscows ?
Quelques millions. Actuellement nous employons 54 personnes.
D’où vient le nom « Swisscows » ?
Nous voulions absolument un nom se référant à la suissitude. Pour plusieurs raisons : nous voulons mettre en valeur le fait d’être basés en Europe et non pas aux États-Unis par exemple. De plus, swiss symbolise la neutralité dans la cyberguerre actuelle. Enfin swiss est aussi synonyme de qualité. Pour la seconde partie du nom, j’ai cherché un terme incarnant la Suisse. Pour moi ce sont les vaches, plus que Rolex ou le fromage. Quand je regarde par la fenêtre de mon bureau, en Thurgovie, je vois souvent des troupeaux dans les prés. De plus, la vache est un animal paisible donnant un produit merveilleux. Swisscows est à son image : nous ne voulons ni attaquer, ni espionner qui que ce soit. Le seul but de notre produit est d’être utile.
Envisagez-vous une expansion ?
Nous sommes déjà présents en Allemagne et en Autriche où la demande est également forte. Et comme nous recevons beaucoup de requêtes de Grande-Bretagne et des États-Unis, nous allons y déployer nos activités en 2015 – sous le même nom. Les serveurs restent d’ailleurs en Suisse. Et nous développons notre offre, car ce que nous prouvons avec Swisscows sera proposé sous forme de produit aux entreprises – pour la recherche de leurs données internes. Nous avons déjà reçu un très grand nombre de demandes.
Swisscows est donc pour ainsi dire la vitrine d’Hulbee.
Exactement.
Qui est Andreas Wiebe ?
Né en 1974, Andreas Wiebe est un Allemand de Russie. Arrivé en 1989 outre-Rhin, il a fait des études d’électronique industrielle à Bonn. Il a fondé plusieurs sociétés dont les produits ont été récompensés par divers prix de l’innovation dans les TIC. En 2008, il a créé en Suisse la société Hulbee AG (développement de matériel et de logiciels).
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