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Total Audience 1.4 : Plafond atteint

Publiée par REMP et NET Metrix, l’étude Total Audience 1.4 est pour la première fois basée sur les chiffres actuels de Mach Basic 2015-1, ce qui permet une comparaison directe. Elle démontre que grâce aux offres en ligne, une grande partie des titres de presse pris en compte voit leur pénétration augmenter fortement, même si certains titres semblent néanmoins, pour la première fois, reperdre une part de cette nouvelle audience. La hausse semble surtout profiter aux titres travaillant à leur transformation.

Par rapport à Mach Basic 2015-1, Total Audience 1.4 permet de dégager six nouveaux enseignements majeurs :
a) Grâce aux internautes, l’audience des titres et groupes de titres référencés atteint dans le meilleur des cas 56%, la différence n’étant toutefois pas toujours significative.
b) Le nombre d’utilisateurs en ligne a des répercussions sur le classement des titres dans les régions linguistiques.
c) En dépit des lecteurs en ligne, l’audience globale est généralement en baisse.
d) Les pertes réalisées par la presse « papier » sont rarement compensées par les éditions numériques.
e) Pour la première fois, cinq titres enregistrent aussi une diminution de leur lectorat en ligne.
f) La structure des utilisateurs demeure fortement orientée vers les éditions papier, seuls quelques titres travaillant à leur transformation.

a) Une plus forte pénétration
Avec leurs offres numériques (site Internet, application, édition électronique) pour ordinateur, tablette et smartphone, les 30 titres et groupes de titres pris en compte sont lus par un nombre bien plus important de personnes que leurs seules versions imprimées. Handelszeitung se classe actuellement premier (diagramme D), 53 000 nouveaux lecteurs (ne consultant que l’offre en ligne) étant venus rejoindre ses 94 000 lecteurs hebdomadaires. Son audience globale est ainsi de 56% plus forte que celle de la version papier – une différence significative. Finanz und Wirtschaft fait tout aussi bien (+ 56%), suivi par le quotidien 20 minuti (+ 46%), Tribune de Genève (+ 42%) et, malgré la paywall instaurée en mars 2014, Tages-Anzeiger (+ 30%) (diagramme A). L’offre numérique du Matin (diagramme C) et de 20 Minuten (diagramme B) enregistre une augmentation de 28%, 20 minutes et le groupe Blick comptent 25% de lecteurs en plus et Newsnet national 22%. Mais l’augmentation de la pénétration n’est pas toujours significative et reste dans l’intervalle de confiance pour L’Hebdo, Femina, Tele, Corriere del Ticino et Kommbi Migros Magazin. Les chiffres restent par ailleurs dans le flou pour Beobachter, Bilan et Bilanz car les données « papier » concernent une parution bimensuelle alors que la consultation en ligne est comptabilisée sur un mois.

b) Classement modifié dans les régions linguistiques
L’exemple du Corriere illustre le bénéfice stratégique de la présence en ligne : alors que les 13 000 nouveaux lecteurs de l’édition en ligne ne représentent aucune augmentation significative par rapport à l’audience du journal imprimé, le titre profite ainsi, au Tessin, d’une pénétration globale de 48%, ses éditions numérique et imprimée étant lues par près de la moitié de la population tessinoise (diagramme E). Et il devance encore 20 minuti. Le Corriere est donc le quotidien suisse ayant la plus forte pénétration globale dans sa propre région linguistique.
Le groupe Blick profite lui aussi de son lectorat en ligne : il lui doit de se classer en tête du classement avec 47% de l’audience totale en Suisse alémanique, soit une avance de 5 points par rapport à 20 Minuten (Tamedia), bien que les éditions imprimées des deux marques médias aient pratiquement le même niveau avec respectivement 33 et 32% (diagramme F).
Le cas de 24 Heures est lui aussi intéressant (diagramme E) : si l’on se réfère à l’audience de sa version imprimée (5,2%), le titre se classe bon dernier des journaux de Romandie participant à l’étude. Mais en tenant compte de l’offre en ligne, on parvient toutefois à tripler sa pénétration globale (15%), ce qui permet à 24 Heures, en Suisse romande, de se hisser deuxième derrière 20 minutes.

Conclusion n° 1 : la nouvelle focalisation sur l’audience globale des marques de presse fournit à certains éditeurs de nouveaux arguments – dans le secteur intramédia comme intermédia. À titre d’exemple, les radios privées de Suisse romande, prises dans leur ensemble, sont écoutées chaque jour par 46% de la population, alors que 20 minutes (offre en ligne comprise) en atteint 44%.

c) Les offres en ligne n’empêchent pas la perte d’audience
Les diagrammes A, B, C, D sont évidents : en dépit de la fréquentation en ligne, la majorité des marques de presse a vu leur audience diminuer par rapport à l’année précédente. Seuls deux titres ont progressé de façon significative – 20 minuti et Saisonküche. À l’inverse, cinq titres et groupes de titres voient leur pénétration baisser fortement : le groupe Blick, Le Temps, Schweizer Illustrierte, Tele et Kommbi Migros Magazin (il est ici difficile d’évaluer correctement les chiffres pour Beobachter, Bilanz et Bilan). Le phénomène le plus surprenant est la forte perte essuyée par Le Temps, car sa version papier n’est pas affectée par une diminution significative de son lectorat, ce qui provoque une certaine perplexité chez Ringier dont le porte-parole Edi Estermann déclare : « Divers facteurs entrent en jeu, autant que la tendance générale à la diminution du lectorat de journaux imprimés »… sans pour autant préciser de quels facteurs il s’agit exactement. La raison expliquant cette forte perte n’en est pas moins évidente : l’embarrassante procédure d’appel d’offres lancée il y a un an pour Le Temps a porté préjudice au journal.

d) Les véritables compensations sont rares
Dans le communiqué accompagnant TA 1.4, la REMP précise que « les marques médias basées presse compensent généralement les pertes affectant le marché des journaux imprimés par les offres en ligne complémentaires, parvenant ainsi à stabiliser la pénétration de la marque ». Une déclaration sans doute un peu trop positive étant donné que les véritables compensations sont rares et ne concernent que Saisonküche et 20 Minuten, notamment leurs éditions germanophones. Selon Mach Basic 2015-1, elles perdent un nombre significatif de lecteurs « papier » mais réussissent à élargir leur pénétration globale. Des compensations également à la Tribune de Genève et au HandelsZeitung, apparemment aussi au Matin semaine. Dans ce dernier cas, il est toutefois impossible de procéder à une analyse explicite car les lecteurs de l’édition dominicale en ligne sont également comptabilisés en raison du portail commun avec Le Matin Dimanche.
On peut néanmoins en conclure, de façon générale, que les éditeurs perdant plus ou moins fortement des lecteurs « papier » ne peuvent généralement pas compenser cette baisse par les lecteurs de leurs éditions en ligne – ceux-ci peuvent à la rigueur en atténuer les effets.

e) Plusieurs titres perdent aussi des lecteurs en ligne
À chaque édition, les études TA précédentes avaient mis en évidence l’augmentation de la pénétration en ligne des marques médias basées presse. Les choses ont changé cette fois-ci : pour la première fois plusieurs titres, même sans paywall, perdent des utilisateurs en ligne : Tages-Anzeiger (paywall instaurée en mars 2014), Berner Zeitung/Bund, Neue Luzerner Zeitung, Basler Zeitung et Le Temps. Même s’il s’agit de reculs insignifiants, ils révèlent qu’un plafond a été atteint.

f) Versions « papier » : un abandon progressif
Si l’on compare la structure des utilisateurs de certaines marques médias d’une année sur l’autre, on constate que trois titres (Beobachter, Saisonküche et Bilanz) sont en pleine transformation. En effet ils ont pratiquement quadruplé leur lectorat en ligne en seulement douze mois ! Chez Saisonküche par exemple, la part d’internautes ne consultant que l’édition numérique a grimpé de 5 à 18%, le lectorat papier passant de 93 à 77%.
La situation est différente chez les quotidiens dont la structure des utilisateurs n’a pratiquement pas évolué. Le décalage les plus important revient à la Tribune de Genève dont le lectorat papier diminue de 6%, le nombre de personnes ne lisant que l’édition numérique ayant augmenté de 6%.

Conclusion n° 2 : même si les internautes peuvent partiellement amortir les pertes « presse », ils ne peuvent empêcher le « déclin » des produits d’édition. Et les titres hebdomadaires et mensuels ont eux aussi le plus grand mal à fidéliser leur lectorat en ligne, rares étant ceux qui réussissent à progresser. Et s’il arrivait qu’un nombre croissant d’internautes se détourne des marques médias basées presse, la lutte opposant les groupes médias quant à la répartition de l’audience devrait s’intensifier – et donc la concentration dans la filière. Il ne reste plus qu’à se demander où vont les internautes… sur des plateformes plus conviviales telles que Watson ou sur les sites de télévision en ligne ?

[ASIDE]

Entre TA 1.3 et TA 1.4, la cohérence n’est pas parfaite

L’étude Total Audience combine les données de Mach Basic (19 000 interviews en un an) avec celles de NET Metrix Profile (mesures effectuées pendant 3 mois). Mais alors que TA 1.3 se base sur Mach Basic 2013-2 (enquête effectuée entre avril 2012 et mars 2013) et NET Metrix Profile 2013-2 (données mesurées d’avril à juin 2013), TA 1.4 est décalée puisqu’elle s’appuie sur Mach Basic 2015-1 (enquête effectuée entre octobre 2013 et septembre 2014) et sur NET Metrix Profile 2014-2 (données mesurées entre avril et juin 2014). Autrement dit, l’écart entre TA 1.4 et TA 1.3 est de 9 mois pour les données « presse en ligne » mais seulement de 6 mois pour les données « presse imprimée ». Avantage de ce décalage : TA 1.4 est plus actuelle.[/ASIDE]

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