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Harro sur le « distraction Control » d’Apple sur iOS 18

L’association Alliance Digitale ainsi que  des représentants de divers secteurs liés à la publicité et aux médias ont envoyé une pétition à Apple. Ce courrier fait suite à des rumeurs concernant l’introduction d’une nouvelle fonctionnalité dans le navigateur Safari, baptisée « Distraction Control« , qui permettrait de masquer des éléments de pages web, tels que du contenu éditorial, des publicités, ou des plateformes de gestion du consentement.

Pour contextualiser cette mise en garde, il faut se rappeler qu’en mai 2024, les représentants de 800 entreprises du secteur de la publicité, des médias et des technologies numériques avaient initialement écrit à Apple à propos de la potentielle fonctionnalité « Web Eraser » dans Safari, qui soulevait des inquiétudes en matière de manipulation de l’information en ligne et de conformité aux réglementations européennes sur la protection des données.

En août 2024, une fonctionnalité en cours de test, « Distraction Control », a été découverte dans Safari, permettant de masquer divers contenus web. Cette fonctionnalité est perçue comme un risque, car elle pourrait faciliter la manipulation de l’information, compromettre les modèles économiques des éditeurs (en particulier ceux qui dépendent de la publicité) et nuire à la transparence des plateformes de gestion du consentement nécessaires à la conformité au RGPD (Règlement général sur la protection des données).

Les tests réalisés ont confirmé les craintes que cette fonctionnalité puisse masquer non seulement les publicités, mais aussi les éléments essentiels des sites, comme les formulaires de consentement, compromettant ainsi les obligations légales de conformité. Pour les secteurs concernés, cela représente un risque sérieux pour l’économie de l’Internet, qui repose en grande partie sur la publicité et les données.

Safari, en tant que navigateur largement utilisé, a été désigné comme un « Service de Plateforme Essentiel » sous la loi européenne sur les marchés numériques (DMA), ce qui soumet Apple à des exigences spécifiques en termes de transparence et de pratiques équitables. Raison pour laquelle, les signataires de la lettre demandent à Apple de suspendre le déploiement de cette fonctionnalité jusqu’à ce que des clarifications soient fournies sur ses capacités et ses impacts potentiels. Ils cherchent également à obtenir la documentation technique relative à « Distraction Control » pour s’assurer que la fonctionnalité respecte les lois européennes en matière de protection des consommateurs, de la presse et des droits de propriété intellectuelle.

Quel est l’intérêt d’Apple de limiter la publicité ?
Il est primordial de rappeler qu’Apple n’est n’est pas uniquement un moteur de recherche et encore moins un réseau social. Il s’agit avant-tout d’un fournisseur de hardware qui a développé son propre moteur de recherche.

Apple a depuis longtemps positionné la protection de la vie privée comme un argument de vente clé. En permettant aux utilisateurs de masquer certains contenus sur le web, Apple pourrait renforcer la perception de Safari comme un navigateur axé sur la confidentialité, offrant un contrôle accru sur les distractions en ligne. Cette démarche s’inscrit dans la continuité d’autres initiatives d’Apple, telles que le blocage des cookies tiers et le suivi publicitaire, visant à limiter la collecte de données personnelles par les annonceurs.

En introduisant des fonctionnalités qui améliorent l’expérience utilisateur et réduisent les distractions en ligne (comme les publicités invasives ou les bannières de consentement), Apple peut différencier Safari de ses concurrents (comme Chrome ou Firefox). Cette différenciation pourrait séduire les utilisateurs soucieux de limiter leur exposition aux contenus publicitaires et aux distractions numériques, en renforçant la fidélité à l’écosystème Apple. Les utilisateurs qui apprécient ces nouvelles fonctionnalités pourraient être incités à rester dans l’écosystème Apple (macOS, iOS, iPadOS), ce qui favorise les ventes de matériel et les abonnements aux services d’Apple.

Ainsi, en facilitant le masquage des publicités et des bannières de consentement, Apple pourrait indirectement exercer une pression sur le modèle économique basé sur la publicité en ligne, qui repose largement sur la collecte de données et le ciblage publicitaire. Cela pourrait encourager les éditeurs et les annonceurs à adopter des pratiques plus respectueuses de la vie privée ou à rechercher d’autres sources de revenus, comme les abonnements ou les services payants. N’oublions pas que la fin des cookies tiers est programmée… même si Google semble revenir sur ses promesses.

En limitant l’affichage de certains éléments de sites web, Apple pourrait également chercher à simplifier la conformité avec des réglementations de plus en plus strictes, comme le RGPD en Europe. En masquant les interfaces compliquées des plateformes de consentement (CMP), Apple pourrait permettre aux utilisateurs de naviguer plus facilement, bien que cela puisse compromettre les obligations de transparence des sites web.

Au final, en rendant plus difficile le suivi des utilisateurs et la mesure de l’efficacité publicitaire sur Safari, Apple pourrait affaiblir les principaux acteurs du secteur de la publicité en ligne, comme Google ou Facebook, dont les revenus dépendent largement de la publicité ciblée. Cela pourrait indirectement avantager Apple si l’entreprise cherche à renforcer sa propre offre de publicité basée sur le respect de la vie privée.

Victoria Marchand

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