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ANALYSE COMINMAG : L’affichage est-il devenu un enjeux politique ? Pourquoi ?

Inutile de vous rappeler que le 12 mars, les habitants de Genève-Ville devront se prononcer sur l’avenir de l’affichage commercial sur cette commune. L’initiative dite « Genève zéro pub » vise à d’interdire tout message commercial sur le domaine public gérés par la ville. Propriétaire du mobilier urbain, la Municipalité ne va pas enlever les panneaux (qui sont sa propriété) elle les gèrera elle-même et les réservera à des événements culturels ou à des messages de prévention. L’affichage politique n’est pas concerné par cette initiative.

Pourquoi ce média est-il sujet à de telles attaques ?
En terme d’achat d’espace, ce média n’a jamais dépassé les 10% des investissements publicitaires dans notre pays. On ne peut par conséquent affirmer qu’il a envahi l’espace public, surtout après les deux années de Covid où il est celui qui a le plus souffert des confinements. Car en tant que derniers mass média, c’est au public a entré en contact avec ces messages et non l’inverse comme c’est le cas sur le web. « C’est le cinéma des rues, résume Gérald Le Meur, le spécialiste média également fondateur de l’agence Oddity Swiss. Il permet autant des opérations produits que des campagnes image. »

Un support centenaire qui a tout de même su évoluer grâce aux transports publics avec l’affichage de messages sur les véhicules et à l’intérieur via l’installation d’écrans permettant de diffuser des vidéos publicitaires. La digitalisation est venue avec le DOOH -Digital Out Of Home- des écrans permettant une diffusion de boucles publicitaires programmées à distance. Des plages de plus en plus contextualisées grâce à la gestion programmatique des campagnes.

Des développements qui ont permis de pérenniser ce média puisque la baisse des emplacements analogiques a été remplacée par des écrans.

Mais alors pourquoi le public a-t-il l’impression qu’il y a plus d’affiches ?
« L’affichage est un média qui dépend de concessions publiques, informe Gérald Le Meur. Au départ, les municipalités ou les cantons mandataient une société. Celle-ci définissait les emplacements sur ce territoire de manière homogène. Tout a commencé à changer lorsque les pouvoirs publics ont divisé leur domaine public en plusieurs lots pour augmenter les revenus.  A charge pour les régies concessionnaires de répartir les emplacements en fonction de leur zone et plus de l’ensemble. » Mais il serait erroné de croire que le nombre de surface a explosé pour autant. Avec le développement du DOOH la règle du « less is more » s’est imposée partout. L’affichage n’est pas le seul média et face au web, les régies ont dû améliorer le ROI de leurs surfaces. Résultat, seuls les emplacements a fort impact ont été gardés. Ces efforts de rationalisation ont portés leurs fruits puisque les affiches sont tellement vues par le public que certains estiment qu’il y en a plus alors que c’est l’inverse.

Qu’est-ce qu’une affiche commerciale ?
Cette question est fondamentale. S’agit-il d’une affiche pour le compte d’une marque induisant un acte d’achat ou d’une surface vendue au prix fixé par le réseau d’affichage en charge de la commercialisation ? Si l’on sait que 300 affiches dites commerciales financent les 2700 affiches culturelles en Ville de Genève, on comprend que cette segmentation est fondamentale. Car les millions de recettes que cette initiative fera perdre à la Municipalité (10 selon Neo Advertising et 4 selon les initiants) auront fatalement une répercussion sur affiches dites culturelles fortement subventionnées. C’est ce qu’on appelle l’effet du percolateur. Qui en souffrira le plus ? Les grands annonceurs qui peuvent s’offrir de l’achat média plus cher ou les milieux culturels locaux ?

Une question idéologique…
« L’idéologie est inaccessible à la rationalité », analyse l’écrivain politologue François Cherix. Pour les initiants la question de l’équilibre budgétaire de l’Etat passe en second plan face à l’urgence écologique. Et comme la décroissance implique une baisse de la consommation, la publicité est le messager à abattre. Un message qui résonne fortement auprès des jeunes générations et qui pousse certains partis à s’emparer de ce combat. »

Si les convaincu le resteront, comment réagira la masse des électeurs ? « Le danger avec ce type de débat c’est qu’on ne perçoit pas ce que l’on peut perdre ? » En effet, la promesse de « zéro pub » ne sera jamais tenue car les messages commerciaux continueront à être visibles sur les transports publics, les gares et les centres commerciaux. Pour les Genevois, la bataille semble donc sans véritable enjeux. » A part pour les agences de publicité et les graphistes.

« Il manque une étude qui nous montrerait l’attachement du public à ce support, conclut Gérald Le Meur. Je ne peux croire que les citoyens souhaitent que la rue devienne un espace de communication dévolu au seul l’Etat comme c’était le cas dans les pays à l’économie dirigée. L’opposition entre publicité et message de prévention est problématique. »

L’autre souci avec le vote de Genève est la contagion à d’autres communes-villes roses-vertes. De quoi imaginer que dans un avenir proche, les emplacements d’affichage se déplacent vers les communes périphériques où des populations plus aisées vivent. Ce qui ne ferait que paupériser les villes qui réunissent de plus en plus les citoyens les plus fragiles.

Victoria Marchand

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