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#CHRONIQUE : Comment réduire les retours lors des achats en ligne?

Chronique rédigée par Dr Philipp Spreer, Managing Partner chez elaboratum et auteur de la plus grande étude mondiale sur les retours, « Die Psychologie der Retoure »

Chaque jour, des millions de colis sont renvoyés par le commerce en ligne. Cela représente une charge considérable pour l’environnement et l’économie. À l’approche de la Black Week, pendant laquelle le commerce en ligne enregistre chaque année des pics de chiffre d’affaires et en même temps de retours, la question de savoir comment réduire ces retours est davantage mise en avant. Lors de l’émission « 10 vor 10 » sur la SRF, le Dr Philipp Spreer, économiste comportemental et Managing Partner chez elaboratum, société de conseil numérique, a analysé le comportement des consommateurs*. Dans son article, il explique quelles mesures ciblées peuvent les inciter à agir de manière plus écologique.

Les chiffres des retours dans le commerce en ligne sont plus qu’alarmants, même si les données à ce sujet varient considérablement selon les sources et les secteurs. Chez les membres B2C de l’Association suisse du commerce, par exemple, le taux de retour était de 23,1 % en 2022. C’est en particulier dans les catégories de produits vêtements et accessoires que ce taux atteint son maximum, avec une moyenne de 20 %, et peut même grimper jusqu’à 60 % dans certains cas, comme le montre une étude de la HSLU & Post (2022). Il est intéressant de noter que le baromètre des cyberacheteurs du service de livraison de colis DPD prévoit un taux de retour encore plus élevé de 27 % pour la Suisse (DPD, 2022). C’est surtout pendant la Black Week, lorsque les consommateurs* font de bonnes affaires, que les taux de retour augmentent de manière spectaculaire. Les coûts liés aux nombreux retours sont en tout cas élevés : selon la HSLU et la Poste, les coûts de processus moyens par retour s’élèvent à environ 20 CHF. La pandémie de coronavirus et le boom du commerce électronique qui l’a accompagnée ont considérablement aggravé le problème. Parallèlement, l’impact écologique des nombreux retours a également attiré encore plus l’attention du public.

Interdire le commerce en ligne pour des raisons écologiques ?
La Black Week, symbole de la frénésie de consommation, met particulièrement en lumière les défis écologiques du commerce en ligne. Il est clair qu’il est urgent d’agir. Mais cela ne passe pas par une interdiction du commerce en ligne. En effet, le commerce stationnaire ne fonctionne pas non plus sans émissions, loin s’en faut. En fait, il s’avère que le shopping en ligne peut être plus écologique si les clients devaient parcourir plus de deux kilomètres en voiture pour effectuer leurs achats en magasin. La clé d’un avenir vert pour le commerce en ligne ne réside donc pas dans sa suppression, mais dans la réduction des retours. S’il y parvient, il pourrait se positionner comme l’option d’achat la plus respectueuse de l’environnement.

Les retours comme facteur concurrentiel
Les retours n’ont pas seulement un impact en termes d’émissions, ils représentent également un facteur de coût massif pour les commerçants. De grands acteurs comme Zalando ont toutefois transformé ce dilemme en un véritable avantage concurrentiel. Grâce à des systèmes efficaces et automatisés et à un volume élevé de retours, ils sont en position de force pour négocier avec les entreprises de traitement. Alors que Zalando n’envisage pas de renoncer à cet avantage en introduisant des frais de retour, des marques comme Zara ou Uniqlo suivent une autre voie. En tant que verticales disposant de leur propre chaîne de distribution, elles misent sur les frais de retour, car elles ne risquent ainsi pas de se tourner vers d’autres fournisseurs*. Ils peuvent ainsi obtenir une réduction des coûts et un allègement pour l’environnement. L’idée des « retours gratuits en magasin » pourrait en outre contribuer à revitaliser le commerce stationnaire. On pourrait également imaginer des frais de retour qui ne seraient valables que pendant la Black Week.

Les frais de retour sont souvent inférieurs aux frais d’expédition réels, ce qui donne aux acheteurs* le sentiment de partager équitablement les coûts avec le fournisseur. Mais le plus important n’est pas le prix du retour en soi, mais le fait qu’il coûte quelque chose. Un coup d’œil en Suisse montre que lorsque les sacs en plastique ont soudain été facturés 5 centimes, leur consommation a chuté de 80 %, ce qui est impressionnant. C’est ce que la psychologie comportementale appelle le « Zero Price Effect » : si quelque chose est gratuit, il est apprécié et suscite des envies ; s’il coûte quelque chose – même si c’est peu – on y renonce plutôt. Pour les retours, cela pourrait signifier : Une taxe de trois euros pourrait potentiellement empêcher 15 % des retours – un levier énorme.

Prévention des pertes
Outre l' »effet prix zéro », un autre aspect intéressant apparaît : en réalité, les retours n’ont jamais vraiment été gratuits. Les frais occasionnés ne sont simplement pas présentés de manière transparente, mais sont facturés de manière opaque dans les prix finaux, de sorte que tous les clients* en paient finalement le prix. Il est intéressant de noter que les consommateurs* acceptent souvent plus facilement un prix total de 12 € qu’un prix de base de 10 € plus des frais de livraison supplémentaires de 2 €. Cela s’explique par le fait que les gens veulent généralement éviter les pertes.

Intention-Action-Gap
Les retours dans le commerce en ligne restent un défi permanent malgré des efforts intensifs, notamment dans le domaine de l’information sur les produits. En effet, 80 % des commerçants en ligne suisses* ont déjà amélioré leurs informations sur les produits afin de minimiser les retours. Malgré cela, la réalisation de ces mesures ne semble pas être suffisante. On constate un décalage entre la conscience écologique, en particulier chez les jeunes consommateurs* suisses, et les actions effectives dans le commerce électronique. Ce problème est particulièrement visible pendant la Black Week, car l’écart entre le désir de consommer de manière durable et le comportement d’achat effectif ne pourrait pas être plus grand à ce moment-là. Alors que de nombreux commerçants en ligne se concentrent sur les informations relatives aux produits, d’autres facteurs tels que la motivation intrinsèque pour un comportement durable sont largement ignorés. La conception comportementale, par exemple les stratégies de nudging qui encouragent les consommateurs à traduire leurs bonnes intentions en actions réelles, permettrait de réduire ces écarts. Il est remarquable que seuls 9 % des commerçants en ligne suisses* utilisent actuellement de telles stratégies, ce qui indique un potentiel considérable d’améliorations futures.

4 % à 20 % des retours pourraient être évités
Chez elaboratum, des résultats passionnants ont été mis en lumière par une expérience empirique menée en collaboration avec behamics et la Haute école de Saint-Gall : Il s’est avéré qu’en adoptant les bonnes approches psychologiques, il était possible d’éviter entre 4 % et 20 % des retours. Au total, elaboratum a identifié près de 60 points de départ susceptibles d’influencer le taux de retour – tout au long du processus d’achat, en passant par les processus internes et jusqu’au choix de la méthode de paiement. L’éducation est également un point passionnant : si les clients* sont informés par exemple de l’empreinte écologique d’un produit, cela peut influencer leur décision d’achat. Étant donné que les gens prennent leurs décisions à 95 % de manière intuitive et non rationnelle, les commerçants* ont une responsabilité particulière à cet égard. Ils peuvent optimiser leurs boutiques de manière à inciter les clients à adopter un comportement plus durable – et ce, sans aucune contrainte ni désavantage financier.

Victoria Marchand

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