Tendances

#Chronique : Du Bic au QWERTY: peut-on gommer l’écriture cursive?

À l’heure où l’emoji remplace les mots, l’écriture électronique gagne elle aussi du terrain dans les écoles. Avec dans certains cas un abandon de l’écriture cursive obligatoire. Si certains y voient un progrès certain – gain de temps, réduction des confusions et nouvelles interactions en classe; d’autres redoutent la perte d’acquis clés apportés par celle-ci – motricité fine et apprentissage favorisé de la lecture.

Au gré de ses évolutions, elle a toujours su conserver le charme des pleins et déliés. L’écriture cursive a vu passer des évolutions: du calame au stylo-bille, du chiffon au papier buvard, de l’encre indélébile à l’encre effaçable, du papier Bristol à la tablette Wacom.

Du grand pas aux premiers pas
Qui ne se souvient pas de ses premiers pas en écriture? De ses cahiers noircis d’abord par des lettres puis par des mots, recopiés scrupuleusement entre deux lignes parallèles? Un acte qui fait entrer l’enfant dans le rang des lettrés, ceux qui savent. Un acte qui a vu, depuis son apparition il y a plus de trois millénaires entre le Tigre et l’Euphrate, des générations se battre pour y avoir accès. Un acte qui n’est toujours pas un acquis dans toutes les parties du globe. Et si cet apprentissage hautement symbolique venait à disparaître? Et si les lettres attachées dessinées au crayon HB2 faisaient place aux lettres bâtons pilotées par claviers QWERTY?

Les claviers
D’abord, il y a eu un ordinateur au fond de la classe. Puis deux, puis trois. Ils se sont multipliés, s’immisçant dans les scénarios pédagogiques. Aujourd’hui, certaines classes voient chaque élève doté d’un clavier. Cette tendance a été initiée dans d’autres coins du globe. Ainsi, en 2014, une quarantaine d’États du pays de l’Oncle Sam ont stoppé l’écriture cursive obligatoire à l’école, au profit du clavier, dans certains états dès la maternelle. La Finlande a suivi le mouvement en 2016, et la tendance s’étend peu à peu jusqu’à nos contrées.

Ce que ça amène de positif
Il ne faut pas se mentir: les jeunes adultes écrivent de moins en moins à la main, perdant même parfois une dextérité durement acquise. Omniprésente, l’écriture électronique se décline sur le smartphone, l’ordinateur ou la borne publique, et permet un gain de temps tout en réduisant le matériel nécessaire à la rédaction: plus besoin de plumiers ni de carnet.

Les claviers ouvrent la voie de la numérisation de l’écriture, avec son champ d’applications technologiques qui révolutionnent les interactions dans les classes. Le numérique amène également un gain de temps, aussi bien sûr l’apprentissage de l’écriture que sur le temps passé à écrire. On prête aussi d’autre atouts à l’écriture numérique, comme la diminution du risque d’erreur dans les évaluations; les écritures hétéroclites se standardisent, rendant le déchiffrage moins fastidieux.

Ce qu’on y perd
Si certains voient dans l’écriture liée un côté désuet, d’autres la plébiscitent. Pour l’émotion de recevoir une lettre manuscrite, au rendu sensoriel plus intime. Ou encore pour l’esthétique. L’écriture cursive étant encore bien représentée et très prisée dans le graphic design contemporain.

Quant aux neuroscientifiques, ils vantent les vertus de l’écrit manuel pour l’acquisition de la motricité fine chez l’enfant. Comme l’indique le chercheur de l’université de Genève Edouard Gentaz, cet apprentissage complexe mobilise à la fois des capacités sensorielles (sentir le stylo et la feuille), motrices (utiliser ses doigts), et cognitives (diriger le mouvement par la pensée); tout en favorisant l’apprentissage de la lecture, le tracé des lettres à la main améliorant sensiblement la reconnaissance des lettres, car avons une ‘mémoire du corps’.

Et après ?
Les claviers ont finalement peu changé depuis les premières machines à écrites commercialisées il y a près de 150 ans. Mais aujourd’hui tout s’accélère et les supports deviennent de plus en plus mobiles et portatifs. On voit également se développer de nouvelles façons d’encoder des mots dans les machines: par la réalité augmentée ou virtuelle, la reconnaissance vocale ou par des logiciels de dactylographie prédictive. Opter pour le clavier est-il parier sur le bon cheval?

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