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Quand le principe de subsidiarité met en danger l’offre médiatique : le cas de Radio Liechtenstein

Le Liechtenstein s’apprête à vivre une transformation inédite dans son paysage médiatique. Suite à un référendum organisé en octobre 2024, les citoyens ont décidé à 55,4 % de mettre fin au financement public de Radio Liechtenstein, seule radio publique du pays. Une décision lourde de conséquences, qui remet en cause non seulement l’existence de ce média, mais aussi la manière dont un service public se justifie face à ses équivalents privés.

Ce vote, initié par le parti d’opposition « Demokraten pro Liechtenstein » (DpL), s’appuie sur une critique bien connue : celle d’un média public accusé de monopoliser les fonds alloués au secteur médiatique (plus de 70 %), au détriment de la diversité et de la concurrence. Le DpL plaidait pour une privatisation de la radio, estimant qu’un tel service pouvait — et devait — être repris par le marché.

Le principe de subsidiarité face à la réalité du marché
Mais ce raisonnement heurte de plein fouet le principe de subsidiarité, pilier des systèmes politiques fédéraux et décentralisés, notamment en Suisse ou dans l’Union européenne. Ce principe stipule que l’intervention d’un échelon supérieur — en l’occurrence l’État — ne se justifie que si le niveau inférieur (le marché ou les acteurs privés) ne peut pas répondre efficacement à un besoin d’intérêt général. Appliqué aux médias, cela signifie que l’existence d’un service public se justifie quand les médias privés ne sont pas en mesure de garantir des missions telles que l’information de proximité, la cohésion nationale, la pluralité des opinions ou encore l’accès à des contenus culturels ou éducatifs.

Dans le cas du Liechtenstein, la question était donc simple : un acteur privé pourrait-il assurer la mission remplie jusqu’ici par Radio Liechtenstein ? La réponse, selon le gouvernement lui-même, est incertaine. Le pays, avec ses 39 000 habitants et un marché publicitaire extrêmement restreint, ne représente pas un terrain propice au développement d’un média privé capable de couvrir l’ensemble des fonctions d’une radio publique : information nationale, couverture parlementaire, émissions culturelles, etc. Sans subvention, Radio Liechtenstein pourrait être contrainte de fermer ses portes fin 2025, faute de modèle économique viable.

La défense des services publics est que jamais nécessaire
Ce cas met en lumière un dilemme de plus en plus fréquent en Europe : faut-il continuer à financer des médias publics dans des contextes où les médias privés, numériques et globaux, occupent une place toujours plus dominante ? Ou faut-il au contraire défendre une logique de subsidiarité, qui reconnaît la valeur spécifique d’un service public non pas dans sa rentabilité, mais dans son utilité sociale et démocratique ?

Au-delà de la situation du Liechtenstein, ce débat résonne avec les discussions actuelles autour des modèles de financement de la RTS en Suisse, de France Télévisions ou encore de la BBC au Royaume-Uni. Partout, les mêmes lignes de fracture apparaissent : d’un côté, les défenseurs d’un service public garant de la diversité et de la qualité de l’information ; de l’autre, ceux qui prônent une réduction des dépenses publiques et une mise en concurrence systématique.

La disparition de Radio Liechtenstein n’est pas un simple fait divers médiatique, mais bien un signal. Le marché ne peut reprendre l’intégralité du mandat des services publics et croire que le secteur privé, lui aussi attaqué par la perte des revenus publicitaires, pourra jouer le même rôle est une illusion. Et on ne peut plus se permettre de perdre les uns comme les autres.

 

Victoria Marchand

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