2009, an neuf ?
Combien ont joué, pour leurs voeux, sur cette petite note d’espoir numérologique que représente le neuf du millésime. 2009, an neuf? Suffira-t-il de monsieur Yes, we can? C’est vrai que rien que de voir cette souriante famille noire remplacer la dramatique dynastie Bush, ça vous donne du baume au cœur. Comme si un joli feuilleton remplaçait un de ces stupides vieux films de vengeance avec Charles Bronson un dimanche soir à la télé. Sauf que là c’est dans un réel pas très en forme que Barack Obama débarque, et pas seulement sur nos écrans. Un réel qui a plutôt l’air de ressasser de vieilles rengaines «pouraves»!
Ainsi, le monde de la finance a trop joué avec la roulette russe, et le reste du monde réalise peu à peu qu’il lui est beaucoup plus intimement lié qu’il ne l’imaginait. L’Etat, c’est nous, mais la banque aussi… Sauf qu’on n’y a pas le droit de vote.
En 2005, Gianni Motti était venu à Art Basel avec une installation baptisée Broker. Un jeune homme en costume cravate était assis à même le sol derrière des barreaux d’acier fixés au mur. Un broker enfermé dans ses certitudes? Dans son système? A moins que l’artiste italien de Genève ait prévu l’affaire Madoff… Mais le problème, quand on met ces gens derrière les barreaux, et on a bien du mal à les y mettre, c’est qu’on n’a encore qu’une vague idée des conséquences de leurs méfaits.
Peut-être faudrait-il demander à Gianni Motti et aux artistes en général ¬quelques idées pour repenser le système? Parce que eux, le pas de côté, la distance, les questions, c’est un peu leur spécialité. Alors que, le plus sidérant, depuis le début de la crise, c’est que le mot d’ordre pour y échapper, repris par les politiciens comme par les économistes, n’est pas très original; c’est simplement « consommation ». On a vidé vos comptes en banque, mais si vous ne voulez pas que ce soit pire encore, achetez tout ce que vous pouvez…
Pas très originale non plus, mais encore combien plus douloureuse, la guerre. De 2008 à 2009, elle était là, avec ses enfants morts. J’ai vu les images du téléjournal israélien où le journaliste est en conversation téléphonique avec un médecin palestinien. Les deux hommes se connaissent. Le chirurgien témoigne régulièrement, en hébreu, de ce qui se passe à Gaza. Mais cette fois, il hurle le nom d’Allah dans un flot de larmes. Les bombes viennent de tuer trois de ses petites filles. J’ai repensé alors aux images du cinéaste israélien Avi Mograbi dans Pour un seul de mes deux yeux. Dans ce documentaire, présent à Cannes en 2005, on le voit beaucoup au téléphone dans son atelier. Au bout du fil, dans les territoires occupés, un ami palestinien qui n’en peut plus des humiliations quotidiennes que lui fait subir l’armée israélienne. Avi Mograbi montre aussi l’importance, dans l’éducation de ses compatriotes, du mythe de Samson, héros d’un attentat-suicide contre les Philistins, et de celui des habitants de Massada qui se sont suicidés plutôt que de se rendre vivants aux Romains. «Chaque adolescent va une fois avec sa classe à Massada. On idéalise ces gens alors qu’ils ont tout de même tué leurs enfants. Je ne peux pas m’identifier à cela», nous expliquait-il lors de son passage à Visions du réel, à Nyon. Son film voulait questionner un pays qui ne s’étonne pas d’avoir de tels héros alors qu’il est lui-même violenté par des attentats-suicides. Se questionner sur ses modèles, sur la vision qu’on a des autres aussi? Un travail trop en marge sans doute.