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ESH Médias Open Source : Intelligence artificielle… il est minuit moins cinq

A la question « quelle est la technologie qui va changer le monde », la réponse ne fait guère de doute : l’intelligence artificielle. Y sommes-nous préparés ? Certainement pas (encore).

Indolents et nonchalants, réveillez-vous ! Vous qui somnolez dans une douce torpeur, smartphone à la main, bercés par l’illusion d’avoir le monde à portée de clavier, le réveil va bientôt sonner. A la question de savoir quelle technologie est aujourd’hui susceptible de changer le monde, je n’ai certainement pas regardé mon téléphone « intelligent » pour y répondre. Car il fait (déjà) partie du passé, intégré dans cette digitalisation qui a gagné tous les pans de la société et de l’économie. De nos jours, on parle certes de l’Internet des objets, de la réalité augmentée, de la 5G ou encore des solutions d’avenir que représente la Blockchain. Mais aucune de ces technologies n’a le potentiel de « changer le monde ». L’intelligence artificielle l’a. Dans les dix à quinze années à venir, cette technologie va progressivement imposer ses nouvelles règles et bouleverser notre quotidien. Autant s’y préparer et laisser sonner le réveil !

La « destruction créatrice »
Cette réflexion en entrainant une autre, le modèle économique exposé par Joseph Schumpeter (1883-1950) dans Le cycle des affaires en 1939 m’est venu à l’esprit. Pour cet économiste d’origine autrichienne, l’alternance inéluctable des phases de croissance et de décroissance que connaissent nos économises est essentiellement due à l’innovation qui découle des progrès techniques et scientifiques. En d’autres termes, toute innovation majeure, qui est souvent une innovation de rupture, en entraine d’autres qui engendrent un cercle vertueux créateur d’emplois et de nouvelles opportunités d’affaires. Mais si l’innovation est source de croissance, elle est également facteur de crise, dans la mesure où elle pénalise les entreprises comme les individus incapables de s’adapter aux nouvelles règles du jeu. D’où le concept de « destruction créatrice » cher à Schumpeter, selon lequel les crises sont non seulement inhérentes au système capitaliste mais salutaires et nécessaires au progrès économique.

Ne nous trouvons-nous pas à cet instant charnière ? A un moment où l’ère du tout numérique est à ce point établie qu’elle a déjà instauré une « hygiène » de vie où il n’est plus question de faire l’apprentissage de la connaissance mais de trier dans le savoir universel à portée d’écran miniature. Un moment où le consommateur effréné que nous sommes est habitué à disposer de tout dans l’instant ; où l’on se contente de surfer sur la surface des choses sans prendre le temps de creuser, de s’informer ; où l’on s’est laissé endormir dans une immédiateté qui bannit l’effort. Or la nouvelle vague qui prend forme à mesure que l’intelligence artificielle se répand risque bien de perturber durablement ces us et coutumes. Y sommes-nous préparés ? Technologie de rupture, l’intelligence artificielle va demander d’autres capacités d’adaptation que celle du « laisser faire », comme on a pu s’en rendre compte avec l’« affaire » Cambridge Analytica. Cette société britannique, à la pointe en matière d’intelligence artificielle, a réussi à influencer les élections américaines de 2016 et la votation sur le Brexit en utilisant les données personnelles de millions d’utilisateurs Facebook pour « calibrer » ses messages publicitaires. Une manipulation de l’information qui a évidemment fait scandale une fois découverte mais qui démontre bien le changement d’attitude nécessaire dans notre futur quotidien.

Sommes-nous de plus en plus intelligents ?
A n’en pas douter l’intelligence artificielle va apporter les bouleversements majeurs qu’elle promet. Les applications sont d’ailleurs infinies puisque, par définition, une machine « intelligente » peut être mise à contribution dans n’importe quel domaine d’activités avec des conséquences majeures. Prenons l’exemple du transport avec les voitures autonomes. A l’état de prototypes aujourd’hui, elles auront envahi l’espace public d’ici une quinzaine d’années. Avec ce nouveau type de véhicules, il ne sera plus nécessaire d’en avoir la propriété et donc plus besoin de parking. Plus besoin de feux de circulation et de police de la route. Plus besoin de taxis, d’ateliers de mécanique ou de stations-service proches de chez vous. Les constructeurs automobiles vont perdre leur hégémonie au profit des compagnies High-Tech et les juges des infractions une partie de leur travail. Les circuits automobiles, en revanche, verront affluer les conducteurs en panne de sensations fortes. Inutile de prolonger la liste pour comprendre que l’intelligence artificielle sera une véritable révolution. Et cette révolution va immanquablement impacter le monde des médias.

L’intelligence artificielle est d’ailleurs déjà à l’œuvre, chez Bloomberg notamment, pour vulgariser des rapports financiers complexes ou au sein de l’agence Associated Press, qui a pu décupler ses communiqués d’entreprise en utilisant des machines pour les écrire. Retranscriptions d’interview audio ou vidéo, recommandations d’articles, outils de veille sur les réseaux sociaux, détections de vidéos truquées sont autant d’outils « intelligents » déjà utilisés dans les entreprises médias. Et ce n’est qu’un début. Technologiquement parlant, l’intelligence artificielle est une lame de fond et en tant que telle, elle va nous forcer à aller plus loin. Pour les titres du groupe ESH Médias, professionnels de la presse, elle va certainement se révéler d’une aide précieuse pour organiser, gérer et traiter l’information. Mais en parallèle, elle va également nous demander d’aller plus au fond des choses, d’enquêter, de décrypter, de faire des parallèles, de traiter l’imprévu, en un mot de rester fidèle à l’ADN de la presse qui est, in fine, de livrer une information authentique et de qualité. Alors si les machines deviennent de plus en plus intelligentes, pouvons-nous en dire autant de nous-mêmes ? Nous sommes la somme de nos habitudes, disait le philosophe. Peut-être est-il temps d’en changer ?

Par Thomas Deillon

 

Victoria Marchand

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