Journalisme 3.0
En cette période de mouvement de fond dans la presse écrite suisse, le rôle réel du journaliste de demain n’est pas qu’une question de forme dans un monde où tous deviennent producteurs de contenus et où l’accès au « top stories » s’impose comme gratuit autant qu’immédiat.
Les professionnels de l’information se sentent menacés, et ce à juste titre. En effet, dans un métier très assis sur ses acquis, la peur entraine un immobilisme encore plus fort qui renforce l’incapacité à intégrer le changement, à trouver des réponses valides pour l’avenir de ces professionnels de l’interrogation.
Historiquement, journaux et journalistes étaient valorisés pour deux fonctions : trouver les informations et les mettre en perspective. Or, dans la presse écrite, principalement quotidienne, la sélection des sujets est quasiment laissée aux grandes agences de presse et, par pression économique, manque de place ou bien à cause d’une forme de « service minimum », la mise en perspective par les rédactions de ces informations fait défaut.
Ayant gagné son statut d’élite en tant qu’artiste créateur d’information originale, le journaliste est progressivement devenu diffuseur de message qu’il n’a pas produit, voire pas choisi. Pour retrouver la crédibilité perdue du public et sa propre confiance dans l’importance de sa profession, son avenir passe par l’obligation, d’une part, de revenir aux sources, à la production d’une information exclusive et unique, et, d’autre part, de modifier le rôle conceptuel du média et des talents qui le composent.
Pour filer la métaphore artistique, le journalisme 3.0 ne sera ni un travail d’artiste pur, ni celui de simple courroie de transmission, mais une mission de commissaire d’exposition, de sélectionneur en chef des informations les plus originales, crédibles, vérifiées et intéressantes pour le public. Son rôle, comme celui du média ayant son angle propre, sera de mettre les faits en perspective, de livrer des analyses en profondeur, d’utiliser son talent et son savoir-faire pour agréger des informations pertinentes (au lieu de les reproduire une énième fois), tout en signant des contenus uniques et originaux, tout en créant du sens.
Dans la société de la connaissance, la création de valeur provient non plus de la quantité de données, mais de la qualité de celles-ci. Changement en profondeur, ce nouveau rôle pourrait remotiver les équipes et permettre la mutation organisationnelle nécessaire des rédactions. Qu’il soit sur papier ou numérique, le média et sa marque sont associés à une valeur ajoutée thématique, pertinente pour une cible particulière. Remplir ces attentes est la clé du succès public, et donc de la réussite financière.