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La théorie de l’information

Jean-FrançoisFournonNB-307x307Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un ouvrage de pub qui a retenu mon attention mais un gros roman publié chez Gallimard par Aurélien Bellanger, La théorie de l’information. Le personnage principal en est Pascal Ertanger, un adolescent solitaire qui s’initie à l’informatique dans la maison de ses parents à Velizy-Villacoublay dans les années 70. A travers son parcours qui en fera l’un des plus grands pirates des temps modernes et accessoirement un homme immensément riche, nous suivons l’évolution des télécommunications en France. Pascal fait partie de ces étudiants qui, parce qu’ils savaient écrire quelques lignes de code, se sont retrouvés en première ligne dans le développement du Minitel (la fierté technologique des pouvoirs publics durant le premier septennat de Mitterrand) et ont fait fortune avec les messageries roses. Car le Minitel était alors la boite à fantasmes des Français et des Françaises. Après avoir piraté les clients de ses concurrents, Pascal s’attaquera à France Telecom dont il détournera à son profit les données de ses annuaires. Le vilain petit canard du 3615 n’hésitera pas à se mesurer aux grands groupes de télécommunications dans l’accès à Internet où il impressionnera par ses coups d’audace, ses manœuvres d’abordage mais aussi son sens du sabordage quand la situation l’exigera. Insaisissable, il aura eu une vraie vision de l’évolution du marché des télécommunications. Aurélien Bellanger s’est fortement inspiré pour son personnage de Xavier Niel, le fondateur d’opérateur Free mais il s’amuse aussi à pirater dans son roman des personnages connus comme Thierry Breton, ingénieur visionnaire devenu ministre, Thierry Ehrmann ancien punk reconverti dans le stockage des résultats de ventes aux enchères d’œuvres d’art ou encore Jean-Marie Messier, ex-Maître du Monde lorsqu’il dirigeait Vivendi. C’est avec ce dernier que la loufoquerie est poussée le plus loin lorsque Pascal Ertanger qui ne sait que faire de ses millions finance son projet de remorquage d’icebergs vers les zones tropicales arides pour les irriguer.

On croise aussi Nicolas Sarkozy qui invite notre self-made-man à l’accompagner lors d’un voyage officiel en Espagne. C’est l’époque où notre héros rachète un hôtel particulier en région parisienne, un terrain de golf voisin et se déplace dans une Bentley dont l’intérieur prolonge admirablement son bureau pour que Pascal ait le sentiment de ne jamais bouger. C’est aussi le moment où il se plonge dans des lectures scientifiques, des essais de thermodynamique du XIXe siècle à l’article de l’américain Shannon sur la diffusion des messages entre machines. A partir de cette date (1948), le monde bascule dans l’âge de l’information. Les ordinateurs deviennent de plus en plus puissants et l’on parle d’intelligence artificielle (souvenez-vous du « J’ai peur » de HAL dans 2001, Odyssée de l’espace). Les chercheurs jouent et rejouent la création du l’univers et ce qui n’était que de la fiction devient de la science. Les informaticiens se prennent pour des demi-dieux, pensent que la terre est un formidable canal de communication, écrivent des poèmes et s’intéressent à des souris mécaniques capables de trouver leur chemin dans des labyrinthes. Le dernier projet auquel travaille Pascal Ertanger, l’ajout d’informations à l’ADN des abeilles pour conserver les données humaines collectées via Facebook et ainsi assurer l’immortalité de l’humanité, sera son chef d’œuvre mais entraînera sa perte. Humain, trop humain.

Jean-François Fournon
MTC Conseil en communication

La théorie de l’information d’Aurélien Bellanger est publié chez Gallimard

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