La valeur d’une idée se mesure à son succès, pas au temps investi pour la développer !
En quoi est-ce désastreux, non seulement pour les agences mais aussi pour les annonceurs, de rétribuer toujours plus souvent les prestations créatives en fonction des heures passées à les développer ? Et pourquoi le bon vieux pourcentage d’honoraires a encore toutes les raisons d’exister ?
C’est un fait accompli depuis longtemps, qui ne surprend ni les annonceurs ni les agences : le traditionnel pourcentage d’honoraires, établi historiquement à 17,65%, est de moins en moins souvent envisagé comme seul moyen de rémunération à l’ère de la communication digitale. Cela ne veut pas dire pour autant – abstraction faite du taux – qu’il a complètement disparu. Au contraire : dans le cadre d’honoraires mixtes, qui sont très répandus aujourd’hui, une rémunération en pourcentage a toujours du sens. Celle-ci serait même l’une des formes les plus simples et les plus transparentes de céder les droits d’utilisation d’une idée et de la rétribuer en fonction de son succès.
Compte tenu de la complexité croissante des tâches d’une agence de communication, nous ne pouvons à présent plus fixer ou recommander un modèle de rémunération unique, valable de façon générale. En tant qu’association des agences leaders, LEADING SWISS AGENCIES est fondamentalement ouverte à toutes formes de rémunérations, tant que celles-ci permettent à ses membres de fournir un travail professionnel, de générer des revenus équitables et de maintenir une certaine rentabilité. La base sur laquelle reposent ces conditions reste toujours de préciser avec exactitude les termes et la description du mandat dans les contrats de collaboration.
Voici maintenant l’aspect le plus important, qui est oublié dans nos négociations quotidiennes et négligé à cause de la pression croissante sur les agences : les idées créatives sont, et restent, le bien le plus précieux de ces dernières. Les idées ne devraient pas – ou du moins pas seulement – être payées en fonction de l’investissement de temps qu’elles ont nécessité, mais aussi – et plutôt – en fonction de leur valeur et de leur effet.
Les modèles de rémunération qui ne rétribuent que les avoirs effectifs, c’est-à-dire les heures de travail effectuées, et non pas les dividendes créatifs, ne sont ni raisonnables, ni pratiques, et finalement, ils sont mal adaptés à l’importance de la créativité. Qui peut sérieusement penser qu’un climat propice à l’inspiration créative puisse être instauré avec une directive telle que « le client ne paie que x heures, donc vous devez avoir trouvé, d’ici là, l’idée géniale que nous pourrons lui vendre » ? En effet, la réalité montre que de nombreuses idées se développent et mûrissent, sont écartées ou au contraire améliorées, jusqu’à ce que finalement LA meilleure solution puisse émerger.
Ce scepticisme ne vaut pas seulement depuis que Maurice Levy a lancé, il y a quelques mois, plusieurs appels aux agences créatives, dans lesquels il attribuait la plus grande baisse du secteur de la communication au modèle de rémunération en fonction des heures investies. Ce qu’entend par là le CEO mondial de Publicis repose sur un constat simple mais essentiel : la valeur d’une idée se mesure par le changement qu’elle apporte au marché, par l’évolution qu’elle offre à la marque – et non par le nombre d’heures qu’il a fallu lui consacrer pour y arriver.
En approfondissant encore le raisonnement, cela veut dire aussi que les deux parties en présence, à savoir les annonceurs et les agences, devraient s’intéresser à la question et mieux rémunérer les idées qui ont du succès que celles qui n’en ont pas. Au fond – et pour boucler la boucle – c’est la rémunération proportionnelle à l’utilisation d’une idée qui permettrait à cette dernière d’être d’autant plus rétribuée qu’elle est utilisée longtemps et intensivement.
Le « Copyright » classique s’est sournoisement transformé en « rémunération au succès » moderne. Si une idée ou une campagne est utilisée et/ou diffusée plus longtemps que prévu initialement, c’est bien parce qu’elle a produit un certain effet. Dans le cas où une agence n’est indemnisée qu’en fonction des heures investies, l’annonceur profite de votre travail fructueux sans qu’il n’ait à dépenser plus, ce qui n’est évidemment pas juste. En revanche, dans le cas où vous touchez une indemnité pour la cession des droits d’utilisation d’un travail qui a rencontré du succès, le procédé crée une situation win-win, où la rémunération de l’agence est véritablement équitable.
Signature : Geri Aebi, CEO et copropriétaire de Wirz Group et ancien président de LEADING SWISS AGENCIES