Stratégie

Les Samouraïs de la marque

Le respect de l’identité corporate – point de départ obligé d’une marque cohérente et forte – est souvent chahuté par les collaborateurs d’une entreprise. Trop dogmatique, pas assez souple. A coup de petites entorses, l’identité s’effrite, l’expérience devient hétérogène et l’image de marque se dissout. Et si les collaborateurs étaient formés pour devenir les protecteurs de la marque?

La cohérence est un concept central en branding. Tellement central que nous, les créateurs de marque, nous sommes parfois perçus comme des maniaques inflexibles! C’est vrai, nous imposons des couleurs, des mots, des images – tout ce qui constitue le corporate branding. Nous éditons des brand books pour dire qui est la marque et des chartes graphiques pour dire comment elle doit s’afficher.
Cette cohérence est une nécessité. L’art de susciter la perception désirée – la mission du branding – est une architecture fragile. Chaque point de contact (un site web, une campagne publicitaire, la manière de répondre au téléphone) participe à l’expérience générale de la marque. En bien ou en mal. Une marque qui exprime des messages incohérents paraît aussi fiable et crédible qu’un politicien affirmant tout et son contraire.

Le respect attentif du corporate branding est pourtant souvent vécu à l’interne comme une tracasserie. Chaque collaborateur amené à créer un point de contact (une lettre, une présentation de vente) est tenté d’y ajouter sa touche personnelle ; souvent avec de bonnes intentions (être plus personnalisé, plus efficace…), mais souvent aussi sans les compétences requises en branding, design ou communication. Créer un point de contact qui vend parfaitement la marque est un métier.
Le cas des vendeurs est sensible et emblématique. Les vendeurs sont en effet souvent des points de contact prédominants pour une marque. Dans le B2B, il est même estimé que la personnalité du vendeur « fait » jusqu’à 60% du succès d’une vente – plus que les autres points de contact réunis. Pourtant, les vendeurs sont bien moins « sous contrôle » qu’un site web, des brochures ou des produits.
Les vendeurs sont toujours sur la route, loin de la maison-mère et de ses consignes. Ce sont des chasseurs individualistes et instinctifs. Difficile de leur demander d’utiliser les armes corporate telles quelles. Ils tiennent à faire à leur manière, tant pis si ce n’est pas corporate : « Je suis sur le terrain, je connais les clients, laissez-moi préparer mes présentations à ma manière ! » Multipliez cette liberté par le nombre de chasseurs et vous obtenez une expérience morcelée, une marque affaiblie.
Comment rendre les vendeurs plus efficaces tout en consolidant l’identité de marque? Mon agence a beaucoup réfléchi à ce problème. Nous avons même fini par développer une solution numérique complète qui met de la cohérence dans les connaissances et les supports électroniques qu’ils utilisent.

Le respect du corporate design passe aussi bien sûr par la formation, la sensibilisation. Il faut convaincre les vendeurs – et les autres collaborateurs – que la marque peut être leur meilleure amie.
Utiliser des supports à la forme et au contenu impeccables facilite en effet leur travail. Vendre les produits et services d’une marque forte leur permet d’élever leurs argumentaires au-dessus de leur plus vieil ennemi, le prix. Susciter une expérience cohérente et homogène est aussi plus facile à gérer en terme de communication et de publics.
A mes yeux, le modèle à suivre dans la maîtrise de l’expérience de marque est celui des grands hôtels. Dans ces établissements, chaque point de contact – y compris humain – est au service de la marque. Tout vise à exprimer le même message, à susciter la même perception.
A l’Ecole hôtelière de Lausanne, cet état d’esprit est bien sûr au cœur de l’enseignement. On y utilise même, pour le décrire, le mot de « samouraï » (dérivant du mot “servir” en japonais). Les collaborateurs d’un grand hôtel sont ses samouraïs, ils mettent la marque en dessus de tout et sont en retour renforcés par elle.
L’image est forte, elle me parait particulièrement pertinente : les vendeurs devraient être non des chasseurs, mais des samouraïs.

Hervé Ziga, CEO d’essencedesign.com

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