Mach Basic 2016-2 : les audiences de la presse romande
La presse romande continue à perdre des lecteurs, mais au fil des vagues une logique commence à se dessiner. En effet, tous les journaux ayant fini leur mutation en ligne, seules les marques média qui réunissent une audience autour d’une thématique bien définie gagnent des lecteurs. Ce signal est encourageant !
La présentation de cette vague a coïncidé avec des rumeurs quant à l’avenir de certains titres de la presse romande. A l’heure où ces lignes sont écrites, les syndicats de journalistes comme les représentants des rédactions de 24 Heures et de la Tribune de Genève rejettent le plan de restructuration qui leur est imposé par Tamedia. La baisse de 5,1% du chiffre d’affaires du groupe au premier semestre 2016 a sonné l’heure des économies. « Et cette fois-ci, laisse-t-on entendre du côté de la direction à Lausanne, les rédactions ne seront pas épargnées. » Une situation mal comprise à l’interne, où l’on s’attendait à ce que les revenus du digital (+8,5%) viennent éponger les pertes de l’écrit. Mais chez Tamedia, on se refuse à jouer la politique des vases communiquants. Le dogme est et restera : « Rentabilité pour chaque produit ! »
Dans un tel contexte, les pertes même peu significatives de 24Heures (-7 000 lecteurs) et de la Tribune de Genève (-3 000 lecteurs) ne sont pas de bon augure. Autre souci pour le groupe : la famille Le Matin. Avec -34 000 lecteurs pour Le Matin Dimanche et -36 000 lecteurs pour Le Matin semaine (pertes significatives), ce sont deux titres importants en Suisse romande qui continuent à perdre du terrain. Annoncer le lancement d’une application en fin de journée « Le Matin du Soir », pour proposer du contenu payant avant la publication du print, montre à quel point l’éditeur est à la recherche de solutions. Toutefois, si on ne parle pas encore de réduction de coûts, c’est que Le Matin Dimanche doit encore rester une source de revenus et que le site lematin.ch figure parmi les locomotives du paysage web suisse.
La (mauvaise) surprise pour Tamedia Editions romandes vient pour une fois de 20minutes. Il passe sous la barre de 500 000 lecteurs (497 000 précisément). « Rien de grave », affirme la rédaction commerciale qui reconnaît avoir contrôlé sa diffusion. Toutefois, on admet que la baisse est plus rapide que prévu : « La nouvelle application a rencontré un énorme succès. » Comme le site, d’ailleurs, ce qui se transcrit dans l’étude Total Audience par une belle progression de +50 000 internautes. Le tout lui permet un gain d’audience global, off et online, de +2,3%, soit la plus grande progression du marché. « Une chance pour nous, car nous sommes le seul titre dont les revenus online (publicité, content marketing, native advertising) sont supérieurs à ceux du print ».
Du côté de Ringier Axel Springer Media, la nouvelle équipe de Le Temps (+3 000 lecteurs) est en passe de gagner son pari. La reprise de l’audience se confirme. La progression online est également réjouissante. Cette reprise ne saurait toutefois cacher une inquiétude concernant le magazine L’Hebdo qui fait partie de la même newsroom. La perte de lecteurs est régulière (-15 000 cette fois-ci). Mais la faiblesse de ce titre est avant tout publicitaire, puisqu’il n’a aucun équivalent en Suisse alémanique et qu’il n’arrive pas à se développer online ; il est donc le maillon faible et d’aucuns n’hésitent plus à annoncer ou prédire son encartage dans Le Temps du samedi ou, pire, sa disparition. Le créneau presse familiale – L’Illustré et Schweizer Illustrierte – perd également des lecteurs (-11 000 en Suisse romande) mais de manière non significative. On le constate chez Ringier : la situation est également difficile en Suisse romande. La politique de la rentabilité est toutefois différente chez cet éditeur qui a un vrai dessin éditorial. Sinon pourquoi aurait-il acheté Le Temps ? Son attitude à propos de L’Hebdo sera la preuve par l’acte.
Les « Special Interests » en forme
La situation difficile des grands éditeurs ne saurait cacher les bonnes nouvelles. La presse régionale résiste, comme le prouvent les +6 000 lecteurs de L’Express, les + 1 000 de La Liberté et la stabilité du Nouvelliste (dont l’audience est supérieure à celle de La Tribune de Genève), La Gruyère, Biel-Bienne et le Journal du Jura.
Côté magazines, la presse économique, excepté PME Magazine (-7 000 lecteurs), regagne du terrain. Une bonne nouvelle pour Bilan qui se rapproche des 60 000 lecteurs. Swissquote continue sa progression. L’avenir sera-t-il à la presse d’entreprise ?
Le grand gagnant de cette vague est sans conteste Bon à Savoir qui a réussi son pari d’assimiler Tout Compte Fait. En effet, les Editions Plus ont décidé de se concentrer sur le développement de leur titre phare en renforçant son contenu rédactionnel. L’intensification de la présence multimédia et de l’offre de services aux consommateurs est également au cœur de la nouvelle stratégie.
Touring Club (+13 000 lecteurs), Terre et Nature (+9 000 lecteurs), Cuisine de saison (+ 8 000 lecteurs), Pharmacie chez soi (+3 000 lecteurs) prouvent que les titres qui réunissent des communautés d’intérêt bien définies continuent à progresser dans ce marasme ambiant. Le magazine Générations (-13 000 lecteurs) fait figure de mauvais élève de la classe. La nouvelle maquette a été prise en compte par cette vague qui couvre la période d’avril 2015 à mars 2016. Bien que les résultats en kiosque soient probants, la perte de lecteurs peut s’expliquer de deux manières : soit le « rajeunissement » du titre lui a fait perdre ses plus fidèles lecteurs, soit l’apparition de Notre Temps, un nouveau concurrent romand, a réduit un segment qui était jusqu’à présent totalement libre.
Les gratuits à la traîne
Il reste un segment jusqu’à présent relativement épargné par la perte de lecteurs : la presse clientèle et gratuite. -47 0000 pour GHI, -30 000 pour Migros Magazine, -36 000 pour Coopération : comment expliquer de telles variations qui, il faut le préciser, ne sont pas significatives ? Étant donné leur nombre de lecteurs, la situation pour ces titres n’est pas préoccupante, mais on peut quand même l’expliquer par un développement de leurs sites qui pourrait détourner les lecteurs vers le online. A suivre de très près.