Migros ne vendra pas d’alcool… une opération RP pour rappeler ses valeurs à moindre coût!
Tous les Suisses le savent, on ne peut acheter de l’alcool chez Migros. Une spécificité voulue par son fondateur Gottlieb Duttweiler qui, dans les années vingt du siècle dernier, prônait la prohibition pour alléger le fléau de l’alcoolisme. Au fil de temps, cette règle est devenue un axe de segmentation avec l’autre géant orange: Coop. Prix bas, marques distributeurs et zéro alcool chez Migros – en quelque sorte : une économie dirigée- face à Coop qui proposait un monde commercial libéralisé et mondialisé avec de « vraies »marques et des prix plus élevés. Un duopole qui au fil du temps s’est fait concurrencé par des enseignes étrangères venues les contrer sur le terrain du low cost. Le terrain de la grande distribution s’est ainsi ouvert, en Suisse à Lidl et à Aldi, amenant la Migros à intégrer dans son univers Denner, le discounter suisse.
Coop devant Migros en 2021
En 2021, Coop a réalisé un chiffre d’affaires de 31,9 milliards de CHF, en hausse de 5,6%, et un bénéfice de 559 millions de CHF. Ses ventes en ligne, en progression de 353 millions de CHF, frôlent les 3 milliards de CHF. Ses ventes de produits bio ont dépassé les 2,1 milliards de CHF, celles de produits durables ont progressé de 409 millions de CHF pour atteindre 5,9 milliards de CHF, Coop reste donc le leader incontesté du marché.
Le groupe Migros a vu, en 2021, son chiffre d’affaires augmenter de 2,3% pour atteindre 28,932 milliards de francs. Le bénéfice du groupe s’est élevé à 668 millions avec une croissance de 20,4%, alors même que divers domaines d’activité tels que les voyages, la restauration et les loisirs ont connu un recul. Le chiffre d’affaires du commerce de détail en ligne a franchi pour la première fois la barre des trois milliards. Tous segments confondus, celui-ci a enregistré une hausse de 15,5% en 2021 pour atteindre le total de 3,242 milliards.
La bagarre autour des valeurs
Comme dans toutes les industries, le segment intermédiaire connaît des grandes difficultés à maintenir son hégémonie. Etre la marque de tout le monde revient à n’être celle de personne. C’est ce qu’a compris Coop avec son slogan publicitaire « pour moi et pour toi » qui a permis à cette chaîne d’appréhender l’avènement d’une société individualiste, hédoniste, sensible à l’écologie et aux questions de genre. Si l’on en juge par le nombre de produits vegan et par la création de la gamme de produit et ensuite de magasins Karma et la matérialisation, pour les esthètes culinaires, du concept Fooby, ce groupe n’a cessé d’investir de nouveaux territoires et à se les approprier.
Que restait-il à Migros ? Le « M » de « meilleur » ? On ne peut se jeter soit-même des fleurs! Or, cette marque possède des valeurs très fortes mais malheureusement elles sont méconnues du public actuel. Comment les leur rappeler ? En faisant de la publicité ? Soit, mais Migros ne peut dire qu’elle ne vend de l’alcool, alors que dans tous ses centres commerciaux, Denner en vend. Ce serait totalement suicidaire! C’est ce qui l’a amené à lancer cette opération de communication autour de l’alcool. Une campagne de stratégie non marchande qui permet d’amener un débat sur la place public alors qu’il n’y a aucune conséquence commerciale. En effet, les supermarchés Migros n’ont jamais eu l’intention d’introduire de l’alcool, cela affaiblirait Denner. Non, en proposant aux coopératives régionales de lancer un vote auprès de leurs membres, elles permettent de rappeler le positionnement du groupe et à marquer de la différence avec les concurrents.
Migros n’a jamais voulu vendre de l’alcool !
Le résultat du vote a été annoncé aujourd’hui. Plus de 630’000 votes ont été comptabilisés à travers la Suisse. C’est dire la force de ce réseau de distribution! Le résultat est clair :80,3% des votants ont dit «non». On frôle des résultats « staliniens ». Donc rien ne changera. Tout le monde est content. Seul perdant la presse écrite qui dépend des dépenses publicitaires des grands distributeurs et qui a offert gratuitement des espaces de contenus gratuits pour évoquer une belle opération de relations publiques. En sera-t-elle récompensée ?
Pourquoi payer ce qu’on peut obtenir gratuitement ?