Native advertising : bouée de sauvetage ou suicide des médias ?
Je ne vous apprends rien, les médias et la publicité vont mal. Aucune semaine ne passe sans qu’on ne nous parle de la situation économique catastrophique des médias, en Suisse et à l’étranger, ou sans que de nouvelles statistiques viennent éprouver l’efficacité des outils publicitaires, du traditionnel spot TV au taux de clic des bannières. Dans ce contexte inquiétant, un nouveau format publicitaire fait parler de lui : le Native advertising. Envisagé comme le nouvel Eldorado des médias par certains – et décrié par d’autres, faisons le point sur les Native ads.
Le Huffington Post UK donne cette définition du Native advertising : du contenu sponsorisé, pertinent pour l’expérience utilisateur, qui n’interrompt pas et propose le même aspect visuel et rédactionnel que le contenu éditorial. On pourrait rattacher cette notion au publireportage digital, à la différence que le Native ad ne fait pas l’éloge de la marque. Le Native ad raconte une histoire, rattachée aux valeurs de la marque. Une histoire qui aurait pu être écrite par les journalistes et sponsorisée par la marque.
En Angleterre et aux Etats-Unis, les Native ads sont aujourd’hui bien implantés, et la majorité des médias online proposent leurs solutions. Buzzfeed par exemple est entièrement financé par ces formats. Des titres plus « sérieux », comme le New York Times, le Washington Post ou le Huffington Post ont également succombé à la tendance. En France, les groupes Amaury, Lagardère, 20 Minutes, Prisma et Le Monde les proposent ou sont en train de développer leur offre.
En Suisse, on peut noter l’initiative sur le nouveau portail du Blick Am Abend. On y trouve par exemple un article intitulé « Des décorations de Noël originales à bricoler », présenté par ImmoScout 24. Mais les Native ads sont plus présents qu’on ne l’imagine. Prenez les liens commerciaux de Google Adwords ou les promoted posts sur Facebook, ce sont des Native ads. Nul doute que de plus en plus de médias vont s’intéresser à ces solutions.
Une de Buzzfeed.com avec 3 Native ads encadrés en rouge
Racontez une histoire
Le Native ad s’inscrit dans une tendance marketing profonde : le brand content. À l’heure du storytelling, ce format publicitaire est une réelle opportunité pour les marques prêtes à renouveler leur discours, en proposant du contenu riche et réellement intéressant pour les consommateurs. Le principe est de proposer du contenu qui traite de l’univers de la marque, de ses valeurs, sans pour autant parler directement de la marque. Le branding est léger, une simple mention « présenté par … », accompagné du logo en haut de l’article est suffisante. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : ces articles sont autant cliqués et autant partagés que les articles rédactionnels.
Berner le lecteur ?
Une des interrogations qui revient régulièrement concerne la tromperie du lecteur. En effet, une étude d’Adyoulike estiment que seulement 29% des personnes identifient les Native ads comme de la publicité. Pour autant, l’interaction est plus riche, le lecteur peut partager, commenter ces articles, son rôle est valorisé par rapport à une simple bannière. Certains défendent que pour le lecteur la question n’est pas de savoir s’il est face à une publicité ou un article journalistique, l’essentiel est de vivre une expérience intéressante.
Et l’indépendance du journaliste ?
La controverse du Native ad tient dans cette relation étroite entre le média et l’annonceur (il faudrait d’ailleurs plutôt parler de sponsor ou partenaire). Le risque avec cette confusion des genres entre rédactionnel et publicitaire est d’affaiblir à terme le média en décrédibilisant ses contenus. De plus, le Native ne se prête pas à l’actualité pure et dure parce que le contenu de marque doit pouvoir durer. Cela amène donc les médias d’information continue à se distancer quelque peu de leur ligne éditoriale.
Vers la définition d’un cadre
Qu’il séduise ou laisse sceptique, le Native ad a lancé le débat parce qu’il est incontournable. Aubaine pour les annonceurs, passage obligé pour les médias, le Native ad a besoin d’être cadré pour être accepté dans de bonnes conditions. Nature de l’information, fréquence, placement, mise en avant de la marque, ces éléments doivent être délimités pour ne pas briser cette relation de confiance entre lecteurs et médias.
Et vous, êtes-vous convaincus ou inquiets face au Native advertising ?
Renée Bäni, Social Media Manager chez 20 minutes