Tendances

Pensées de vacances

Je suis en vacances. Ou presque, puisque j’ouvre encore l’ordinateur pour écrire cette chronique qui paraîtra à la rentrée.  En ce moment, une journaliste qui prend des vacances peut se demander à quoi ressemblera son métier quand elle reviendra. Tout va si vite. Je ne date pas de Nabuchodonosor et pourtant j’ai tapé mes premiers articles avec une machine à écrire mécanique… Je ne pouvais rien demander ni à Google ni à Wikipedia. Aujourd’hui, les techniques évoluent si vite qu’on peut se retrouver à en parler toute une soirée sans jamais aborder les contenus.

L’art contemporain a aussi largement connu – et connaît encore – de telles évolutions. Pour être un bon artiste, faut-il d’abord avoir quelque chose à dire ou maîtriser des outils, des techniques? L’émergence d’un nouveau média peut-elle susciter un regain de créativité pour un artiste? Pour une génération d’artistes? Y a -t-il des arts obsolètes? La peinture est-elle morte? La vidéo ne sera-t-elle qu’une passade? Lors des dernières décennies, toutes ces questions plus ou moins intelligentes ont été posées et reposées. Vous pouvez vous amuser à les transformer un peu pour trouver leur équivalent pour le journalisme.

Vous pouvez aussi creuser un peu une problématique commune aux deux genres, l’interactivité. En art, on a vu mille et une formules creuses. Comme s’il suffisait de passer un joystick au visiteur d’une installation pour concevoir une oeuvre d’art interactive! On se disait parfois qu’il y aurait peut-être un artiste digne de ce nom dans le public participatif, faute d’en avoir eu un au départ de l’événement.

De même, on peut se demander quelle définition du journalisme peuvent encore donner ceux qui prônent des sites où tout un chacun peut ajouter son reportage, dans un fatras généralisé. Il existe pourtant, et il a toujours existé, de vrais échanges entre les journalistes et leurs lecteurs, auditeurs… Un article n’existe pas s’il n’est pas lu…

En art, l’interactivité n’est définitivement pas liée à une technique mais plutôt à une capacité des oeuvres à impliquer le public. Des créateurs aussi divers que Bruce Nauman ou Richard Serra l’ont prouvé. L’un en offrant à la fin des années 60 sa propre image au visiteur (l’effet caméra de surveillance), l’autre en installant depuis les années 80 dans le paysage urbain ses sculptures monumentales, longues et hautes formes de métal rouillé qui incitent à une promenade où tous les sens sont en alerte. Tous les sens et même le spirituel. Avec Nauman comme avec Serra, la pièce n’existe pas sans public. Mais avant tout, elle n’existe pas sans artiste.

On n’en demandera bien sûr jamais tant à un article ou un reportage… Bon, je suis en vacances!

elisabeth@cominmag.ch

Journaliste culturel, responsable de Sortir le guide culturel du Temps.

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