Interviews

Faire de la Suisse, un centre d’innovation !

Le parcours de Sébastien Kulling, Head of Suisse Romande digitalSwitzerland, est celui d’un professionnel de ce siècle. Ses études universitaires lui ont ouvert tout naturellement les portes de grands groupes comme Nestlé, Nespresso et Orange, jusqu’à ce que la fièvre de l’entreprenariat le saisisse et qu’il accumule des expériences au sein de startups aux Etats-Unis et en Suisse. Depuis le mois d’août, il représente l’association digitalswitzerland en Suisse romande. Ce qui l’amène à rencontrer tout l’écosystème digital dans la partie ouest du pays. Incubateurs, startupers, entrepreneurs, développeurs, tout le monde veut en savoir plus sur cette nouvelle initiative issue des milieux économiques suisses. Cominmag ne pouvait pas être en reste d’où cet interview….

Sébastien Kulling quelle est la mission de digitalswitzerland ?
Il s’agit d’une association dont l’objectif est de fédérer les forces vives du pays afin de positionner la Suisse en tant que hub de l’innovation numérique au niveau mondial.

Doit-on entendre par cela que nous sommes si en retard que cela quant à la numérisation de notre économie ?
Tout dépend du critère que l’on retienne. Si nous nous basons sur le classement du WEF « The Global Competitiveness Report » qui mesure la productivité des nations, la Suisse est en tête de liste. L’INSEAD et WIPO dans le « Global Innovation Index 2017 » place cette année encore la Suisse à la première place, notamment en raison du nombre de brevets dans le secteur du pharma déposés par an. Par contre, l’IMD World Digital Competitiveness Ranking 2017 nous place en 8e place. Mais si l’on ne retient que le volet « état d’esprit », nous sommes passés de la 7e place en 2014 à la 13e en 2017. C’est inquiétant et cela démontre que la Suisse prend du retard.

Le fait que la crise se ressente moins ici, cela n’expliquerait-il pas un intérêt moindre pour la transformation digitale de la part des acteurs économiques suisses ?
En effet, c’est paradoxalement cette stabilité qui nous fait prendre du retard. Raison pour laquelle, le message que digitalswitzerland relaie auprès des acteurs économiques, des décideurs politiques et de la population est : Réveillons-nous ! Et faisons-le maintenant !
Nous devons être capables de relever ce défi, nous l’avons déjà fait de par le passé. En 100 ans, nous avons doublé notre population en conservant un taux de chômage très bas. Cela prouve que nous avons su adapter notre économie aux nécessités conjoncturelles.

Pourtant la Suisse n’est pas à la traîne en ce qui concerne le taux d’équipements en outils numériques. Comment expliqué ce retard dans l’adaptation de notre économie ?
Posséder une mobile ou une tablette ne demande pas d’importants efforts d’adaptation, c’est la pointe de l’iceberg. La transformation numérique concerne avant tout les processus et les modes de collaboration et là, nous n’avons pas encore pris le virage. Aujourd’hui nos concurrents sont Amazon ou Uber. Et pour contrer ces géants, nous devons trouver de nouveaux business modèles qui transforment nos entreprises et groupes.

Pourquoi est-ce si difficile de s’adapter ?
Contrairement à la révolution agraire, industrielle ou celle des services, la génération du numérique n’est pas en train d’inventer son futur mais son présent. C’est sans précédent.

Dans cette bagarre mondiale force est de constater que bon nombre de nos « licornes » sont financées par des investisseurs américains. Le changement ne devrait-il pas également venir du côté du financement des startups ?
Il est certain qu’il manque une culture de la prise de risque dans notre pays sans parler de notre discrétion. Combien de gens savent que l’assistant intelligent Siri a été inventé à l’EPFL ? Aujourd’hui nous avons des startups dans le pharma, les biotechs, les fintechs qui mériteraient d’être soutenues afin de devenir des licornes et aller au-delà. Or, on doit constater que nos investisseurs sont moins enclins à soutenir des projets suisses.

Mais pourquoi ?
Peut-être est-ce dû à notre souci de la perfection. En Suisse, on ne sait pas travailler en version bêta. Or, nous utilisons des outils ou des plateformes digitales qui sont en perpétuel processus d’amélioration. Si nous acceptions de réduire un peu nos exigences, nos standards resteraient de toutes les façons au-dessus de ceux des autres pays. Et cela nous permettrait de trouver des investisseurs plus rapidement.

Le coût du travail en Suisse est aussi un facteur qui nous désavantage.
Certes, si l’on considère que les modes de production ne vont pas évoluer. Or, ce n’est pas le cas. Prenons le cas de l’usine Aisa Automation Industrielle à Martgny qui fabrique des tubes de dentifrice pour des multinationales. En misant sur la recherche et développement, en collaboration avec l’Institut de recherche Idap, elle a su introduire de l’AI dans sa production et a ainsi conservé son avance sur ce secteur.

Mais qui dit robotisation, dit également formation, puisqu’à terme l’usine 4.0 ne fonctionnera qu’avec des ingénieurs ?
La formation est un des cinq piliers verticaux de digitalswitzerland, à l’instar du lobbying politique, du soutien aux startups, de la contribution au leadership et la communication grand public.
Notre contribution dans le domaine de l’éducation va du primaire au post-obligatoire jusqu’à la formation continue. Notre ambition est de mettre en place des actions à destination des plus jeunes, coordonnées avec les gouvernements cantonaux. Des opérations spécifiques peuvent prendre la forme de cours de codage ou, dans une approche plus ludique, celle de camps de vacances dans le but de susciter le développement de cet l’esprit d’innovation.
En ce qui concerne la formation continue, nous voulons toucher notamment les PME et commençons à mettre en place des coopérations avec les partenaires spécialisés dans la formation. Parallèlement, nous avons développé une plateforme qui pour vocation de recenser toutes les formations numériques du marché.

Qu’en est-il des autres axes, qu’elles sont vos actions ?
Pour ce qui est du volet « start-up », nous avons commencé à emprunter la voie de l’accélération. Dès l’an prochain, nous allons agir différemment. En effet, nous avons pour projet d’inviter une quarantaine de startups international afin qu’elles entrent en contact avec l’écosystème local et qu’elles puissent à terme décider de s’installer et créer des emplois en Suisse .
Nous ambitionnons également de susciter des « alliances improbables » en mettant en relation des startups, des PME et des grands groupes afin de mutualiser les forces et réduire les coûts de développement. De quoi faire avancer des projets qui n’auraient jamais pu voir le jour autrement. Notre premier groupe de travail a réuni 24 partenaires autour de la question de la santé. Ensembles, ils ont ainsi identifié l’hypertension comme un problème de santé publique. Une application a été conçue et elle sera prochainement lancée. Autre exemple : la Blockchain a également fait l’attention d’un autre groupe de travail qui ambitionne de réduire le processus de création d’entreprise.
Enfin, pour ce qui a tait à la communication grand public, nous avons lancé la première Journée nationale du digital, succès que nous comptons réitérer l’année prochaine.

D’aucuns se sont étonnés que pour annoncer cette journée vouée au numérique, vous ayez publié un magazine. N’est-ce pas un peu anachronique ?
Au contraire, pour réduire la fracture numérique, nous devons justement être capable de toucher ceux qui ne sont pas connectés. Telle était la fonction de ce magazine qui a remporté un large succès.

Les entreprises qui sont membres de votre association semblent constituer un nouveau « Vorort de l’ère numérique ». En quoi les réunir sous une même bannière va permettre d’accélérer le mouvement ?
C’est un signal pour tout le pays. Un « ordre de marche » qui a valeur d’exemple.

Tout le monde peut entrer en contact avec digitalswitzerland ?
Notre culture de travail est basé sur la colloboration. Bien que nos membres soient en majorité des grands groupes suisses ou internationaux, nous accueillons aussi des PMEs et associations faitières ainsi que des organisations non-gouvernementales telle que le CICR. Nous favorisons l’émergence d’une approche duale, soit « top down » et « bottom up » et soutenons toutes les propositions qu’elles viennent de nos membres ou de l’ensemble de l’eco-système. A l’instar d’un Swissnex pour la Suisse nous allons être LE contact qui vous mettre en relation avec les bons acteurs. N’hésitez pas à nous contacter et rejoindre notre mouvement!

www.digitalswitzerland.com

[ASIDE]Lancée en 2015 à Zurich par Marc Walder, directeur général de Ringier, digitalswitzerland réunit désormais plus de 90 membres : des grandes entreprises nationales, des institutions académiques, des cantons, mais aussi le Forum économique mondial ou economiesuisse.
Le directeur de cette association, qui compte 8 collaborateurs, est Nicolas Bürer et Sébastien Kulling est en charge pour le marché romand.
[/ASIDE]

Victoria Marchand

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