Populaire ou popularisé?
Pro Helvetia veut réveiller la culture populaire. On avait plutôt compris que sa mission était d’élever le niveau. Une pointe d’ironie et déjà je vous parais bêcheuse? Il n’est pourtant pas question pour moi de simplement renvoyer d’une moue boudeuse les flonflons folkloriques du Kiosque à musique et de sa cousine télévisuelle La Boîte à musique, ni même Oncle Morisod ou encore les DJ d’ascenseurs qui se produisent dans les grandes parades estivales, pour ne parler que musique. Quoique de tels exemples montrent à quel point ces styles populaires bénéficient déjà des meilleurs canaux. Disons simplement que convaincre la majorité de l’intérêt de la culture contemporaine, émergente, véritablement créée aujourd’hui pour des gens d’aujourd’hui, me semble plus urgent que de ramener une minorité dédaigneuse vers des manifestations de masse.
Bien sûr, on peut compliquer la question en parlant de la nécessité d’éviter la coupure entre les générations, entre la ville et la campagne, entre les Suisses romands et alémaniques… Bien sûr, il peut être bon pour un distingué auditeur de musiques sérielles de se rincer l’oreille avec un air de joddle. Bien sûr encore, il peut être bon aux derrières nantis de s’asseoir dans un café de quartier pour écouter de l’accordéon. Voilà pour ne fâcher personne. Quoique…
Mais une nouvelle fois, Pro Helvetia, et l’Office fédéral de la culture, et les médias de service public peuvent et doivent stimuler ceux qui se penchent vers le miroir de la réalité que les uns et les autres représentent forcément. Il ne s’agit pas de porter la bonne parole d’un art officiel nouveau, ce qui serait remplacer un problème par un autre. Il s’agit pour ces différentes institutions d’aller avec les Suisses et tous les habitants de la Suisse à la découverte de la culture d’aujourd’hui. Alors que tout bouge, il serait triste de ne renvoyer à la population qu’une image figée.
Offrir du populaire au peuple ne suffit pas. Il faut aussi populariser.
Et pour cela, on ne peut tout attendre de ces grandes machines. Les producteurs de culture eux-mêmes doivent y mettre du leur. Ce qui ne signifie aucunement qu’ils doivent simplifier leurs créations. Mais, artistes ou promoteurs, ils doivent les accompagner. Aujourd’hui, des écoles d’art aux théâtres, des musiciens contemporains aux musées, tous produisent et surproduisent brochures, catalogues et autres fiches de présentation. Mais la masse n’est pas tout. Elle peut même devenir effrayante. Il faut surtout trouver les justes mots et les justes graphies. Et là, malgré la multiplication des médiateurs de culture, on déplore encore de nombreuses bévues. On oublie qu’en terme de médiation, l’originalité doit toujours aller de pair avec la simplicité et l’humilité. Fi des présentations qui ressemblent à de mauvais poèmes abstraits, fi des typographies et des mises en page qui obligent à mille efforts pour trouver deux bouts d’information!