Pour Noël, j’offre une raison d’être et des valeurs à ma marque
Multiplication des messages d’un côté, perte de confiance en (à peu près) tout ce qui existe de l’autre : pas de doute, la tendance de l’époque est au doute. Dans ce contexte, les marques qui marquent sont bien plus celles qui savent faire battre les cœurs que raisonner les têtes. Les entreprises se dotent donc de raisons d’être et de valeurs, un exercice délicat qui doit être assuré par des spécialistes.
L’Occident vit à l’ère du grand doute. Les religions et les pouvoirs politiques ne donnent plus de direction. Ce que racontent les médias n’est cru qu’à moitié. Tout est remis en cause au coin des bars ou sur le web par les conspirationnistes de tout niveau : « De toute façon, ils sont tous menteurs et nous sommes tous manipulés. » Dans cette absence de repères, la quête de sens devient un trend toujours plus fort. Les marques l’utilisent, et elles ont bien raison.
Une marque porteuse se construit désormais moins sur ce qu’elle fait, et plus sur pourquoi (sa raison d’être) et comment (ses valeurs) elle le fait. La marque s’adresse plus aux cœurs qu’aux têtes. Apple ne fabrique pas de la technologie, mais nous offre des instruments de liberté individuelle. Nike ne fabrique pas des chaussures de sport, mais nous offre l’occasion de nous surpasser.
Une marque à conviction dégage une image plus nette et forte. Elle suscite un attachement plus émotionnel de ses publics et de ses collaborateurs. Alors, oui, toute marque devrait se doter d’une raison d’être et de valeurs. Mais l’exercice n’est ni anodin ni facile, il demande de l’expérience.
Bien choisir ces piliers identitaires doit permettre de se différencier (y compris par rapport à une marque aux produits et au positionnement identique). Il s’agit aussi d’être authentique. Improviser une raison, exprimer des valeurs qui ne cadrent pas avec l’image de marque existante ou avec ceux qui portent la marque dans le public conduit au dérapage.
Malheureusement, la quête de sens des entreprises s’arrête souvent à la formulation de la raison d’être et des valeurs. Celles-ci restent, désincarnées, sur un poster à la cafétéria ou dans un brand book. Elles sont pourtant, comme le nom de la marque, des piliers de l’identité et devraient donc être communiquées par des exemples, du storytelling, des expériences vécues – tout ce qui leur donnera de la chair. Les collaborateurs peuvent alors saisir leur importance, comprendre ce que cela implique, au quotidien, de les incarner et les exprimer. Et se les approprier.
Aussi intense qu’elle soit à l’interne, cette communication se fera subtile à l’externe. Encore plus que la raison d’être, les valeurs seront suggérées par une expérience de marque bien maîtrisée : il faut que les publics les attribuent d’eux-mêmes. Clamer frontalement des valeurs de marque (certains le font sur leur homepage ou leurs brochures corporate) équivaut en effet à se présenter à quelqu’un en lui lançant d’emblée « Bonsoir, je suis fort et intelligent » ! Un manque de tact et de réserve qui provoquera, au mieux, l’incrédulité et le rire et, au pire, le rejet.
La faute ultime, bien sûr, reste de contredire sa raison d’être et ses valeurs. Cela s’observe régulièrement : une marque de haute technologie au site web dépassé ; une marque de proximité traitant ses clients avec distance; une hotline qui ne répond pas ; un vendeur qui médit de sa propre entreprise ; ou enfin une marque rebaptisée Beyond Petroleum qui noie le golfe du Mexique sous une marée noire. Autant de coups à l’image de marque qu’il est toujours difficile d’effacer ensuite des esprits.
Contredire sa raison d’être ou ses valeurs est en effet une trahison. Et rien n’est plus efficace pour torpiller une belle relation qu’un sentiment de trahison ! La marque devient au passage une cible facile pour les bloggers, les associations de consommateurs, les journalistes, les humoristes – bref, pour tous les égratigneurs de marque…
En suscitant de la contradiction, la marque prise en faute replonge dans le brouhaha bruyant qui nous entoure. Elle ne porte plus de sens, ne nous aide plus à nous repérer, à nous affirmer. Dès lors, pourquoi s’attacher à elle ?
A l’inverse, un « discours droit au cœur », tenu avec cohérence, est la meilleure assurance-vie d’une marque. Il lui permet même de changer tout le reste (identité visuelle, positionnement, secteur, publics…) sans perdre sa crédibilité. De la même manière qu’une personne peut sortir indemne des situations les plus rocambolesques si elle a su rester, malgré tout, fidèle à elle-même. Une excellente raison de « mettre du cœur » dans sa marque en 2015.